S'il
ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir abattu, celle du mouton
n'est pas non plus à donner avant de l'avoir acheté. Alors que le citoyen fait
face au casse-tête de l'achat du mouton de l'Aïd, d'autres pensent à la
récupération de sa peau. C'est une affaire d'intérêt économique et de
protection de l'environnement, plaident les (re)preneurs
de peaux du mouton du sacrifice. Il y a du vrai et il y a ce qui agace dans
cette histoire. Vrai, la peau du mouton de l'Aïd jetée dans la nature est une
forme d'agression contre l'environnement. Vrai, également, la récupération
d'une partie des peaux de quelque 4 millions de moutons sacrifiés chaque année
est une aubaine pour le secteur du cuir, qui peut améliorer son rendement avec
presque « zéro » investissement. La matière première étant gratuitement
offerte. C'est un maillon de l'économie nationale qui trouvera un bon compte.
On ne peut pas dire le contraire. Ainsi, le ministère de l'Industrie et des
Mines, principale partie engagée dans cette entreprise de collecte des peaux de
mouton du sacrifice, use de SMS pour lancer des appels de sensibilisation aux
citoyens, où il est demandé de déposer les peaux des sacrifices dans les
endroits désignés pour la collecte et de procéder au salage de ces peaux, avant
de s'en débarrasser, bien sûr. Cette dernière action qui relève du salage des
peaux n'est pas garantie, car les ménagères qui jettent ces peaux n'iraient pas
jusque-là. Seules les carcasses de mouton rentrent à la maison, les peaux de
mouton restent dehors, et ceux qui désirent les prendre doivent les charger en
l'état. Ne peuvent-ils pas exécuter cette opération de salage, eux-mêmes, au
moins ils auront fait quelque chose en sus de leur ramassage ? Cette histoire
de récupération de peaux des moutons sacrifiés commence à faire ?tilt' dans les
têtes. Trop de bruit autour, on en a fait presque une affaire de salut
économique. Pas moins de six secteurs ministériels
participent, cette année, à la campagne de récupération des peaux lancée par le
ministère de l'Industrie, en l'occurrence le ministère de l'Intérieur, par le
biais des municipalités, le ministère de l'Environnement, et celui de la Poste,
des Télécommunications, des Technologies et du Numérique, à travers des SMS, le
ministère du Commerce et le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, au niveau des mosquées et le ministère de la
Communication à travers des spots publicitaires à la télévision et à la radio.
Presque tout un gouvernement mobilisé pour cette histoire de récupération des
peaux de mouton, naguère transformées sans mot dire en tapis confortables par
nos mères ! Et, ce que ne savent pas tous ces départements, c'est que d'autres
petites gens ont fait de la récupération de ces peaux de mouton leur métier,
depuis des lustres. Ces derniers travaillent dans la proximité, sans avoir
besoin de grosse campagne médiatique. Ceux qui collectent en silence ces peaux,
pour récupérer également la laine (tient, la collecte officielle ne parle pas
de cette récupération de la laine !?), passent leurs
commandes au moment du sacrifice, parfois avant, en sillonnant les quartiers où
ils résident. Les peaux de mouton, on ne les trouve pas en quantité énorme dans
les poubelles. Pour récupérer un aussi grand nombre, selon les prévisions 800
000 peaux, plus dans les prochaines années, puisque cette année seules les
grandes wilayas sont ciblées, il faut mettre le prix, en fixant un prix à la
peau, pour encourager les chômeurs à se faire un peu d'argent à l'ombre de
cette grosse entreprise industrielle qui table dans les années à venir de
récupérer dans les 48 wilayas environ 4 millions de peaux de sacrifice, d'une
valeur de plus de 50 millions de dollars. Gros pactole. Mais, le citoyen
payera, toujours, au minimum plus d'un million de centimes, voire deux à trois
millions, pour mettre sur son dos la veste en cuir fabriquée à partir de cette
peau qu'il a salée et cédée gratuitement. Ainsi que toute la gamme de
maroquinerie qu'on aura fabriquée avec et qui ne va pas voir ses prix baisser !