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La sainte élection

par M'hammedi Bouzina Med

Election : terme tellement galvaudé, usé, qu'il a perdu jusqu'à sa sacralité originelle: un élu est à l'origine un «saint» appelé à séjourner au paradis. On comprend pourquoi la bataille est si rude entre les candidats aujourd'hui.

Selon toutes les croyances et religions, «Elu» est en soi une sacralité. Employé comme nom, participe, adjectif ou dérivé en verbe il renvoi à l'idée de grandeur, de sagesse, de sainteté. Et, bien sûr, la destination post- mortem d'un élu est le paradis. Tous les élus ( es) habiteront pour l'éternité le paradis dit l'humanité entière. Du coup, n'est pas «élu» n'importe qui en ce bas monde. Pour atteindre cette grâce, le prétendant à l'élection doit faire preuve d'une droiture, d'un comportement et d'une conduite dans sa vie au delà de l'exemplaire. L'élu fait preuve d'un caractère débarrassé de toute envie, égoïsme, vanité, mépris et autres maladies de l'âme et de la pensée. L'élu est guidé par le seul «service aux autres» particulièrement au service des plus fragiles d'entre-nous. Il est animé par le souci de l'égalité, de l'équité et de la justice. L'élu est, enfin, prêt au sacrifice de sa vie au nom de la justice et de la vérité. C'est pourquoi ce sont les religions qui ont popularisé «l'élection»...des saints évidemment. Sans doute est-ce aussi la raison pour laquelle les humains se sont emparés de cette sainte appellation et ont donné le nom «Elu» (e) à celui ou celle qu'ils désignent pour les représenter et pour guider (gérer ou légiférer ou les deux à la fois) leur vie collective dans la cité et même individuelle lorsqu'il s'agit de leurs droits, devoirs et libertés.

Donc et logiquement ce sont les meilleurs d'entre-nous, ceux et celles qui font preuve d'exemplarité, de dévouement aux autres et d'indifférences au confort matériel et au plaisir des choses en ce bas monde qui méritent d'être des élus. Gros problème pour les peuples: comment trouver de telles personnes exceptionnelles, pratiquement des saints (es), pour les investir de leurs voix et prières à les représenter et à guider leurs vies de tous les jours? D'après ce qui s'est passé le long de cette campagne électorale qui n'en finissait plus, nous avons dans notre pays des milliers, voire des millions de prétendants à « l'élection». Autant de personnes hommes et femmes pétries des qualités citées plus haut, prêts à servir les autres au nom de l'équité, la justice et la liberté. Jusqu'au sacrifice de son propre confort, de ses envies égoïstes ou même de sa propre famille. Quelle chance! Quelle bénédiction du ciel. L'élu, nous a-t'on appris, est un saint et sa destination finale est le paradis.

Nous y voilà: l'incroyable nombre de candidats à la candidature de ces élections traduit l'immense désir de finir dans le paradis des élus; sauf qu'il s'agit du paradis terrestre, d'ici bas. Se faire élire à tous prix pour jouir des plaisirs et de la luxure du paradis terrestre...peut-être même éternellement si on sait bien gérer la suite de son élection. Et le peuple dans tous ça? N'est-ce pas lui qui a le dernier mots, enfin le dernier geste devant l'urne pour dire qui sera son «élu»? Mais avant le rendez-vous avec l'urne a-t-il était consulté pour désigner les candidats à l'élection? Ce sont d'autres personnes réunies entre elles en fonction de leurs affinités, intérêts, peut-être même de liens familiaux ou tribaux qui ont procédé aux désignations de «leurs» candidats à l'élection.

Les futurs élus ont donc étaient d'abord élus une première fois par leurs amis avant d'affronter la sentence du peuple. Avec autant de barrages et d'exercices de moralité et rectitude pour passer le premier obstacle, celui d'être candidats (es), nous devrions voir les meilleurs d'entre-nous dans la course à l'élection et seuls les meilleurs des meilleurs gagner l'investiture finale du peuple. Est-ce possible? Nos futurs élus sont-ils les meilleurs d'entre-nous? Sont-ils animés par le devoir d'être au service du peuple électeur? Serviront-ils le peuple et rien que le peuple? Bien sûr que oui, puisque ils nous l'ont répété tout au long de la campagne électorale: l'élu au service du peuple. Pourquoi alors les esprits mal-tournés et vicieux critiquent-ils nos candidats? Ils médisent et jettent l'opprobre sur les candidats.

Certains sont sans vergogne, ils laissent-entendre que beaucoup de candidats ont acheté leur place à la candidature. Quel sacrilège pour un élu! Faut-il répéter la proximité de l'élection aux valeurs de sainteté? Non, «l'élection» ne doit pas être suspectée du moindre doute portant atteinte à son caractère de sacré. Et si un élu trompe ses électeurs et son peuple, il sera vite démasqué, jugé et renvoyé à sa condition de pauvre pêcheur. Combien d'élus ont été démis, déchus, jugé, voire emprisonnés pour avoir menti sur leurs intentions lorsqu'ils étaient candidats et trahi leur engagement par la suite? C'est dire que le parcours et la mission de l'élu ne sont ni simples, ni dénudés de tout risque. Faut-il désespérer des élections? Avons-nous d'autres moyens d'organiser notre vie nationale collective sans élections? A ce jour l'humanité n'a pas imaginé encore d'autre moyen d'organiser sa vie ensemble que les élections.

Toute la difficulté est de savoir comment élire les meilleurs (es), les plus dignes d'entre-nous pour éviter le risque de confiscation de la mission d'élu par de faux élus. Construire une vraie vie nationale démocratique n'est pas de tout repos. La démocratie a ses travers. Les peuples n'ont pas trouvé mieux pour vivre tranquilles et en paix. La vigilance du peuple est une garantie vitale pour que des candidats (es) mal intentionnés, menteurs et escrocs ne se retrouvent sur les listes le jour du vote et en plus captent le plus de votes et deviennent ainsi élus...au paradis.

C'est ce que croient de telles gens obsédées par le vertige du «Pouvoir». Elles sont persuadées qu'elles accéderont au paradis de l'élu au milieu de l'enfer des autres. C'est d'une absurdité navrante: nager dans le bonheur du simple fait d'être élu même si tout autour la misère et l'injustice règnent dans la vie du peuple, des électeurs qu'ils les ont portés au sommet de la pyramide. Logiquement on ne peut vivre en élu heureux au milieu de la tristesse et le désespoir des autres. Faudrait-il encore qu'il y ait quelque logique dans la vie nationale tout court. L'histoire des élections passées a souvent réservé des surprises au bon peuple. Parfois même de terribles surprises dont les stigmates sont encore vivantes. Logiquement (encore une fois) le peuple a bien retenu la leçon pour ne jamais faire d'une élection un péril pour lui même.

Le vote n'est donc pas un acte à prendre à la légère ou pire le dédaigner, l'abandonner. Le tout est d'être vigilant à ne pas se faire avoir par des beaux-parleurs et de fausses promesses. Parce que le paradis promis ne peut exister, y compris pour l'élu, sans l'onction du peuple. Dans le cas contraire c'est l'enfer pour tous. Alors en ce jour du destin pour nos villes et villages croisons les doigts et joignons nos prières pour que les espoirs et rêves de bonheur pour tous ne soient pas séquestrés par des élus sans cœur, sans foi. Comble d'hérésie: avoir des élus sans foi. Ou pire encore, sans foi ni loi. On aura tout entendu et surtout...vécu.