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Pétrole, le rebond

par Akram Belkaïd, Paris

C’est une bonne période pour les pays producteurs de pétrole. Les cours du baril atteignent actuellement leur record de l’année et les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ainsi que leurs partenaires font preuve de discipline pour respecter leur accord de réduction de la production. Pour mémoire, c’est en décembre dernier, au terme de négociations laborieuses, que l’Opep et d’autres producteurs dont la Russie ont décidé de réduire les pompages pour prévenir une chute du brut à moins de 50 dollars le baril. Et, pour l’heure, la stratégie fonctionne puisque le Brent teste le seuil symbolique des 70 dollars. Tous les rapports le confirment, la discipline est réelle et, pour l’heure, personne ne semble tenté de produire plus pour tirer profit de la hausse des cours et augmenter ses parts de marché.

Politique américaine en cause

On pouvait s’y attendre, cette hausse continue ne fait pas plaisir aux pays consommateurs surtout dans un contexte d’incertitude quant à l’évolution de la croissance mondiale, perturbée notamment par le bras de fer commercial entre Washington et Pékin. Aux États-Unis, pays à la fois producteur et importateur, le président Donald Trump a demandé à plusieurs reprises au Cartel de «garder son calme» et de faire en sorte que les cours ne montent pas trop. La chose n’est pas nouvelle. Les Etats-Unis ont toujours eu à cœur de veiller à ce que les prix de l’essence restent bon marché surtout à l’approche du printemps et de la fameuse «driving season», la saison où nombreux sont les Américains à prendre leur voiture pour faire de grandes distances.

Ce qui est nouveau, c’est que les producteurs de l’Opep et leurs partenaires peuvent renvoyer Washington dans ses cordes en avançant que la hausse des cours n’est pas simplement due à leur accord de décembre. Elle est aussi le résultat de la politique américaine. Actuellement, deux producteurs sont, en effet, dans le collimateur de l’administration Trump : l’Iran et le Venezuela. Soumis à des sanctions, ces deux pays ont diminué leurs exportations et personne ne sait vraiment quand et comment ils vont revenir de plain-pied sur le marché. Autrement dit, leur pétrole manque et l’Opep n’a pas encore décidé s’il faut ou non le compenser (ce que réclame Washington). A cela s’ajoute le fait que les stocks des pays consommateurs sont au plus haut à commencer par les États-Unis qui avec leurs 12 millions de barils par jour peuvent se permettre de reconstituer leurs réserves.

Juin, rendez-vous crucial

La situation est incertaine et cela explique, en partie, pourquoi l’Opep a repoussé en juin prochain son sommet extraordinaire prévu en avril. Pas question pour l’organisation de se réunir sans savoir ce que les Etats-Unis vont encore décider à l’encontre de Caracas et de Téhéran. D’ici là, les analystes et les «chartistes», ceux qui établissent des prévisions en étudiant l’évolution historique des courbes des prix, s’interrogent sur la capacité des prix à passer la barrière des 70 dollars. Si cela arrive alors, comme le montrent les statistiques, rien n’empêchera le baril de faire route vers les 80 dollars. Au grand dam des États-Unis et des autres pays consommateurs.