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Le piège des droits de l'homme

par Mahdi Boukhalfa

L'Algérie a été tout récemment la cible de vives critiques d'ONG de défense des droits de l'homme, dont Amnesty et HRW, mais également du département d'Etat pour sa politique de containment des flux migratoires. Alger est accusée par ces ONG ainsi que par le gendarme du monde de reconduites aux frontières musclées, souvent injustifiées et surtout attentant à la dignité humaine et en violation des droits de l'homme. L'Algérie a répondu à ces accusations, mais, tout comme le Comité des droits de l'homme de l'ONU, ces ONG accordent plus d'importance aux rapports de leurs correspondants et aux témoignages des migrants refoulés qu'aux responsables algériens.

Pourtant, l'Algérie travaille avec une grande rigueur dans ce dossier délicat et sensible qu'est la migration de dizaines de milliers de personnes du sud du continent vers l'Europe, transitant souvent par l'Algérie. Ce qui a nécessité de la part des autorités nationales la mise en place d'un important réseau de prise en charge de ces personnes, souvent en difficulté, fatiguées, sans ressources et parfois livrées aux réseaux de trafic en tout genre. Le contrôle des frontières, le transit de milliers de Nigériens à la recherche d'un emploi, d'une vie meilleure, d'abord en Algérie, ensuite peut-être en Europe, sera ainsi le point focal de la prochaine session du comité bilatéral algéro-nigérien, prévu samedi et dimanche à Alger. Lors des travaux de cette session, les responsables algériens et leurs homologues nigériens vont affiner autant les moyens de lutte contre l'immigration clandestine, la traite des personnes, mais également le trafic de drogue et le terrorisme.

Cette session d'Alger intervient à un moment où l'Algérie est sous les feux des projecteurs, accusée de refouler dans le désert des personnes en vulnérabilité extrême, de reconduites musclées aux frontières et de ne pas satisfaire aux principes des droits de l'homme en matière de prise en charge des populations déplacées. Le ministre de l'Intérieur Nouredine Bedoui devra ainsi assainir avec son homologue nigérien Mohamed Bazoum un dossier sensible pour les deux pays, mais également qui a fait le lit de vives critiques d'ONG internationales de protection des droits de l'homme, et aussi du département d'Etat qui accuse l'Algérie de ne pas avoir fait «assez d'efforts» pour lutter contre la traite des personnes. Pour autant, loin de ces préoccupations «mondaines», les deux pays travaillent de leur côté pour la consolidation d'un solide partenariat et d'une feuille de route commune contre le phénomène de l'immigration clandestine, l'inspection permanente et l'entretien de la bande frontalière.

A Alger, il s'agira par ailleurs de mettre en place de nouveaux mécanismes de lutte contre le trafic de drogue, la criminalité transfrontalière et, en particulier, cibler les réseaux de trafic d'êtres humains. Certes, le Niger a peu de moyens pour ces différentes missions d'un agenda bilatéral très serré, mais l'Algérie peut suppléer la modicité des moyens humains et matériels de Niamey par une plus grande présence et efficacité dans la surveillance des frontières communes. A condition, cependant, que les autorités nigériennes, liées à l'Algérie par un accord de reconduite aux frontières, adoptent une attitude responsable et ne fassent pas le jeu d'ONG et de pays européens qui ont voulu imposer, le couteau sur la gorge, à l'Algérie d'abriter des camps pour migrants subsahariens refoulés d'Europe. Car dans cette dramatique question migratoire, un effet monstrueux de la domination du Nord sur le Sud, aucun pays ne peut dicter à un autre sa politique interne.