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Chihab Seddik, membre du bureau national du RND au Le «pacte», le FLN et Sant'Egidio

par Entretien Réalisé Par Moufida R.

Dans cet entretien qu'il nous a accordé, Chihab Seddik, membre du bureau national du RND et vice-président de l'APN, est revenu sur le pacte politique signé entre le PT et le RND le 15 décembre dernier. Ce pacte, avoue-t-il, traduit le nouveau cap amorcé par la formation d'Ouyahia.

Il a également soulevé la question de la légitimité historique dont se targue le FLN, estimant que le Front de libération est un patrimoine commun à tous les Algériens mais que le parti reste celui de ses dirigeants et qu'il est temps que cesse l'amalgame autour de cette question.

Le Quotidien d'Oran: Il semble que c'est la première fois qu'un pacte politique de ce genre est signé entre deux partis, de prime abord diamétralement opposés s'agissant de leurs programmes économiques et politiques ?

Chihab Seddik: Effectivement ! c'est la première fois qu'accord de ce genre est écrit et signé mais je vous dirai que les alliances ont toujours existé de manière tacite lors des joutes électorales. On contracte des alliances avec d'autres partis politiques pour s'assurer d'un nombre important de sièges. Avec le PT qui ne participe pas, on a conclu un accord dûment signé. Nous lui avons assuré de tenir nos engagements comme nous l'avons toujours fait et nous ne faisons pas les choses à moitié. Nous assumons pleinement nos choix d'autant plus que ce que nous proposait Louisa Hanoune n'est pas étranger à nos principes. Je dirai même que ce sont même les fondements politiques de notre parti. On ne peut pas se réclamer du novembrisme et ne pas défendre les principes contenus dans la déclaration du 1er novembre car, en vérité, c'est de cela qu'il s'agit et par conséquent la souveraineté nationale, la construction d'une société juste et épanouie, la défense des intérêts matériels et moraux font partie de nos objectifs permanents. S'il est vrai qu'aujourd'hui quand on entend quelqu'un parler de ces éléments, on l'accuse de démagogie car tout le monde a usé et abusé de ces principes au point de les rendre vides de leur sens. Et c'est précisément le défi que le RND s'est lancé. C'est celui de réhabiliter les valeurs de novembre et leur donner un sens juste en adoptant une politique de redressement national. Au moment de la naissance du RND, il a été mis immédiatement sur le front, aux premières loges et à l'avant-garde contre la déferlante intégriste et la priorité était de faire échouer le projet islamiste et ses corollaires l'obscurantisme et régression. Cet objectif a été largement atteint, nous pouvons dire aussi que cela a été fait sans l'engagement d'une bonne partie de la classe politique mais surtout avec l'adhésion des Algériennes et des Algériens, jaloux des acquis de l'indépendance et qui aspiraient à la construction d'un Etat républicain et démocratique. Quant à la soi-disant orientation ultralibérale du RND, cela aussi relève beaucoup plus d'une étiquette que d'une réalité. Au moment de la création de notre parti, l'Algérie se débattait dans des problèmes énormes, notre SG Ahmed Ouyahia qui était chef de gouvernement à l'époque avait dû honorer les engagements pris par ses prédécesseurs. Il faut rappeler que l'Algérie était soumise au diktat avec les fameux ajustements structurels et partant les conséquences désastreuses sur le plan social. Mais il faut comprendre que le RND s'est engagé à lutter contre le système rentier et être contre la rente ne veut pas dire ne pas avoir une politique sociale. Le fait de dire que le parti a comme acte fondateur la déclaration du 1er novembre qui impose la construction démocratique et sociale éclaire bien sur nos orientations.

Q. O.: Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui qu'avec ce pacte politique vous vous démarquez de cette étiquette de parti ultralibéral et que vous avez décidé de rectifier le tir et de changer de cap ?

C. S.: Oui, on peut le dire et j'ajoute à mon corps défendant que nous n'avons jamais eu de politique ultralibérale mais que les circonstances dues à cette conjoncture précise nous l'ont imposé. Je parlerai d'un retour aux sources que le RND a amorcé. Nous estimons que l'Algérie a dépassé les moments difficiles et que la situation économique est en nette amélioration et que la crise financière mondiale nous a permis d'y voir plus clair. Cet éclairage nous permet de changer de fusil d'épaule et aller vers une démocratie sociale plus en adéquation avec le programme du Président de la République et de ses engagements électoraux.

Q. O.: Est-ce que ce pacte va durer dans le temps ou c'est juste à l'occasion des sénatoriales ?

C. S.: Je ne pense pas que ce qui est contenu dans ce pacte est conjoncturel. Ce sont des objectifs qu'il faut atteindre. Leur réalisation demande des sacrifices et de la persévérance et pour donner un tant soit peu un contenu réel rien qu'au principe de la souveraineté nationale, il faut éliminer beaucoup de pratiques comme la corruption, la hogra, les passe-droits, l'injustice, en fait tout ce qui gangrène la vie politique. L'argent mal acquis pollue tout. En plus, il est question dans le pacte, la défense de la loi de finances complémentaire de 2009. Les dispositions qui y sont contenues ont été reconduites dans la loi de finances de 2010. Le gouvernement est très attentif aux préoccupations des entreprises nationales.

Q. O.: Le FLN n'a pas apprécié la signature de ce pacte, quel est votre commentaire ?

C. S.: Le FLN est libre d'apprécier les choses en fonction de ses propres intérêts partisans, cependant notre alliance nationale avec le PT n'a rien d'étrange à notre nouvelle vision des choses. Elle s'achemine vers la même direction. Je pense que les déclarations inappropriées de Belkhadem et celles de certains dirigeants du FLN ne sont pas à la hauteur de la dimension du parti qu'ils représentent. On ne peut pas vouloir construire une démocratie qui est un choix irréversible et imposer sa propre vision des choses à la classe politique, une vision au demeurant dépassée et archaïque. Il faut que j'apporte cette précision au nom du RND et de tous ses militants: le Front de libération nationale est un patrimoine commun à toutes les Algériennes et les Algériens et quant au parti en tant que structure, c'est celui de ses dirigeants. Si on venait à diviser le parti du FLN en actions, bon nombre de ses dirigeants n'obtiendraient pas une seule action ! C'est dire que les Algériens sans distinction aucune ont fait du Front, un élément fort de leur identité politique et un engagement permanent, dès lors qu'il est partie intégrante de notre hymne national. Maintenant, pour ce qui est du parti, ses dirigeants sont libres de lui donner l'orientation qu'ils veulent. La légitimité historique et révolutionnaire est un bien commun à tous. D'ailleurs qui peut bien prétendre mieux que nous à cette légitimité lorsqu'on sait que parmi les membres fondateurs du RND, se trouve Mohamed Chérif Abbas, Saïd Abadou, Amar Sakhri, Saïd Meddour, Mohamed Tahar Bouzeghoub, Stouti Abderrahim, Fellouhi Mustapha, Abdelkader Bensalah, Si Tayeb Seddiki, Rachid Haddadi, El Hadj Moussa Akhamoukh, Ferhat Berrahal, Mehdi Cherif et la liste est longue sans parler des organisations des enfants des chouhada et celle des patriotes qui ont donné leur sang pour ce pays. Ce sont d'anciens officiers du FLN/ALN. Il faut que cesse l'amalgame entre le FLN de 1962 et le parti actuel. Quant au combat pour la sauvegarde de la République, je pense que nous pouvons nous revendiquer de cette majorité d'Algériens qui se sont distingués par leur rejet du projet islamiste intégriste. L'Histoire retiendra les noms de ceux qui ont choisi de prendre les armes pour sauver la République et ceux qui ont préféré négocier leur abdication à Sant'Egidio. Ceci pour dire qu'au sein de ce parti dont les dirigeants nous traitent de tous les noms d'oiseaux, il y a des hommes qui ont honoré le parti auquel ils appartiennent.