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Franciser les cours de mathématiques peut ne pas être la bonne résolution

par Ali Derbala*

« Mais il y eut aussi de faux prophètes parmi le peuple comme il y aura de même parmi vous de faux enseignants? » L'Apôtre Pierre.

L'enseignant est attiré par nature vers les travaux auxquels il est largement associé, où il participe à la préparation, à la confection, à l'achèvement de son produit pédagogique tels les programmes des études, les méthodologies de dispense de cours, les examens, etc. Ainsi, s'expliquerait l'absence de joie au travail dans les tâches à assumer où les conditions objectives du travail heurtent plus brutalement l'instinct de pédagogue. Le mal qui a été fait à cette matière des mathématiques n'est pas bien diagnostiqué et élucidé. En effet et encore une fois, ce n'est pas l'arabisation qui a posé problème en abaissant le niveau des études, mais l'écriture des mathématiques en caractères arabes, des caractères non universels de nos jours.

Bien que nous notons beaucoup de paramètres et de variables en grecque, le Grecque n'est plus universel. Il n'est pas usité, lu et reconnu par le commun des élèves. La langue universelle des mathématiques est à caractère latin, d'origine Italien ou de Rome, qu'il ne faut pas confondre avec le Français, qui est aussi latin. Pour relever le niveau de nos élèves dans les matières scientifiques et selon la presse, une suggestion du Ministère de l'Education Nationale, le MEN, est de franciser l'enseignement des mathématiques. Cette proposition est contestable et à contester.

1. Universalité des mathématiques

L'évaluation externe au Ministère de l'Education Nationale, le MEN, produit certainement une radiographie nationale des acquis des élèves. Sans cette mesure, on ne pourra pas évaluer la pertinence des réformes en cours. Le caractère universel des mathématiques s'illustre par l'exemple suivant. L'expression algébrique « x + y » est connue ou reconnue par un Algérien, un Français, un Arabe du moyen Orient, un Chinois, un Russe, un Tadjik, etc.

comme étant la somme de deux variables. Par contre, l'expression « sin + djim » n'est reconnue comme addition de deux variables que par un Arabe ou un utilisateur de la langue arabe. Voilà le mal qui ronge notre école. C'est encore plus grave s'il s'agit d'une différence de variables. L'expression « x - y » est lue par un arabisant comme étant « « y - x » » car il lit en arabe de droite à gauche. La bêtise humaine a été à son comble quand on a arabisé les matières scientifiques au sens où il fallait tout lire de droite à gauche, d'effacer le caractère universel des mathématiques, d'écrire les symboles et les équations en caractères arabes.

La mathématique est devenue illisible en Algérie. Nos élèves sont devenus des « extra-terrestres » dans la sphère pédagogique. Ils ne reconnaissaient plus un paramètre, une variable, un poids, une force, une vitesse, une accélération, une énergie, un moment, etc.

Dans les années 70, le problème de la langue d'instruction dans les lycées et les universités était dual. Beaucoup d'élèves et d'étudiants maitrisaient le français, peu d'entres-eux étaient arabisés. La majorité des coopérants techniques des pays de l'Est et de l'ex-URSS, professeurs de mathématiques, ne parlaient pas couramment le français. Les Roumains, de langue latine, s'adaptaient mieux au français. Les Russes, les Soviétiques et les autres peuples de l'Est, parlaient presque tous le Russe, langue qui s'écrit avec l'alphabet cyrillique, éprouvaient quelques difficultés à l'adaptation au Français. Les élèves et les étudiants que nous étions, assimilions et comprenions les mathématiques. Ces professeurs écrivaient tous les énoncés et toutes les démonstrations sur le tableau vert ou noir. L'origine des notations arabisées utilisées en mathématiques, physique et chimie qui n'étaient pas universelles et étaient différentes vient du fait aussi que, dans le monde arabo-musulman, il y avait plusieurs Ecoles, celle d'Irak, de Syrie, d'Egypte et du Maghreb?. On a désorienté les élèves.

De ce fait, il y a eu régression et une baisse du niveau mathématique.

2. Accentuer ou doubler les difficultés d'enseignement de la mathématique

Franciser le cours de mathématique signifie doubler les problèmes de l'éducation de cette matière. En plus des problèmes de niveau faible des élèves, il faut prendre en charge l'enseignant de mathématiques pour lui apprendre à s'exprimer en français. Les enseignants du primaire, moyen et lycées sont totalement arabisés ou arabisants ou arabophones depuis au moins une vingtaine d'années. Ils ne maitrisent nullement le Français. A notre avis, qui parmi les enseignants de l'Education, reconnaitra ou utilisera couramment en « français » les diagrammes, la notion de droite, de coefficient directeur d'une droite, de droites parallèles, orthogonales, demi-plan, l'équation vectorielle d'une droite, le barycentre, le produit scalaire, la norme, vecteur unitaire, distance, cercle, triangle isocèle, la médiatrice, le cercle circonscrit, la hauteur, les symétries centrale et orthogonale, le parallélogramme, le rectangle, le losange, le carré, la trigonométrie, l'angle, la construction axiomatique de l'ensemble N des entiers naturels, les opérations sur les ensembles, les notions d'application, du produit cartésien, les relations, les lois de compositions sur les ensembles, les notions d'ensemble finis, la construction de l'ensemble ?, ensemble des entiers relatifs, les nombres réels, les nombres complexes et les nombres entiers premiers, les fractions décimales, les nombres décimaux, les calculs approchés, l'analyse combinatoire, les première notions de fonctions, les fonctions polynômes, les fractions rationnelles, le sens de variation, les notions de limite, continuité, les dérivées et leurs applications, les équations à une inconnue, les systèmes d'équations, les fonctions trigonométriques, les fonctions logarithmiques et exponentielles, les géométries rectiligne et plane, la géométrie plane orientée, la géométrie dans l'espace, les compléments sur les vecteurs, sur le cercle, les transformations ponctuelles telles les déplacements et symétries, l'homothétie, la similitude, l'inversion, les coniques, les études de courbes, l'ellipse, cylindres, cônes de révolution, une parabole, une hyperbole, une exponentielle, un logarithme, une fonction quelconque, son domaine de définition, ses dérivées, son tableau de variation, ses asymptotes, .?la « droite oblique » ? Pour cette dernière, une réponse m'a été donnée une fois par un de mes anciens élèves arabisant comme étant dans un plan une « représentation penchée linéaire ». C'était intelligent. Les grands mathématiciens tels Pascal, Descartes, d'Alembert, Poincaré, Lagrange, La Place, Lavoisier, Monge, Gallois, Legendre, Fourrier, Poussin, Hadamard, Borel, Cauchy, Lebesgue, etc., sont natifs de France.

Les co-médaillés Fields français sont Schwarz (1950), Serre (1954), Thom (1958), Cohen (1966), Connes (1982), Lions et Bourgain, Lafforgue (2002) et Villani (2010).

3. Suggestions

S'il faut faire des efforts dans l'amélioration des cours de mathématiques, et au lycée et dans une première étape, il faut laisser la communication en arabe, une communication qui est déjà installée et attacher une grande importance à l'universalité des mathématiques, en écrivant les formules, les équations et les représentations en caractères Latin, qui une fois encore, il ne faut pas confondre avec le Français. Comme cette dernière langue est en perte de vitesse, pourquoi ne pas suggérer l'utilisation de « l'anglais américain », une autre langue latine plus efficace que « l'anglais britannique », qui de nos jours est à l'avant-garde de tout ce qui se fait dans la science ?

Quant aux autres matières scientifiques telles la physique et la chimie, un autre dilemme kafkaïen se posera. Si on les « latinise » sans véhiculer ou utiliser une langue latine évoluée scientifiquement, comment un élève saura par exemple que « 10 mg » de protéines, « 100 km/h » signifient respectivement une dose de 10 milligrammes, une vitesse de 100 kilomètres par heure ou 100 kilometers per hour ?

Conclusion

Les étudiants ne sont pas égaux devant la mathématique. Certains refusent la vérité, d'autres refusent la difficulté, d'autres encore refusent l'étude. Dans de nombreuses classes de lycées et d'universités, l'enseignement des mathématiques a été confié à des professeurs souvent insuffisamment préparés à leurs tâches. La pénurie d'enseignants qualifiés constitue le principal obstacle à la réalisation des objectifs éducatifs de notre pays. Le système éducatif doit attirer un personnel enseignant bien formé, motivé et performant. Par des stages internes, externes et des réceptions de documents polycopies, il est nécessaire que ces professeurs complètent les éléments de leur travail pédagogiquement et techniquement. Un débat sérieux s'impose à l'Education Nationale! C'est de l'avenir de notre jeunesse et de notre pays qu'il s'agit. Don't be in hurry.

*Universitaire