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Alors que HRW appelle à la «protection de tous les Maliens» : Le HCR dénonce les «exactions de l'Armée malienne»

par El-Houari Dilmi

Le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) vient d'alerter l'opinion publique internationale sur la situation faite à des centaines de personnes qui ont fui la ville de Kidal (nord du Mali), pour se rapprocher de l'Algérie, plus au nord.

«Ces personnes ont fui vers les villages plus au nord, plus proche de la frontière algérienne, et certains ont franchi la frontière, en dépit du fait qu'elle est officiellement fermée» a déclaré le porte-parole du HCR, cité par l'AFP.

L'organisation humanitaire s'inquiète davantage de la fermeture des frontières,- lieu de passage de beaucoup de biens importés-, qui a sérieusement affecté la distribution de nourriture et d'autres biens de nécessité aux populations des villes de Kidal et Tessalit, proches de l'Algérie. Sur le terrain des opérations, la ville de Kidal serait sous le contrôle des rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), et des dissidents du groupe islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), qui ont formé le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA). Le MNLA «assure ne pas rechercher la confrontation avec l'armée française ni avec les militaires africains, mais vouloir empêcher les exactions de l'armée malienne».

Le HCR s'inquiète également de la hausse des tensions entre communautés ethniques au Mali. Il signale notamment le cas des membres des communautés touareg et arabes «qui font l'objet d'agressions par d'autres groupes, (pour avoir soutenu la rébellion séparatiste) et lance un appel pressant aux chefs de ces communautés et aux autorités maliennes pour que la priorité soit donnée aux initiatives destinées à promouvoir la paix et la réconciliation entre les différents groupes ethniques». Une aide d'urgence est en train d'être livrée à 9000 familles par le HCR, soit 54.000 personnes qui seront fournies en couvertures, jerrycans, moustiquaires et autres ustensiles de cuisine. Une première distribution d'aide était prévue hier mardi dans la ville de Mopti, qui héberge environ 40.000 personnes déplacées. Au total, 380.000 personnes ont fui le nord du Mali depuis de début du conflit il y a un an. Parmi elles, il y a 230.000 personnes déplacées dans le pays et plus de 150.000 réfugiés en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso et en Algérie.

Dans un communiqué de presse du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawed, le Mouvement national de libération de l'Azawed (MNLA) déclare avoir chassé les terroristes de plusieurs villes du territoire qu'il contrôle, et réitère sa détermination de lutter contre les «organisations terroristes présentes dans l'Azawed». Il demande également à la France, qui mène la guerre au Mali, de «mettre en place des mesures de coordination afin de mener la lutte contre le terrorisme avec les forces d'opération portant le nom de «Serval».

Le MNLA réclame également l'ouverture des négociations «dans le cadre d'une Fédération malienne dans l'objectif de trouver une solution définitive au conflit qui oppose l'Azawad à l'Etat central du Mali». Dans le même communiqué signé par le chargé de communication du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawed (CTEA), le MNLA informe l'opinion publique nationale et internationale que les villes de Kidal, Tessalit, Léré, In Khalil, Anefis, Tinzawatène, Tessit et Talatayt «sont sous le contrôle du Mouvement national pour la libération de l'Azawad, qui a décidé de reprendre en toute urgence ces localités afin d'assurer la sécurité des biens et plus particulièrement des personnes en raison des graves dangers qui pèsent sur leurs vies avec le retour dans l'Azawad de l'armée malienne qui marche sur les pas de l'armée française».

Dans l'optique de récupérer les villes du Nord du Mali, «nous avons engagé notre responsabilité pour la protection des civils contre les exactions criminelles de l'armée malienne qui s'est toujours distinguée par des massacres sur les populations azawadiennes sans défenses, comme elle vient de le prouver encore une fois à la suite de l'opération «Serval» menée sous le commandement de l'armée française» dénonce encore le CTEA dans son communiqué, ajoutant qu'une «chasse à l'homme visant les Touaregs, les Peuhls, Sonrai et les Arabes est organisée par l'armée malienne et ses milices dans l'Azawad». Depuis le déclenchement des opérations militaires françaises pour la conquête de l'Azawed au profit des «autorités maliennes», le MNLA fait état de cent personnes qui ont fait les frais de ces représailles ethniques. Exprimant son rejet de ce qu'il appelle la «vengeance malienne», le mouvement séparatiste se dit «fermement engagé à sécuriser ses villes et protéger ses populations contre une armée spécialisée dans le crime contre les populations civiles de l'Azawad». «D'autre part, afin de clarifier très nettement ses objectifs, le MNLA rappelle qu'il ne souhaite aucune confrontation avec les forces de la CEDEAO ni avec celles de l'armée française, malgré le fait qu'elle dirige les opérations d'occupation de l'Azawad. Cependant, si le MNLA ne réagit pas aux exactions maliennes, il aura alors failli à son devoir premier qui est de garantir la protection des populations civiles de l'Azawad, depuis trop longtemps victimes expiatoires de l'armée malienne» est-il encore écrit dans le communiqué de presse du CTEA. Des magasins, supposés appartenir à «des Arabes» assimilés aux islamistes ont été pillés mardi à Tombouctou, cette ville mythique du nord du Mali, par une foule en colère, rapportent des journalistes présents sur place. Des centaines de personnes, «visiblement très pauvres», ont attaqué des magasins tenus, selon elles, par «des Arabes», «des Algériens», «des Mauritaniens», accusés d'avoir soutenu les islamistes armés liés à Al-Qaïda à Tombouctou. Dans certaines boutiques, des munitions et des radios militaires ont été découvertes, a constaté un correspondant de l'AFP.

Human Rights Watch (HRW) avait demandé lundi aux autorités maliennes de prendre «des mesures immédiates» pour «protéger tous les Maliens de représailles», évoquant «des risques élevés de tensions inter-ethniques» dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg, la plupart du temps assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali. Une conférence des donateurs pour le Mali a recueilli plus de 455 millions de dollars (338 M EUR), qui iront aussi bien aux besoins militaires qu'humanitaires du pays, a annoncé mardi le Commissaire de l'Union africaine (UA) à la Paix et la Sécurité, Ramdane Lamamra. Alors que la situation sur le terrain reste encore confuse, le Royaume Uni a annoncé l'envoi de 240 formateurs militaires et environ 200 autres dans les pays de la région contribuant à la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) a annoncé hier mardi un porte-parole de Downing Street. Le président malien par intérim Dioncounda Traoré a déclaré mardi à Addis Abeba qu'il espérait pouvoir convoquer des élections au Mali avant le 31 juillet prochain. Le chef d'Etat par intérim a exprimé sa «détermination à organiser le plus rapidement possible, en tout cas, (c'est) notre souhait, avant le 31 juillet 2013, des élections propres c'est à dire transparentes et crédibles», devant les participants à une conférence de donateurs au Mali.