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Chut ! Ne réveillez pas l'opposition, elle dort

par Kharroubi Habib

On sait au moins pourquoi le pouvoir et les autorités publiques sont murés dans le silence face aux grèves qui paralysent, pour l'une, la plus grande zone industrielle du pays, et pour l'autre, perturbe sérieusement le secteur sanitaire national. Mais quoi penser de l'attitude des partis politiques, ceux de l'opposition surtout, qui observent un mutisme encore plus assourdissant ?

 Que les partis de l'alliance présidentielle se taisent sur cette situation, on les comprend aisément. Ce que dénoncent ou revendiquent les grévistes sont la conséquence d'une gouvernance et d'une politique dont ces formations sont les auxiliaires et les propagandistes. Les grévistes apprécieraient mal de ce fait que les partis de l'alliance leur expriment du soutien à leurs actions, alors qu'ils sont solidaires du gouvernement contre lequel ils se battent pour faire reconnaître leurs droits.

 Par calcul, les partis de l'alliance présidentielle se gardent d'exprimer cette solidarité qui les obligerait à prendre position contre les mouvements de grève et leurs doléances. Dans leur cas, le silence est un gage d'avenir. Ce qui explique le profil bas qu'ils pratiquent devant l'ébullition sociale à l'oeuvre.

 Il en va tout autrement pour les partis de l'opposition qui, normalement, auraient dû exploiter la situation pour au moins rappeler qu'ils existent et s'inquiéter de la tournure des évènements. Au contraire, ils sont aux abonnés absents, à la seule exception du PT, dont la secrétaire générale et porte-parole, Louiza Hanoune, a donné son point de vue sur la protestation sociale en cours.

 D'aucuns pourraient s'étonner que l'on s'étonne du mutisme de l'opposition, à partir du moment où celle-ci est plongée dans la léthargie absolue depuis longtemps déjà, pour ne pas dire qu'elle n'existe pratiquement plus. Mais enfin, il nous semble qu'il existe encore dans cette opposition un carré de battants qui auraient pu essayer de rebondir en montrant qu'ils sont sensibles à la revendication sociale qui est à l'origine des présentes luttes syndicales. Pour des partis qui se targuent d'avoir des politiques et des programmes alternatifs à ceux du pouvoir, qui désespèrent la population et les grévistes en particulier, l'effervescence sociale actuelle représente l'occasion en or de se faire entendre. Au lieu de cela, ils se taisent, ce qui confirme pour l'opinion publique qu'ils ne s'intéressent aux citoyens et à leurs problèmes que le temps où ils font du racolage électoral. Des formations de cette opposition ont peut-être été tentées d'exprimer leur solidarité avec les grévistes en condamnant la politique qui les a obligés à cette extrémité. Elles ne l'ont pas fait, pour certaines tétanisées par l'accusation que le pouvoir n'aurait pas manqué de lancer contre elles d'être «la main cachée» qui serait derrière cette agitation socialo-syndicale.

 Au final, le comportement de l'opposition n'est pas pour rehausser sa crédibilité et lui assurer des sympathies populaires. Si le pouvoir fait tout pour étouffer la fronde sociale et la contestation syndicale, c'est parce qu'il sait que c'est de ce seul front que vient la menace pour sa stabilité et sa pérennité. Sur celui du politique, il n'a à faire qu'au désert le plus absolu. Son silence et celui de l'opposition travaillent au final au même but, celui de ne pas considérer les citoyens comme acteurs agissants dans ce qui se passe dans le pays.