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Cafouillage «trumpien» ou entêtement nord-coréen ?

par Kamal Guerroua

C'est par un bref courrier que Donald Trump a fait part de sa décision de renoncer au face-à-face du 12 juin prochain avec Kim Jong-un, le leader communiste nord-coréen. «J'estime, argumente-t-il dans un texte d'une vingtaine de lignes, rendu public le jour même où la Corée du Nord annonçait au monde le démantèlement de l'un de ses sites d'essais nucléaires, qu'il n'est pas opportun à ce stade de maintenir cette rencontre». En même temps, le locataire du bureau oval a mis en garde Pyongyang contre tout acte irresponsable, assurant que l'armée américaine est prête à toute éventualité.

Si Trump n'a pas fermé la porte à la possibilité d'un autre sommet, il n'en demeure pas moins confus à plus d'un égard dans sa position, lui qui avait accepté et soutenu même le principe de cette rencontre prévue à Singapour. Mais pourquoi le président américain a-t-il «rétropédalé» si rapidement au moment où d'aucuns parmi les observateurs les plus pessimistes de ce dossier-là voient dans sa démarche une éclaircie pour un conflit qui n'a que trop duré? En vérité, comme par hasard, à l'approche de ce sommet-là, les U.S.A et la Corée du Nord ont renoué avec leurs discours violents traditionnels après des mois d'un rapprochement salué par toute la communauté internationale, y compris la Chine qui espère, pourtant, garder un droit de regard spécifique sur son principal allié dans la région. Alors que l'administration américaine menace les autorités nord-coréennes de subir le même sort que la Libye d'El-Gueddafi si elles ne tenaient pas leurs engagements, une haute responsable nord-coréenne prévenait, elle, qu'elle n'irait pas «quémander pour un dialogue». En outre, Trump qui assure regretter cette «occasion manquée», pour reprendre sa propre expression, causée par l'énorme colère exprimée par les récentes déclarations de Pyongyang, elles mêmes formulées en réaction à celles de Washington, semble dès le départ hésitant à entériner un quelconque accord avec un pays-voyou (rogue-state), jugé très hostile aux intérêts américains en Asie au même titre que l'Iran des Ayatollahs dont il vient d'ailleurs d'annuler, de façon unilatérale et malgré l'indignation de l'Union européenne, l'accord sur le nucléaire signé en 2015. Il est évident que c'est cette montée des ego des deux côtés qui aurait poussé le président sud-coréen Monn Jae-in à convoquer une réunion d'urgence. De son côté, Antonio Guterres, le secrétaire général de l'O.N.U s'est dit profondément préoccupé par ce nouveau rebondissement qui ne profite à personne. Jusqu'où iront alors Trump et Kim Jong-un ?