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La donne sécuritaire priorité des priorités aussi bien pour Alger, Tunis que Tripoli

par Kharroubi Habib

Hier, nous avons écrit que la coopération sécuritaire entre l'Algérie, la Tunisie et la Libye allait connaître une impulsion déterminante.

Ce que confirment des sources officieuses qui ont fait sortir qu'un sommet des Premiers ministres des trois pays consacré à cette problématique va se réunir sous peu à Ghadamès, localité libyenne située à 650 km de Tripoli. La rencontre sera destinée à déterminer les contours de cette coopération dont de précédents contacts bilatéraux ont exploré la faisabilité.

Il peut apparaître que compte tenu de ce qui se passe au nord du Mali c'est l'Algérie qui serait le plus demandeur d'une coopération sécuritaire avec ses voisins tunisien et libyen pour tenter de tarir le flot d'approvisionnement en armement et en renforts humains qui parvient aux groupes jihadistes ayant pris le contrôle de cette portion du territoire malien et font peser la menace d'une extension de leurs opérations déstabilisatrices au Sud algérien. Il est vrai que les autorités algériennes nourrissent cette appréhension et souhaitent légitimement instaurer avec Tunis et Tripoli une coopération de la sorte en vue de couper les groupes armés islamistes sévissant au nord du Mali de leurs sources d'approvisionnement en armement et en renforts humains.

Du côté tunisien et libyen, les autorités issues de la révolution du Jasmin et de l'insurrection qui a fait tomber le régime de Muammar Kadhafi ont elles aussi pris conscience que la stabilité de leur pays voire même leur maintien au pouvoir sont en train d'être sérieusement menacés par l'émergence en Tunisie et en Libye de groupements jihadistes se revendiquant d'El-Qaïda et s'intégrant dans sa stratégie de déstabilisation des régimes en place au Maghreb, y compris ceux de Tunis et de Tripoli même en étant les émanations du courant islamiste «modéré». Confrontés à ce danger de l'islamisme extrémiste qui fait dans la subvention jihadiste, les gouvernants tunisiens et libyens ont opportunément découvert que le voisin algérien dispose d'une expérience et d'une expertise en matière de lutte antiterroriste dont sont dangereusement dépourvues leurs institutions étatiques qui en ont la charge. Pour que la coopération sécuritaire que les trois Etats veulent promouvoir entre eux s'avère efficace, il faut qu'ils s'entendent pour évacuer dans sa mise en œuvre les considérations d'ordre politique qui ont été la cause des méfiances qui ont refroidi leurs relations.

Cela est surtout valable pour les autorités libyennes qui jusqu'à l'apparition chez elles de la menace des groupes armés jihadistes qui s'emploient ouvertement à les contester, ont donné l'impression de considérer l'Algérie comme un voisin d'où viendrait pour la Libye le danger de déstabilisation.

L'hypothèse est peut-être hasardeuse, mais pas impossible que la visite de l'émir du Qatar à Alger lundi n'est pas sans lien avec la problématique sécuritaire sur laquelle les trois pays du Maghreb ont engagé la concertation. Le Qatar sponsorise ouvertement et pratiquement les régimes tunisien et libyen dont il n'ignore pas la fragilité face à la menace que constitue pour eux le courant jihadiste inspiré par El-Qaïda. Cheikh Hamed Ben Khalifa Al Thani a pu probablement donner à son hôte algérien l'assurance qu'il n'y aura pas d'ambiguïté de la part des voisins tunisiens et libyens s'agissant de la lutte antiterroriste dont les résultats conditionnent plus l'avenir de la Tunisie post-Ben Ali et de la Libye post-Kadhafi que celui de l'Algérie qui a démontré ses capacités à l'assumer seule.

En tout cas, si coopération sécuritaire il y doit y avoir entre les trois Etats, elle doit vite être opérante car les événements appelés à intervenir au nord du Mali vont amplifier le risque terroriste pour toute la région du Maghreb et du Sahel, ce qui impose aux Etats concernés de ne pas se laisser surprendre.