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Lorsque s'envolent les oiseaux de bon augure *... !

par Slemnia Bendaoud

Une mer sans mouettes est déjà un triste tableau de la renommée toute belle nature. Et pourtant, plus triste encore serait cette même nature séparée de ses oiseaux de bon augure !

Dans le premier cas de figure, c'est plutôt le mouvement incessant des vagues qui meuble imparablement le large des côtes de ces lieux marins. Tandis que dans la seconde éventualité, ce sont plutôt ceux de mauvais augure qui investissent en surnombre et à la foulée les lieux avec armes et bagages, une fois la piste dégagée et le combat esquissé, pour être longtemps encore engagé.

Ainsi est donc faite cette nature qui a toujours horreur du vide ! Mais de là à passer d'une manière si impromptue ou volontariste le témoin à cette autre nuisible race de volatiles, revient donc à lui tourner manifestement le dos. Sinon à complètement la dénaturer.

Ici, ce dicton qui a valeur de grande sagesse et symbole de légendaire noblesse, nous prévient déjà sur les dangers encourus, œuvres souvent très néfastes de ces tout nouveaux venus ou tous derniers parvenus, pour faire inéluctablement basculer notre monde dans ces autres inextricables labyrinthes de la vie à nous faire perdre la bonne raison des choses. Parfois même celle d'exister !

Le monde des volatiles, fait de cette besogneuse poule pondeuse et de la voix mélodieuse du charmant rossignol, comprend également ?on en convient parfaitement- de nombreuses familles de brigands rapaces et de très méchants et bien menaçants vautours ayant plusieurs tours dans leur besace.

Et comme le feu de bois ne produit pas seulement ces flammes utiles qui montent en très hautes colonnes verticales dans le ciel, il laisse comme logiques résidus au fond de l'âtre cette autre poudre noirâtre faite de cendres comme le symbole de l'extinction de la vie d'un brasier, à au besoin, immédiatement réapprovisionner son braséro.

Entre belles et utiles flammes et inévitables ou inéluctables cendres, le feu de bois de chauffe, quant à lui, fait lui aussi, dans ce jeu où la flamme -malgré sa grande vivacité et inestimable énergie- ne produit finalement comme élément durable que la toute détestable cendre !

Pareille à des oiseaux de mauvais augure dénaturant sans le moindre remord notre magique et très belle nature, la cendre remet tout en cause dans l'utilité d'une flamme jusqu'à dénier au feu de l'âtre toutes ses indéniables et incomparables qualités de grand producteur de chaleur à base de combustible domestique.

Cependant, autant la cendre que les oiseaux de mauvais augure, ramenés à l'inévitable mesure du temps, marquent indélébilement la fin d'un cycle, d'une ère, d'une époque, à telle enseigne que la répercussion de leurs ?'nature'' et logique en vue de s'adapter à des comportements humains produit incontestablement ou inévitablement le même résultat au niveau notamment de la relève à assurer parmi les différentes générations.

Avec un brin de nostalgie, tout le monde regrette en effet autant l'époque que les qualités humaines reconnues au disparu, dès lors que son supposé remplaçant autoproclamé ou triste individu se prenant pour son substitut manque très franchement de carrure ou ne fait vraiment pas le poids.

Sinon comment trouver quelque chose de semblable ou juste un dénominateur commun entre notre Grand Aissat Idir de la décennie cinquante du siècle dernier et ce quelconque ?'substitut'' de Sidi Saïd à la longévité impressionnante de l'année en cours ou de celle remontant à plusieurs années auparavant ?

Ou encore comment donc trouver surtout ce parallèle à faire entre ce vaillant Mohammed Boudiaf de la même époque, élément jugé par l'Histoire comme très brillant et sur tous les plans, et celui lui emboitant plus tard le pas et le pied à l'étrier, Amar Saâdani, l'un des plus effacé politiquement mais aussi des plus concupiscents matériellement de cette ère nouvelle d'un parti unique qui défie à tort le temps et la raison ?

Les deux premiers ont durablement marqué de leur sceau, qualités humaines, empreinte et courage leur vaillant combat contre l'empire français, la grande Histoire de l'Algérie, au moment où les seconds-nommés n'auront fait, leur vie durant, que ternir à jamais et surtout travestir cette page glorieuse d'une Algérie autrefois combattante qui fait manifestement aujourd'hui dans la gabegie, la médiocrité, la corruption?

Ainsi donc, tels des oiseaux de bons augure, les deux premiers se sont envolés très haut, quittant notre sol et ciel brumeux, à la recherche d'un espace plus convenable sous cette belle voute céleste qui sait vraiment récompenser les hommes courageux, ayant été sincères dans leur combat et justes envers leurs pairs et l'Histoire.

Profitant de cet espace laissé entre-temps libre et inoccupé (faute de véritables postulants!) après le départ de ces grands Héros de la Grande Histoire de l'Algérie, ce sont donc ces autres oiseaux, d'une toute autre nature et calibre qui se sont faufilé dans les rangs, engouffré dans cette brèche, investissant avec fracas et bruits de trompettes improvisés et très hypocrites ces hauts lieux de combat jusqu'à nous faire croire qu'ils comptent, eux aussi, vraiment dans la grande Histoire de la Nation !

Du comparatif qui précède, il est donc assez aisé de démontrer que le feu n'a produit que des cendres, à plusieurs niveaux, tant la relation entre ces tout derniers de la classe, hypocrites, médiocres et bien quelconques, et leurs héroïques ainés, très connus pour leur bravoure et engagement sans conditions en faveur de la noble cause de notre juste révolution, n'existe apparemment que dans cette appartenance à un même peuple qui connait en ce moment malheureusement le pire déclin de sa Grande Histoire.

En dangereux vautours rodant toujours alentour ou tout autour de notre Grande demeure familiale, bien scotchés à leur rameau de surveillance de prédilection qui leur offre cette vue panoramique très nette des lieux, mais surtout cette brèche à détecter dans la faiblesse de l'arsenal de la défense de la forteresse et cet autre sentier à prendre dès lors qu'ils se sont empiffré sur place et décidé d'emporter leur gibier, ils guettent à longueur de temps ce profond sommeil des gens de la maison pour toujours les surprendre à ces heures nocturnes indues, à un moment où ils sont obligés de plonger corps et âme dans les longs bras de Morphée.

Cette Algérie qui manifestement recule nous écule, nous accule, à mesure que nous avançons dans le temps ! La raison est toute simple : ces hauts faits d'armes n'auront malheureusement produit que ces immenses tas de cendres, une fois que les armes se sont tues et que les flammes de la révolution sont à jamais éteintes !

Ainsi, lorsqu'il ne fait plus bon vivre en un quelconque univers de la terre, le prophète Mohammed (Que le Salut soit sur lui) ordonne l'émigration au peuple qui en exprime le besoin et la demande. Mais ce sont, en véritable signe d'au revoir, les oiseaux de bons augure qui quittent les premiers cet ?'endroit maudit'' ou cette terre qui ne nourrit plus ou ne protège plus convenablement son monde.

(*) - Traduit de l'Arabe, cette sagesse intitulée « Ki Eyghibou Ettouyour Tabka El Hama Eddour » veut dire, à peu près : « Lorsque s'envolent les oiseaux de bons augure, seul le hibou monte en scène pour tenter de les faire oublier ou de s'imposer à leur place ! ».