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Dieu existe, je le rencontre tous les jours !

par Sid Lakhdar Boumédiene*

Que certains lisent un peu plus loin dans le texte avant d'attraper une apoplexie, ils y verront un texte de respect et d'espoir.

Paradoxalement, dans l'histoire, les religions ont été la chose la plus merveilleuse qu'il soit arrivée à l'humanité. Elles ont été une tentative d'explication du monde et de ses phénomènes ainsi que celle d'arrêter la barbarie humaine. Si nous laissons de côté l'échec de la première tentative à ceux qui sont si crédules en se focalisant toujours au premier degré du texte et qu'aucune emprise de l'instruction ne peut atteindre, parlons de la seconde.

On a pour habitude de mettre en avant la création de la philosophie par la Grèce antique comme première lumière de l'esprit moderne. Si on peut en convenir partiellement, l'étape postérieure a été beaucoup plus cruciale pour la rédaction de valeurs qui « humanisent » l'être humain car la société grecque antique était entièrement consacrée au culte de la guerre et à la violence, on l'oublie trop rapidement.

Petit à petit, les Hommes ont commencé à se rendre compte de leur besoin de sécurité et d'apaiser les sociétés violentes dans lesquelles ils vivaient. Progressivement, des valeurs ont été mises en avant pour arriver à pacifier les relations sociales entre les individus et les peuples afin de mettre fin à l'emprise de la barbarie.

Les religions, notamment celles du Livre, puisque les plus récentes, ont inscrit des valeurs que tout être humain signerait des quatre mains, même moi. C'est d'ailleurs si vrai que toutes les républiques, même les plus laïques, ont « laïcisé » ces valeurs pour les inscrire dans leur socle de règles à suivre.

Qu'est-ce que l'instruction civique des hussards de la république ou le code civil et pénal si ce n'est la retranscription des valeurs religieuses en valeurs morales de la république ? L'amour, le respect, la tolérance et la recherche des sciences, de la paix et ainsi de suite, d'où viennent ces prescriptions si ce n'est des religions ? D'une certaine explication du monde et de la tentative de le rendre plus civilisé.

Mais comme toujours, ces valeurs ont été accaparées par ceux qui comprennent très vite que l'explication par le ciel est parfaitement utilisable pour créer la crainte et la soumission. Ce n'est plus le message de la religion qu'ils transmettent mais celui de la volonté de terroriser, d'abrutir et de dominer les autres.

Dieu existe, oui si nous prenons en compte toute cette introduction qui vient d'être exposée. Pour pouvoir entamer l'argumentaire, il me faut circonscrire la réflexion à l'une de ses dimensions, la transcendance.

La transcendance est la faculté d'une multitude à s'élever en un tout. Or l'être humain, par les actes de sa seule personne, en coordination avec les autres, à réussi à atteindre la transcendance.

C'est un miracle que nous connaissons tous les jours, à chaque instant de notre vie. L'homme arrive, par la multiplicité à créer un tout, une unité qui est la représentation de l'ensemble.

Et cette transcendance s'appelle tout simplement, la civilisation humaine. Elle existe, nous la rencontrons chaque jour, nous lui appartenons, nous nous identifions à elle et, pourtant, nous ne sommes qu'une force individuelle bien atomisée, si différente parfois de l'ensemble. Cette transcendance crée un phénomène miraculeux d'unification des moeurs, des langues, des coutumes et des créations intellectuelles. Elle existe réellement, c'est tout simplement la Culture des Hommes.

Oui, Dieu existe, c'est l'être humain et je le rencontre tous les jours. Il est tout puissant, il est le tout en une seule partie et il est l'avenir et la raison d'être de notre vie.

Respecter Dieu, c'est respecter l'être humain, CE N'EST NI PLUS NI MOINS CE QUE LES RELIGIONS ONT ESSAYÉ DE TRANSMETTRE. Et si c'est cela, alors je crois en Dieu, du plus profond de mon âme.

Parmi les torrents d'insultes qui ont suivi l'un de mes articles sur le site Internet d'un quotidien national, une réponse m'est restée gravée à l'esprit. Je la retranscris de mémoire, avec mes propres mots : « Vous perdez votre temps, ces gens s'arrangent bien avec leur interprétation de la religion. Ils ne sont responsables devant personne, n'ont de compte à rendre qu'à eux-mêmes, ils sont protégés par la fatalité et la transcendance d'un au-delà qui leur permet un quitus dans la vie sur terre ».

Bien entendu que cette identification aux valeurs suprêmes doit être, pour certains, plus que pour d'autres, être symbolisée, plus incarnée dans une dimension qui dépasse la réalité quotidienne.

C'est la raison pour laquelle, jamais, au plus grand jamais, je ne me retrouverai du côté de ceux qui veulent faire du mal aux religions pour ce qu'elles sont en elle-mêmes. Il y a un très gros malentendu entre nous et ce serait si simple de le dissiper. Nous sommes pour les valeurs inscrites dans les messages sacrés car les valeurs nobles que poursuit l'humanité s'identifient à elles. Si au moins tout le monde savait lire correctement.

Mais il est deux conditions fondamentales pour lesquelles nous sommes prêts à nous retrouver sans avoir l'impression de renier notre raison. La première est que certains acceptent de faire ce qu'ils refusent au nom de la sacralisation absolue. La réforme de l'Islam, je veux dire de son interprétation coutumière, demandée d'ailleurs par des musulmans eux-mêmes depuis des siècles, y compris par des savants de la théologie, est absolument nécessaire pour le déblocage de la situation.

Les valeurs de l'Islam, oui, mille fois oui, mais les dispositions moyenâgeuses qui ne se

justifiaient qu'au septième siècle, absolument non. Les femmes et d'une manière générale, tout être humain, sont libres et ne sauraient se soumettre aux lois et coutumes du septième siècle.

La seconde condition est que les abrutis cessent de nous faire peur avec des histoires à terroriser les enfants. Un internaute, répondant à l'un de mes articles, m'avait écrit « Vous allez voir, lorsque la fin sera proche, vous allez trembler, des nuits entières, de ce qui vous arrivera ». Bouh, j'ai peur !

Que l'on arrête avec les prophètes qui marchent sur l'eau, ceux qui séparent les eaux de la mer rouge et les araignées qui tissent une toile pour protéger l'entrée d'une grotte et ainsi de suite.

Que les esprits non éclairés sachent que ce sont seulement des PARABOLES, fondamentales pour la réflexion intellectuelle qui adhère aux principes et valeurs énoncées dans celles-ci, mais seulement des paraboles.

Qu'on revienne à l'intention des premiers hommes qui ont posé ces valeurs comme la première pierre de la civilisation humaine apaisée de sa barbarie violente, et nous nous retrouverons dans une communion d'esprit positive et salutaire.

Oui, Dieu existe mais celui de l'intention des premiers rédacteurs. J'aime et je respecte

profondément cette phrase religieuse qui consiste à dire que « l'Homme a été crée à l'image de Dieu ». Elle me paraît la plus intelligente qu'il soit pour accorder mes valeurs avec celle de la religion.

Je n'ai jamais torturé personne dans une prison de la sécurité militaire ou égorgé mon prochain au nom d'une religion qui, d'ailleurs, estime que c'est un péché d'une haute gravité. Je n'ai jamais pillé mes compatriotes en milliards offshore pour les dépouiller de leur droit au transport, à la santé ou à l'éducation. Je n'ai jamais présidé un régime politique totalitaire ou me suis présenté à un vote pour une société où règne la terreur de l'interdit et de la pensée unique.

Et si, justement, les valeurs de la religion se trouvent dans les valeurs morales de la citoyenneté républicaine, j'oserais à peine demander ce qui va suivre. Car ma demande est entachée de prétention et d'arrogance par la morale républicaine et de péché d'orgueil par la religion.

Ce ne sera donc pas une demande mais un voeu, un souhait lointain et une ambition qui a dirigé mes actes durant toute une vie. Hélas, cette demande doit tenir compte de tout le développement précédent pour se se concrétiser car elle est interdite dans la coutume musulmane.

Ce voeu est qu'on puisse inscrire une épitaphe sur ma tombe qui serait : « Finalement, cet athée de Boumédiene, il aura été un bon musulman ». *Enseignant