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Le geste «fort» de François Hollande

par Kharroubi Habib

Depuis qu'il préside aux destinées de son pays, le président François Hollande - tout comme ses prédécesseurs d'ailleurs - ne s'est pas fait tradition protocolaire de recevoir à l'Elysée les ministres ou personnalités officielles algériens en visite à Paris dans un cadre ou un autre.

Il est par conséquent compréhensible que l'on a été surpris d'apprendre qu'il a décidé d'accorder audience au palais présidentiel français à nos deux ministres Ramtane Lamamra, chef de notre diplomatie et son collègue de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, qui sont à Paris où ils participent aux travaux de la troisième session du Comité mixte économique algéro-français (COMEFA). Il est indubitable qu'en les recevant, le chef de l'Etat français a eu en tête que son geste contribuerait à dissiper le « nuage » qui a assombri les relations algéro-françaises suite aux incidents diplomatiques à répétition provoqués à l'aéroport d'Orly par des fonctionnaires de la police française ayant au mépris de l'usage diplomatique international soumis à des fouilles au corps trois ministres algériens.

Officiellement, l'on s'est empressé des deux côtés de la Méditerranée de considérer que l'affaire n'aura pas d'incidence sur les rapports algéro-français et qu'elle est close après que le ministre français des Affaires étrangères l'eut qualifiée de « regrettable » et que son collègue de l'Intérieur Bernard Caseneuve a adressé une lettre « d'excuse » à Hamid Grine, ministre de la Communication, dernière personnalité algérienne à avoir été soumise à Orly à l'humiliante fouille au corps.

Mais Hollande a compris que de la part de la France il fallait un geste qui convainc en Algérie que les autorités officielles françaises n'ont eu aucune part dans les détestables incidents de l'aéroport d'Orly. Ce qu'il pense avoir fait en recevant solennellement au palais de l'Elysée les deux ministres algériens dont le hasard du calendrier a fait qu'ils soient en visite de travail à Paris. Peut-être que les officiels algériens se satisferont de l'audience présidentielle à laquelle ont eu droit Ramtane Lamamra et Abdessalem Bouchouareb. Il est toutefois improbable que l'opinion publique en Algérie fasse comme eux.

Les incidents d'Orly ont plus profondément affecté l'amour-propre des Algériens qu'il peut être apparu aux autorités des deux pays. Même le geste du président français n'aura pas pour eux valeur de réparation. Paradoxalement, il risque d'aviver leur indignation et rancœur. En effet, il ne leur échappera pas que nos ministres n'ont été reçus à l'Elysée que dans l'intention de « calmer le jeu » mais pas dans le cadre de la réciprocité du traitement dont bénéficient les ministres et personnalités de France quand ils sont en visite en Algérie. Lesquels ont quasi systématiquement droit à l'audience présidentielle.

A l'éclairage des incidents d'Orly, il apparaît à l'opinion publique algérienne que le moins que les autorités doivent faire c'est de renoncer à déployer le tapis rouge à chaque officiel français qui pointe à Alger, ce qui entretient ainsi l'impression dévalorisante que les sphères officielles algériennes estiment normal qu'ils aient droit à cet égard en tant que représentants d'une puissance ayant un statut spécifique dont il faut accepter qu'elle n'en fasse pas de même chez elle à l'égard des officiels algériens.