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Palestine : un plan de paix encore plus pourri que redouté

par Kharroubi Habib

Jeudi, nous avons écrit que les Palestiniens auraient tort de se fier aux accusations israéliennes anti-John Kerry le présentant comme animé par un sentiment pro-palestinien qui ferait redouter à l'Etat sioniste le contenu du plan d'accord de paix qu'il s'apprête à présenter incessamment aux deux parties dont les négociations buttent sur d'irréconciliables divergences sur pratiquement tous les dossiers mis sur la table.

La révélation faite jeudi du contenu de son plan par l'émissaire américain pour le Proche-Orient Martin Indyk devant les dirigeants des organisations juives américaines a confirmé sa substance favorable aux positions israéliennes sur toutes les questions faisant contentieux entre les deux parties, même sur celle des colonies juives qui font de la Cisjordanie un territoire transformé en un gruyère rendant surréaliste la création à cette condition d'un Etat palestinien. Indyk a en effet révélé que le plan d'accord de paix de John Kerry prévoit que 75 à 80% des colonies juives en Cisjordanie resteront sous autorité israélienne. Des colonies dont pourtant les Etats-Unis ont réclamé l'arrêt des extensions et «dénoncé» le caractère illégal au regard du droit international.

En cela donc de même que sur les autres pierres d'achoppement qui bloquent les négociations palestino-israéliennes, le secrétaire d'Etat américain s'est rangé du côté israélien. Et c'est ce même responsable qui est présenté à l'opinion internationale par la propagande israélienne comme ayant en tête un projet de plan incompatible avec les intérêts et la sécurité nationaux de l'Etat israélien. Ne serait-ce qu'en avalisant le maintien des colonies juives existantes en Cisjordanie sous autorité israélienne dans les fourchettes révélées par l'émissaire américain, John Kerry, fait la preuve que Washington n'a pas pour objectif l'instauration d'un Etat palestinien viable, mais celui d'une entité qui n'aura de semblant d'Etat que par son nom.

Les Palestiniens n'ont donc rien de bon à attendre de la «sympathie» supposée que John Kerry vouerait à leur cause nationale. Jamais secrétaire d'Etat américain n'a été aussi loin dans la formulation de concessions à faire par eux pour réaliser la concrétisation de leur Etat national.

De ce que les médias américains ont avancé sur le contenu de son plan, de ce que Martin Indyk a dévoilé ce qui va être proposé sur la question des colonies juives en Cisjordanie, il apparaît que ce n'est plus des concessions qui leur sont demandées, mais l'apposition de leur signature en bas d'un «accord» qui enterre cyniquement sous l'argument du «réalisme» tout ce pourquoi ils se battent depuis plus de soixante-deux ans. L'on sait déjà que si Mahmoud Abbas et ses négociateurs mus par ce qu'ils ont de fibre patriotique refusent d'entériner ce qui serait une trahison historique, ils seront «dénoncés» comme étant responsables de l'échec des négociations. Une mise au pilori qui est déjà esquissée par la propagande israélienne et ses relais occidentaux qui répandent déjà la fiction qu'Israël en quête d'un accord de paix «juste et équitable» ne trouve pas d'interlocuteurs côté palestinien animés de la même intention.

Cela avait été leur «arme fatale» contre Yasser Arafat, ils l'a ressortent contre son successeur et servira encore contre celui qui succèderait à Abbas. Mais l'on ferait bien en Israël de se souvenir que lorsqu'un «peuple veut la vie», et c'est le cas du peuple palestinien, «force est au destin d'y répondre». Le plan Kerry n'est pas la réponse que ce peuple attend. Il forcera assurément le destin à lui donner celle qu'il veut et pour laquelle il est prêt à tous les sacrifices.