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Afin que nul n'oublie

par Kharroubi Habib

Il y a trente ans, le 18 septembre 1982, le monde apprenait effaré que dans Beyrouth occupée par l'armée israélienne les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila ont été le théâtre d'un massacre à huis clos dont le nombre des victimes, vieillards, hommes, femmes et enfants, des Palestiniens bien entendu, a été estimé entre 2.500 et 3000. L'horrible tuerie a commencé par l'incursion préalable de commandos d'élite israéliens du «Sayeret Mathal» dans les deux camps où ils se sont livrés à des exécutions sommaires. Ils ont après cela laissé place aux miliciens de la phalange chrétienne sous les ordres de son chef du service secret Elie Hobeika, épaulés dans leur sale besogne par les hommes du général Saad Haddad, militaire libanais à la solde de l'Etat sioniste. Le massacre a duré du 16 au 18 septembre. L'armée israélienne commandée par le criminel Ariel Sharon ayant instauré autour des camps un infranchissable encerclement rendant impossible de savoir ce qui s'y passait.

L'indignation provoquée par ce crime contre l'humanité fut très grande mais sans que la communauté internationale n'engage d'enquête pour déterminer qui ont ordonné, planifié et participé au massacre. Israël étant en cause, l'on a peu cherché à faire éclater la vérité. Les Occidentaux soucieux de lui sauver la mise se sont contentés du rapport de la commission Kahane créée par le gouvernement de Tel-Aviv qui a conclu à la «responsabilité directe des phalangistes chrétiens libanais comme seuls auteurs de la tuerie». Une enquête indépendante menée par la commission Sean McBrides a elle déclaré quelque temps après «Israël directement responsable du massacre du fait de sa position d'occupant». Une évidence qui ne s'est guère imposée à ceux qui veillaient à ce que Israël ne soit éclaboussé par le crime contre l'humanité et ne soit sommé de rendre compte.

Trente ans sont passés, le souvenir du massacre de Sabra et Chatila ne survit que dans la mémoire collective du peuple palestinien. Il n'est pas bien vu, ailleurs où la diplomatie et la presse d'Israël veillent, que l'on rappelle le souvenir de ce massacre, que l'on exige la punition de ses responsables encore en vie. Trente ans après, aucune condamnation pénale n'a été prononcée contre ces derniers, libanais ou israéliens. Une chape de plomb a été tacitement mise en Occident sur tout ce qui a trait à ce massacre génocidaire.

Quiconque a tenté d'engager une action contre les criminels en a été sournoisement mais efficacement empêché. C'est le cas de la justice belge qui s'est avisée d'instruire une plainte visant Ariel Sharon, ministre israélien de la Défense à l'époque des faits, et le général Amos Yaron ainsi que d'autres responsables israéliens, engagée par 23 rescapés palestiniens du massacre en vertu de la loi dite «de compétence universelle» adoptée en 1993 par le Parlement belge et étendue en 1999 pour permettre la poursuite d'auteurs de crimes contre l'humanité.

Les magistrats belges ont été dissuadés d'ouvrir le dossier et le gouvernement de Bruxelles sommé de réviser sa loi. Ce qu'il s'est empressé de faire en août 2003 en vidant cette loi de toute substance menaçante pour les criminels. Même les Etats arabes participent à l'occultation et l'enfouissement du souvenir du massacre, de peur que son évocation ravive l'indignation pour leur lâcheté et leur abandon des Palestiniens. En ces temps où l'on voit les tribunaux internationaux s'autosaisir d'affaires de crimes de guerre ou contre l'humanité dont les auteurs sont des responsable d'Etats ne pouvant se revendiquer de «l'immunité» dont bénéficient tacitement ceux de l'Etat hébreu, il faut leur rappeler en le martelant que celui commis à Sabra et Chatila est imprescriptible. Que la mémoire des victimes exige que justice passe. Tant que cela ne sera pas fait, tous les TPI, toutes les juridictions internationales seront vus comme au service d'une justice à double vitesse. Tolérante et compréhensive pour les puissances dominantes, intransigeante et implacable pour les faibles.