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Rencontre de la Celle-Saint-Cloud: un succès diplomatique à relativiser

par Kharroubi Habib

La rencontre à la Celle-Saint-Cloud sous le parrainage du président français Emmanuel Macron entre les deux grands rivaux qui se disputent le contrôle de la Libye a constitué un «succès» en terme d'image pour son initiateur qui depuis son arrivée à l'Elysée cherche à donner celle d'une France en train de retrouver son influence à l'international que le quinquennat de son prédécesseur François Hollande a sérieusement mis à mal en faisant jouer de controversés rôles à la diplomatie française dans les brûlants dossiers internationaux.

Le retour de la diplomatie française sur la scène internationale en tant que partie écoutée et agissante, Emmanuel Macron l'a entrepris en faisant endosser la rupture qu'il a décidé d'opérer avec les visions qui ont été celles de Hollande tant sur le conflit syrien que celui de la Libye et de la situation dans la région du Sahel. A la Celle-Saint-Cloud, le président français a obtenu de Faiez Sarraj, le Premier ministre du gouvernement d'union nationale libyen (GNA) et du maréchal Khalifa Haftar qu'ils « agréent » un texte évoquant en dix points les conditions à mettre en œuvre pour ramener la paix entre les deux camps aux noms desquels ils parlent, notamment un « cessez-le-feu » et la tenue d'élections législatives et présidentielle au printemps 2018. La portée de ce texte est à relativiser car si les deux acteurs de la crise libyenne l'ont entériné, ils ne l'ont pas par contre signé. Ce qui semble être un succès diplomatique français en l'occurrence risque de s'avérer un énième « coup d'épée dans l'eau » dans les tentatives de relance du processus de paix pour la Libye. L'Algérie et l'ONU qui ont déployé des efforts concertés à cet effet n'ont eu de cesse d'alerter sur le fait que leur médiation dans le conflit bute sur les interférences étrangères ayant pour but et résultat d'encourager ses protagonistes à viser à son règlement non par la voie du dialogue interlibyen mais par la confrontation militaire. Il a été notoire que la France a été parmi les puissances étrangères celle dont l'interférence a contribué à bloquer la médiation algéro-onusienne à laquelle avec Macron elle cherche à substituer la sienne.

Tout comme au Sahel, Paris vise en Libye à imposer la prépondérance de l'influence française et à réduire celle d'autres parties dont les intérêts géopolitiques dans cette région et dans ce pays lui apparaissent concurrents des siens. Il y a par conséquent probabilité que les puissances que la France cherche à mettre « hors course » du traitement des deux dossiers s'évertueront à rendre caduc l'engagement pris à la Celle-Saint-Cloud par Faiez Sarraj et son compétiteur Khalifa Haftar.

D'aucuns d'entre elles ne sont pas en effet disposées à entériner sa propension à considérer la Libye ou le Sahel comme son « pré carré » et s'emploieront à lui faire échec en lui opposant leurs propres inférences et diplomaties souterraines. Pour être gagnant, le retour en influence de la France sur la scène internationale devra être perçu comme basé sur une vision et des positions ne traduisant plus de volonté de poursuivre la ligne néocolonialiste qui vaut en Afrique à la France plus d'inimitiés que de soutiens en ce qu'elle entreprend dans le continent.