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ChinIndia

par Akram Belkaïd, Paris

L’idée que les pays émergents connaissent un bas de cycle économique est désormais répandue. C’est d’autant plus vrai que la perspective d’une hausse des taux par la Réserve fédérale américaine (Fed) provoque une tension monétaire mondiale puisque les capitaux investis en Asie ou en Amérique latine, voire même en Afrique, ont tendance à revenir aux Etats-Unis (une hausse des taux signifie une meilleure rémunération des placements financiers). Pour autant, l’actualité montre que c’est bien chez les émergents que les choses se passent avec, entre autres, les tentatives de rapprochement entre la Chine et l’Inde.

PROJETS D’INVESTISSEMENT

On le sait, les deux pays sont à la fois des géants, ne serait-ce que sur le plan démographique ou territorial, et des rivaux géopolitiques. Pour autant, depuis quelques mois, Pékin et New Delhi cherchent à renforcer leurs relations économiques. A ce jour, les échanges commerciaux entre les deux parties atteignent 70 milliards de dollars, mais c’est la Chine qui tire son épingle du jeu avec un excédent de 36 milliards de dollars. Les responsables indiens ne cachent d’ailleurs pas leur irritation quant au fait que leurs entreprises ont du mal à percer en Chine, y compris dans des secteurs où le « made in India » est très performant comme par exemple l’informatique ou le médicament.

Il y a quelques jours à Shanghai les deux pays ont toutefois conclu 21 accords commerciaux d’un montant de 22 milliards de dollars. Les banques chinoises vont ainsi financer une multitude de projets d’investissement en Inde dans des secteurs aussi variés que la banque, les télécoms, la sidérurgie, le solaire, l’énergie thermique, les infrastructures portuaires et même le cinéma. Ces accords ont été signés à l’occasion de la visite en grande pompe du Premier ministre Narendra Modi (le président chinois Xi Jinping l’a accueilli dans la région du Xian, traditionnel carrefour d’échanges entre les deux pays). Il est donc évident que le thème de « Chinindia » fait sens, symbolisant le rapprochement progressif de deux puissances économiques du XXIème siècle.

Cela fait des années que les experts estiment que ces dernières sont complémentaires et gagneraient à plus de collaboration et de coordination. Bien sûr, les rivalités géopolitiques demeurent importantes. Entre Pékin et New Delhi, la question des disputes frontalières sont un véritable problème qui empoissonne les relations bilatérales. A ce jour, aucun progrès n’a été accompli pour un bornage définitif ou pour un accord à propos de territoires disputés à l’origine de plusieurs conflits armés ainsi que de régulières escarmouches. A cela s’ajoute la relation privilégiée que la Chine est en train de bâtir avec le Pakistan, incontournable rival de l’Inde. Le projet à 46 milliards de dollars pour la mise en place d’un corridor économique entre le port pakistanais de Gwadar et la région du Xinjiang en est l’un des meilleurs exemples. Outre le fait qu’il inquiète l’Inde et d’autres pays asiatiques, ce chantier concerne aussi des zones en territoire pakistanais que l’Inde revendique depuis son indépendance.

UNE QUESTION DE CONFIANCE

Malgré cela, les grandes lignes structurantes d’un « deal » historique entre la Chine et l’Inde existent bien. D’un côté, Pékin a les capitaux et une dynamique de croissance et d’expansion économique. De l’autre, New Delhi a les compétences techniques et technologiques pour aider la Chine à monter d’un cran en termes de création de valeur ajoutée. Désireux de développer l’industrie manufacturière de son pays, Narendra Modi sait que les entreprises chinoises peuvent soutenir son ambition. De quoi permettre à l’économie indienne de dépasser sa rivale avec des taux de croissance supérieurs à 7% ? C’est en tous les cas l’opinion du Premier ministre indien. Il reste désormais à savoir si la confiance entre les deux pays sera durable.