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Tsunami au sommet de l'Etat : va-t-on, enfin, vers un Etat de droit civil ?

par Abdellatif Bousenane

Ces derniers changements d'une allure d'un vrai tsunami qui a frappé de plein fouet des points névralgiques de l'Etat, sont-ils un évènement majeur qui va bouleverser l'exercice du pouvoir dans notre pays? On peut com-prendre la crainte des Al-gériens qui sont habitués aux changements qui se font dans la douleur et le déchirement. La communication médiocre, incompréhensible et d'un niveau lamentable alimente, en fait leurs doutes. Sinon comment peut-on expliquer qu'une chaîne de télévision privée remplace l'Agence officielle d'information de l'Etat l'APS? Et pourquoi les institutions de l'Etat n'explicitent-elles pas, aux citoyens les intérêts et les objectifs de ces changements ? Il faut souligner, tout de même, que la source de cette inquiétude vient notamment d'un bruit qui court, depuis des années sur une éventuelle guéguerre secrète entre la présidence et le DRS, entre le Président Bouteflika et le général major Mediène.

Pour ne pas tomber dans le piège de l'évidence, car « l'évidence est toujours l'ennemie de la rigueur » comme disait Pierre Bourdieu, il ne faut pas lire cette actualité, dans sa globalité mais il faut bien la décortiquer pour arriver, enfin, à y voir plus clair. Les mouvements dans le corps des walis ainsi que pour les hauts fonctionnaires de l'Administration centrale ont été retardés par l'agenda du chef de l'Etat, malmené par les problèmes de santé. Quant au remaniement ministériel partiel, qui a sanctionné quatre ministres, celui de la Jeunesse, pour des raisons de santé, celui de l'Agriculture avec l'exministre du Tourisme Yamina Zerhouni reviennent à leurs postes initiaux, walis ! Puis, l'énigme Amara Benyounes, le fidèle parmi les fidèles du Raïs, l'un des soldats les plus acharnés dans la défense de « Fakhamatouhou ». Il a été, simplement, sacrifié lui aussi, probablement, à cause de ses résultats pas très brillants dans le Commerce extérieur. On peut même dire que son évincement était prévisible vu son rendement très peu efficace dans un secteur très sensible notamment son incapacité à baisser, d'une manière stricte, la facture de nos importations en ce moment de difficulté financière. Et ce n'est, surtout pas, un quelconque différend avec le président puisqu'il a réitéré son soutien et sa fidélité implacable à Bouteflika et on a nommé, dans la foulée l'un de ses proches, El Hadi Ould Ali, ministre de la Jeunesse et des Sports.

Ainsi donc, on voit, clairement, que le sujet du débat est bien le mouvement dans le corps militaire. Le style de ces changements, il faut le souligner, a des conséquences capitales sur l'avenir du pays. Ce n'est pas un fait banal, malgré le fait que le premier magistrat du pays a, déjà, procédé, en 2013, à des restructurations au sein du DRS là où on a observé le transfert de quelques prérogatives vers la DGSN et le remplacement du général Tartag Bachir, l'un des « intouchables », qui a été rattaché, ensuite, à la Présidence. Donc ce n'est pas une première.

Mais, la nouveauté, réside dans l'association des deux volets, qualitatif et quantitatif, c'est-à-dire, on limoge trois hauts gradés militaires, en même temps, qu'un grand mouvement qui a touché, pratiquement, tous les secteurs. Et pas moins que les chefs de la direction de la Sécurité intérieure (DSI) au DRS, la Garde républicaine et le chef de la sécurité du président de la République, qui sont, nous dit-on, proches du chef du DRS ! Les raisons ? Nombreux observateurs parlent d'un mystérieux incident qui a eu lieu aux alentours de la résidence présidentielle, la veille de l'Aïd et qui peut être un simple pétard pour fêter la fin du mois sacré ou, plus sérieux, une tentative d'assassinat dans ce lieu, hautement sécurisé!

À part cet incident qui peut être imaginaire, le dossier lourd de Ghardaïa, avec ses 22 morts et l'assassinat de 09 soldats par des abjects terroristes ont gâché le mois de Ramadan, le plus calme de la décennie. Cela a, certainement énervé l'occupant d'El Mouradia. Bref, pour terminer sur une note d'optimisme et malgré tout ce qu'on peut reprocher à la gouvernance Bouteflika, ses défauts, ses ratés et ses erreurs, il faut lui reconnaître, quand même, cette réussite qui est capitale pour les défenseurs d'un Etat civil. C'est le premier président civil qui peut limoger et désigner des généraux du très puissant DRS, de la Garde républicaine et des généraux majors, comme une simple procédure d'un changement d'un wali ou d'un importe quel fonctionnaire ! Il s'agit d'une première, pas seulement, en Algérie, mais dans une grande majorité des pays du tiers monde. En appliquant la loi fondamentale du pays, la constitution, cela va dans le sens de la construction de l'Etat de droit et peut mettre fin à une attitude de «t'feraïne », un mot du dialecte algérien qui veut dire littéralement « attitude pharaonique dictatoriale ». Puis, ces « intouchables », il faut qu'ils se soumettent à la règle du jeu démocratique car un général est un fonctionnaire de l'Etat, au service de la Nation et non pas le contraire et personne n'est à l'abri de l'évaluation de son action. Ces évènements sont d'autant plus positifs parce qu'ils permettent à l'institution militaire de rester, en dehors, du jeu politique et au-dessus de tous les enjeux idéologiques et partisanes et de se concentrer sur sa première tâche : la sécurité du pays, ce qui lui assure le respect et le rôle d'une colonne vertébrale de la Nation.