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Tout se décide à El-Mouradia

par Kharroubi Habib

Les auditions des ministres auxquelles procède le chef de l'Etat sont l'une des manifestations la plus révélatrice de l'hyper présidentialisation du régime en vigueur dans le pays. Les ministres rendent en effet compte individuellement au premier magistrat et prennent leurs orientations et instructions dans la même forme. La méthode vaut ce qu'elle vaut.

 Ce qu'il faut en retenir, c'est que le président de la République assume en y recourant la responsabilité du suivi et de l'évaluation de l'action de chaque département ministériel. Il est en somme le chef d'orchestre de l'ensemble gouvernemental. De ce fait, les citoyens sont en droit d'invoquer sa responsabilité directe quand cet ensemble n'agit pas dans la cohérence et la cohésion, comme il en a administré la preuve en maintes occasions.

 Avant la révision de la Constitution, il y avait un chef du gouvernement, fonction qui entretenait l'illusion que son titulaire était celui en charge de l'impulsion et de la coordination de l'équipe ministérielle. En cas de défaillance de celle-ci dans la mise en oeuvre des programmes d'action dont elle a été chargée, il devenait ainsi le «fusible» que le président de la République actionnait pour se prémunir du mécontentement populaire qui en découle.

 Abdelaziz Belkhadem a, par naïveté ou calcul, prêché contre cette illusion en se présentent non comme chef du gouvernement mais en tant que modeste exécutant des volontés présidentielles. Mais même cette fiction qu'entretenait l'existence d'une chefferie de gouvernement n'était pas du goût de Bouteflika, qui y a mis un terme en lui substituant un Premier ministère constitutionnellement encore plus démuni de pouvoirs.

 Ahmed Ouyahia, premier titulaire du poste ainsi révisé, s'est entièrement coulé dans le moule de la fonction tel que l'a façonné la révision constitutionnelle initiée par Bouteflika. Depuis qu'il l'exerce, il fait profil bas. Il n'est plus question qu'il fasse de l'ombre au chef de l'Etat en médiatisant ses activités comme il le faisait avec brio quand il a été chef du gouvernement. Ce retrait médiatique qu'il observe est sa façon de faire comprendre que son rôle est d'assurer «l'intendance» et que la source décisionnelle a laquelle réfère le staff ministériel n'est pas au Palais du gouvernement mais à El-Mouradia.

 La question est posée donc de savoir si la Présidence exerce effectivement et de façon non épisodique le suivi, le contrôle et la coordination de l'exécutif, ou si elle se limite à des auditions annuelles auxquelles donne lieu le mois de Ramadhan (et pourquoi ont-elles lieu en ce mois précisément ?).

 Ce mode de gouvernance, dont la pertinence et l'efficacité font nécessairement débat et soulèvent des critiques, a au moins un mérite: celui de situer sans équivoque le niveau où il faut imputer les responsabilités du bilan de l'action gouvernementale. En tout cas, Bouteflika assume qu'il en soit ainsi, au point qu'il est déterminé à accentuer encore plus le caractère présidentialiste du régime par une nouvelle révision de la Constitution.