Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les limites des marches du vendredi

par Kharroubi Habib

En terme de participation citoyenne les marches d'avant-hier vendredi ont été un franc succès attestant ainsi que la mobilisation populaire autour de la revendication du retour à la souveraineté du peuple en tant que seule et unique source du pouvoir n'a nullement fléchi. Mais l'installation dans la durée de la contestation populaire dans les formes qu'elle revêt depuis huit semaines n'est pas gage que le pouvoir de fait qui a pris la relève de celui de Bouteflika et de son clan va finir par exaucer les revendications qu'elle exprime.

Pour aussi grandioses qu'elles sont les marches populaires du vendredi n'établissent pas un rapport de force qui contraindrait ce pouvoir à faire marche arrière en rectifiant sa position sur la voie que doit emprunter la transition destinée à doter l'Algérie d'un nouveau régime démocratique exempt des tares qu'a concentrées celui du président déchu. Leur caractère pacifique et surtout leur timing du vendredi, journée de repos hebdomadaire, font qu'elles ne produisent pas la pression susceptible de déstabiliser le pouvoir et lui faire entrevoir qu'elles viendront à bout de son entêtement à considérer «irréalisables» les revendications populaires.

De la sorte, le temps travaille pour le pouvoir car pour aussi déterminés que sont les citoyens à poursuivre la contestation, la lassitude voire même le découragement finiront à la longue par s'insinuer dans leurs rangs et par provoquer le reflux du mouvement dont ils sont les acteurs et que les tenants d'une contre-révolution espèrent à l'évidence le voir se produire. Après huit semaines d'une contestation qui a certes obtenu le renoncement au cinquième mandat, la démission du président qui en a été le postulant et a sapé les fondements du régime qu'il a incarné, le mouvement citoyen se doit d'envisager d'autres démonstrations de force que les marches du vendredi. Seul moyen pour lui d'établir ce rapport de force qui ferait échec à la contre-révolution se profilant derrière la transition constitutionnelle enclenchée par les tenants du régime. Tout ce qui apparaîtrait envisageable pour ce faire au mouvement citoyen est soumis à la seule condition que cela se fasse tout aussi pacifiquement que le sont les marches du vendredi. La « révolution du sourire» doit continuer mais en faisant comprendre qu'elle n'a rien d'un défoulement populaire qui finirait par s'éteindre sans que les revendications qui sont les siennes soient satisfaites.