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Ghaza : Quand la diplomatie de l'ombre se met en marche

par Ghania Oukazi

La visite à Alger du vice-président iranien laisse entrevoir le déploiement d'efforts diplomatiques importants, pour aider la résistance palestinienne à sauver «l'honneur de la Nation arabe».

Il est vrai qu'en voyant le ministère des Affaires étrangères réunir les représentants de la société civile pour coordonner avec eux les actions de solidarité à l'endroit du peuple palestinien, l'on devient inévitablement sceptique quant à l'efficacité de la diplomatie algérienne dans sa participation à régler des conflits internationaux. Il est d'autant plus légitime de le relever quand il s'agit de la question palestinienne, qui est et reste une question de décolonisation dans le sens le plus large et le plus historique du terme. La réunion que le ministre des Affaires étrangères a tenue samedi, à la résidence El-Mithak avec la société civile, a été classée par un diplomate algérien dans le chapitre « diplomatie moderne ». Cette précision, le responsable au MAE l'a faite quand il lui a été dit qu'il aurait été plus judicieux de laisser le volet solidarité à Djamel Ould Abbas qui en est la tutelle légale (Voir Le Quotidien d'Oran du 11 janvier 2009). Ceci est ce que l'opinion publique a relevé de visu. Mais il y a le reste, et il semble être le plus porteur et le plus bénéfique diplomatiquement et politiquement pour la résistance palestinienne. Il s'agit de contacts, de propositions et de décisions prises dans la stricte confidentialité. C'est ce qui est appelé la diplomatie de l'ombre. Considérée comme étant l'arme la plus redoutable en matière de coordination des efforts pour le règlement des conflits, elle se veut être la plus discrète possible, voire totalement secrète pour éviter toute velléité interne et notamment externe, d'étouffement dans l'oeuf de son entreprise. L'Algérie a tout l'air d'avoir recouru ces jours-ci à ses anciennes pratiques, à la diplomatie de l'ombre qui lui a été d'une grande utilité dans ses médiations au plan international. La visite depuis dimanche du vice-président iranien à Alger en ces moments tragiques, durant lesquels le peuple palestinien se fait exterminer par l'entité sioniste, pèse lourdement dans cet échiquier. C'est sans conteste aucune que les contacts de l'Iran avec d'autres pays sont considérés comme étant d'une importance particulière pour la cause palestinienne. Ils le sont d'autant que l'Iran est accusé de financer voire d'armer la résistance palestinienne, qui, toutes les factions confondues, s'est mise depuis la guerre israélienne contre Ghaza, sous la bannière du mouvement de libération Hamas.



L'impuissance du monde face
à la suprématie américaine




La Palestine veut des aides autrement plus stratégiques pour libérer ses territoires du joug colonial. Le peuple palestinien n'est pas une bouche à nourrir mais un peuple à lui renforcer et soutenir sa résistance. Ces jours-ci, il a commémoré le 44è anniversaire de sa révolution armée. Il continue à vivre les pires atrocités perpétrées par un Etat voyou et terroriste. En coordonnant les actions de solidarité avec la société civile envers Ghaza, la diplomatie algérienne a peut-être voulue exhiber le côté humanitaire de son soutien des Ghazaouis dans leur tragédie, et détourner les regards sur l'essentiel. Elle se fait donc discrète dans tout ce qu'elle entreprend au plan politique. D'ailleurs, un indice de taille à cet effet, sa décision d'accepter la tenue d'un Sommet arabe, alors que la semaine dernière, elle était plutôt contre. Certes, les choses n'évoluent pas vite comme l'exige la situation dramatique à Ghaza mais elles tentent de se frayer un chemin au milieu de ce chaos devant lequel le monde entier a montré son impuissance. Il est clair qu'aujourd'hui, tous les pays du monde plient l'échine devant l'expansionnisme des Etats-Unis et leur soutien indéfectible à la barbarie sioniste. Tous ont demandé l'arrêt immédiat de la guerre y compris le Conseil de sécurité onusien, mais aucune partie n'a réussi à l'imposer à Israël. C'est que le monde continue de tourner sur un seul pivot, celui de la suprématie américaine. Barak Obama a mis dans une même balance l'Iran et le conflit au Moyen-Orient. C'est dire que l'Iran est seul à faire peur parce qu'il pourrait troubler l'ordre imposé. L'Amérique de Bush avait, d'ailleurs, pris le soin de faire admettre aux pays arabes que l'Iran ne peut être leur allié puisqu'il a été leur ennemi par le passé et qu'il est impossible pour eux de s'entendre avec un pouvoir chiite. C'est par ce subterfuge qu'elle a réussi à diviser les Irakiens et à faire éclater leur pays en lambeaux.



«Vous n'êtes pas un médiateur,
vous êtes une partie dans le conflit»




L'allégeance des dirigeants arabes à Washington et en parallèle leur éloignement très marqué du président iranien Ahmedinadjed, et à un degré moindre de la Syrie de Bachar El Assad sont pour, pensent-ils, protéger leurs règnes de la déferlante islamiste chiite. C'est d'ailleurs ce qui les laisse baisser la tête alors que Ghaza meurt, Hamas étant le petit monstre qui pourrait devenir grand s'ils acceptent d'aider la résistance palestinienne. Pourtant, l'équation est tellement simple quand on sait qu'ils feignent de ne pas voir que c'est leur autoritarisme et leur acharnement à barrer la route à la démocratie qui creusent le fossé entre eux et leurs peuples. L'on apprend que les pays comme l'Algérie, qui ont refusé pour l'instant d'envoyer des aides financières à la résistance palestinienne, l'ont fait de peur que ces aides profiteraient à ceux qui ne le méritent pas. Ils ne le méritent pas parce qu'il leur est reproché de laisser mourir leur peuple pour avoir fait un mauvais choix le jour où il lui a été demandé d'aller vers les urnes. Il a choisi Hamas. Activant hors mandat depuis le 9 janvier dernier, Mahmoud Abbas a perdu la face devant tous ceux qui refusent que la cause palestinienne soit noyée dans le dédale de l'aide humanitaire et des commentaires sur la petite roquette « hamassienne » qui place Israël détenteur de l'arme nucléaire, en position de « légitime défense ».

Le vice-président iranien a fait le voyage à Alger dans ces grands moments de l'histoire d'un conflit qui a plus que jamais besoin d'une ferme détermination des Etats arabes. « Vous n'êtes pas un médiateur, vous êtes une partie dans le conflit » criait hier Abdelaziz Belkhadem à la face du monde arabe. C'est le moins que l'on puisse faire remarquer à des dirigeants qui, à force d'avoir peur d'être qualifiés de proislamistes au cas où ils soutiendraient la résistance palestinienne, se sont cachés derrière une absurde résolution de l'ONU. En plus de la visite de l'Iranien Hossein Dahkane, Alger a aussi été l'hôte hier de Koksal Toptan, le président de la grande assemblée nationale turque. Le premier était porteur d'une lettre de son président Ahmedinadjed qu'il devait remettre au président Bouteflika. Hossein Dahkane a déclaré à la presse qu'il a aperçu « une volonté accrue de la part du président de la République de répondre aux aspirations des peuples arabes et islamiques ». Koksal Toptan, pour sa part, avait souligné que « l'Algérie et la Turquie sont liées par les relations de fraternité et d'amitié et partagent les mêmes points de vue sur les questions régionales et internationales ». Si, pour le premier, la résistance palestinienne a besoin d'être soutenue matériellement pour libérer ses territoires comme le réclament « les peuples arabes et islamiques », le second représente un pays - la Turquie - qui, sans attendre le vote d'une résolution onusienne, fait depuis le premier jour du carnage à Ghaza, le porte-à-porte prenant ainsi une place politique avant-gardiste en faveur des Palestiniens. Il serait très dommage que ces recoupements ne soient qu'une simple vue de l'esprit.