Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Tourisme : une histoire qui n'en finit pas !

par Bouchikhi Nourredine

I l y a environ une année jour pour jour est sorti un article dans les colonnes du Quotidien d'Oran dont le titre «l'été et ses maux» évoquait l'état du tourisme balnéaire national. A sa relecture aujourd'hui nous ne pouvons que faire le même constat ; la situation n'a malheureusement guère changé et rien ou presque n'a été entrepris pour sortir ce secteur de sa léthargie sinon des vœux pieux et des promesses restées sans lendemain. Sans évoquer le tourisme avec ses multiples facettes, seul sera abordé le tourisme en bord de mer qui, de loin, provoque l'engouement de la majorité de nos concitoyens, climat chaud oblige et absence d'infrastructures offrant d'autres alternatives.

En effet la photo datant depuis plusieurs années est restée immuable, c'est toujours le diktat de groupes s'accaparant par la force et en toute impunité les plus belles plages, des gardiens autoproclamés de parkings rackettant les citoyens en quête de repos au fi des lois et des autorités chargées de les faire appliquer et respecter, la pollution de la mer par les rejets des eaux usées à ciel ouvert ?citer tout ce qui empoisonne la quiétude des estivants demande de nombreux articles pour faire le point et ce n'est pas là le vif du sujet.

La sonnette d'alarme a déjà été tirée par les opérateurs du secteur au terme d'un bilan mitigé de la saison dernière ; ils ont amèrement constaté une diminution notable de la fréquentation; chose tout à fait prévisible et compréhensible eu égard aux multiples problèmes auxquels sont confrontés les estivants ; les professionnels commencent à accuser le coup et manifestent régulièrement leur inquiétude face à cette situation (quotidien du 16 juillet 2017) qui, de façon unanime, ne réjouit personne.

Mais si certaines contraintes ne relèvent pas de la responsabilité directe de ces opérateurs, il n'empêche qu'autrement ils sont directement impliqués d'une façon ou d'une autre dans la pérennisation de la situation de médiocrité qui prévaut ne serait-ce que sur le plan du rapport qualité-prix largement défavorable pour les clients; pour des prestations que l'on peut qualifier pour le mieux de basiques, ils exhibent sans la moindre gêne des prix qui dépassent souvent ceux appliqués dans des établissements hôteliers ou balnéaires haut de gamme européens ou maghrébins. Sinon comment expliquer que même avec un taux de change au marché parallèle prohibitif les familles algériennes préfèrent passer leurs vacances au-delà des frontières malgré l'éloignement et les aléas du voyage ? Et encore que la frontière terrestre avec nos voisins de l'Ouest soit fermée ! ce qui confère à ces opérateurs une position fort confortable de quasi monopole dont ils ne mesurent pas apparemment l'enjeu pour s'affirmer face à la concurrence mais cet avantage ne pourra certainement pas durer éternellement, la poule aux œufs d'or arrivera bien un jour à se tarir.

Pour ceux qui ont eu l'occasion de séjourner dans un complexe touristique étatique ou privé à la Corniche et même pendant la période creuse de l'automne/hiver, appâtés par une publicité qui ne reflète en rien la réalité pour ne pas dire carrément mensongère, ils ont eu tout «le loisir» de se rendre compte à leurs dépens de la déliquescence (les photos et vidéos font légende dans les réseaux sociaux ou sur youtube) dans la quelle se trouve ces «complexes» : état vétuste du mobilier, sanitaires fuitant, draperie usée et salle, murs délabrés et la liste est longue et toujours à des tarifs inabordables pour la majorité des bourses, aucune volonté ne semble les inciter à améliorer les prestations et à revoir les prix en conséquence. Contrairement aux hôteliers du reste du monde qui font des promotions alléchantes à longueur d'année pour arriver à un taux de remplissage qui leur permet de maintenir une activité minimale en dehors des périodes de forte demande, chez nous les tarifs sont presque les mêmes que ce soit en été ou en hiver. Contre tout bon sens, ils préfèrent maintenir leurs structures vides que d'abaisser les prix ! et inculquer aux citoyens une culture touristique toute saison ! Et là me vient à l'esprit une réflexion d'un ami étranger européen ayant passé deux nuitées dans un hôtel classé quand il m'affirma: «apparemment pour le patron son souci est de se faire uniquement des recettes sans vouloir investir dans la qualité ! ». En effet certains établissement rechignent par exemple à renouveler le mobilier d'un autre âge et surtout la literie «car un hôtel est fait d'abord pour passer confortablement ses nuits !», versent dans le bricolage pour faire les réparations nécessaires, souvent certains clients arrivent au terme de leur séjour alors qu'une fenêtre coincée n'a pu être fermée, un robinet continue à ruisseler quand il n'y pas coupure d'eau, une climatisation ou un chauffage qui ne fonctionnent pas correctement ou pas du tout et la liste n'est pas exhaustive, le calme, la sérénité ne semblent pas faire partie des préoccupations majeures, certains hôtels sont transformés en une grande discothèque la nuit durant; tous les ingrédients sont réunis pour gâcher le séjour chèrement payé. Le client a le sentiment de se faire purement arnaquer.

Les patrons de ces complexes et établissements devront se rendre à l'évidence s'ils veulent conserver une part du marché et être crédibles d'abord vis-à-vis de leur concitoyens résidents et puis vis-à-vis d'une hypothétique clientèle étrangère ou installée à l'étranger car hormis quelques-uns (établissements) dont les prestations sont à la hauteur et encore que les tarifs pratiqués sont loin de rivaliser même avec ceux de nos voisins, la majorité continue à tirer profit de la situation marquée par la faiblesse de l'offre surtout de qualité et de la difficulté pour le citoyen algérien de pouvoir passer des vacances à l'étranger pour pratiquer des prix injustifiés et se cantonner dans des prestations qui ne peuvent pas du tout satisfaire des clients de plus en plus exigeants.

Quant aux décideurs il semble que pour eux le secteur du tourisme est loin de constituer une priorité absolue malgré les discours des uns et des autres et pour preuve l'épisode malheureux du choix incompréhensible de la nomination d'un ministre éphémère qui, sans polémiquer sur ses antécédents supposés ou réels ayant justifié son limogeage éclair, est loin d'incarner l'homme de la situation puisque ne jouissant d'aucune expérience ni de compétence dans le domaine pour faire face et relever le défi ; l'espoir sera-t-il alors permis avec le nouveau ministre fraîchement désigné pour prendre en charge ce secteur stratégique ?

L'énorme tâche à accomplir dépasse sûrement de loin les prérogatives d'un seul ministère, l'absence d'une stratégie cohérente et entreprenante impliquant tous les secteurs concernés n'est pas pour faire décoller le secteur, la gestion au jour le jour ne constitue nullement une réponse suffisante aux énormes attentes.

En attendant des jours meilleurs et en espérant que le taureau soit enfin pris par les cornes, nos touristes, faute de trouver mieux, continueront pour longtemps encore, par millions, à faire le bonheur des opérateurs tunisiens et européens.

Notes : Quotidien d'Oran du 21-07-2016 : «l'été est ses maux : entre incivisme et laxisme»