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Pour le cap de bonne Espérance

par Salim Metref

Selon un quotidien algérien, l'ambassadeur de France en Algérie a annoncé, au cours d'une réception organisée à l'occasion de la fête nationale française, le retour de son pays à la tête du top 10 des plus importants fournisseurs de l'Algérie.

Devancé dans ce classement pendant une période conséquente par la Chine, le lobbying français en Algérie a fini par payer du fait du «partenariat d'exception entre les deux pays» voulu semble-t-il des deux côtés de la Méditerranée ; ce partenariat étant devenu par ailleurs, et depuis quelques années, le «leitmotiv» de notre coopération internationale.

Cette information qui ne constitue pas en soi un scoop, mérite cependant d'être examinée à la lumière des sombres perspectives économiques de notre pays qui se profilent à l'horizon et des exigences qu'elles induisent à court terme pour redresser la barre et éviter au navire Algérie de se fracasser sur les rivages impitoyables des institutions financières internationales et de retomber sous leurs fourches caudines. Sursaut patriotique et imagination devront être ainsi les premiers comportements qui permettront de réduire l'impact des chocs à venir. Et ces perspectives, si elles n'étaient pas contenues, pourraient affaiblir notre économie et réduire en même temps notre marge de manoeuvre tant sur le plan régional qu'international.

Cette performance du résultat du commerce extérieur français obtenu dans son segment algérien s'est réalisée, selon de nombreux analystes économiques, sans qu'il n'y ait de contrepartie réelle pour notre pays. Les quelques projets d'investissement français réalisés en Algérie, tout à fait symboliques par ailleurs et souvent mis en œuvre dans la précipitation car il faut, selon l'aveu même de certains «observateurs français», ménager «la susceptibilité algérienne», ne sont pas du tout à la hauteur de ce qui devrait être consenti en contre partie surtout lorsque l'on sait par exemple que les meilleurs investissements français à l'étranger se font dans d'autres pays et que des pans entiers de la Recherche et Développement de grands groupes français, qui recèlent du savoir-faire et des opportunités de transfert de compétence, se délocalisent ailleurs. S'il est vrai que les pouvoirs politiques peuvent parfois n'avoir aucune influence sur les stratégies de développement à l'international des grandes entreprises, il est utile de rappeler aussi qu'il fut un temps, révolu sans doute, ou des partenaires français critiquaient ouvertement le prix consenti dans le cadre de grands accords économiques entre l'Algérie et la France en y dénonçant un «prix politique».

S'agissant de nous-mêmes et de notre devenir, il serait utile aujourd'hui de remettre en selle l'investissement privé algérien. Les avoirs détenus par nos compatriotes dans de nombreux pays dans le monde pourraient compenser l'inéluctable compression à court terme de nos ressources financières et soutenir nos projets de développement économique et social.

L'appel au patriotisme de notre diaspora, de nos milliers d'entrepreneurs établis à l'étranger, dont certains dans les technologies les plus sensibles, et de tous ces compatriotes détenteurs de capitaux est salutaire. Il s'agit d'éviter à l'Algérie la banqueroute économique et le chaos social avec toutes les turbulences et conséquences dangereuses qu'ils induisent.

Il s'agit pour ces Algériens détenteurs de capitaux de venir contribuer dans un cadre réglementaire sécurisant et sans risque à la réalisation des grands projets structurants indispensables à notre émergence économique et qu'aucun investisseur étranger n'acceptera de financer ni de prendre en charge.

Le patriotisme économique toujours invoqué en Europe par de nombreux économistes mais aussi de nombreux politiques devrait nous inspirer. Nous devrions à court terme, pour nous libérer de cette dépendance maligne à l'égard des hydrocarbures qui a métastasé tout notre corps social et ankylosé toute notre imagination, compter non seulement sur ce que nous devrions produire nous-mêmes mais aussi sur les colossales ressources financières détenues par des Algériens à l'étranger que ces derniers devraient investir en Algérie avec toutes les garanties nécessaires, dans la sérénité et sans crainte et ni peur du lendemain.

S'il est enfin de bonne guerre et légitime qu'un pays se réjouisse des performances de son commerce extérieur (notamment dans ses segments symboliques), il est aussi opportun d'exiger en retour que l'échange soit équitable et juste et rendre hommage dans ce contexte et de ce côté-ci de la Méditerranée à un pays qui caracole, loin des feux de la rampe et des unes des journaux, en tête du top 10 des meilleurs clients de l'Algérie. Alors, s'il s'agit toujours et encore de l'Espagne, chapeau bien bas à ce royaume!