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Un tournant dans le conflit syrien

par Kharroubi Habib

L'attentat qui a ciblé les plus hautes autorités militaires et sécuritaires de Syrie signe incontestablement un tournant dans la crise qui ensanglante ce pays. Quels qu'en soient les commanditaires, il annonce en effet des événements qui vont précipiter le dénouement de cette crise.

Si l'attentat s'avère effectivement être l'œuvre des rebelles, cela veut dire que le régime syrien n'est plus en situation de gérer la rébellion qui le combat. En le frappant au cœur, elle donne ainsi une réalité à ce qu'elle affirme depuis quelques semaines à savoir que son combat est en train d'atteindre son objectif «l'effondrement du régime». Réalité à laquelle semblent croire les «sponsors» étrangers de cette rébellion, qui en font la raison de leur refus de la solution politique préconisée par le médiateur international Kofi Annan et défendue par la Russie entre autres puissances. Hormis les revendications de l'attentat formulées concurremment par le Conseil national syrien et un groupuscule djihadiste, il n'y a pas la certitude que la spectaculaire opération qui a coûté la vie à plusieurs hauts dignitaires militaires et sécuritaires soit effectivement l'œuvre de l'opposition au régime. Celui-ci a fait les preuves quand sa survie a été en jeu, et c'est le cas présent, qu'il n'hésite pas à «sacrifier» ceux de ses dirigeants dont les disparitions constituent alors des «messages d'ouverture» en direction de ses adversaires du moment.

Il n'est pas improbable que l'attentat de Damas a été perpétré dans cette logique. Les victimes en sont des hiérarques militaires et sécuritaires dont la réputation de jusqu'au-boutistes irréductibles dans la confrontation avec la rébellion est notoire. Ils peuvent avoir constitué l'obstacle qui empêchait Bachar El-Assad et d'autres responsables du régime à explorer la voie de la solution politique de la crise. Leur jusqu'au-boutisme semble avoir fini par exaspérer les alliés du régime dont le soutien lui est vital. Leur disparition peut donc avoir été organisée de l'intérieur même de ce régime en tant que message donnant à comprendre que Bachar El-Assad et son noyau d'inconditionnels disposent désormais d'une marge de négociation grâce à laquelle la recherche d'une solution politique à la crise syrienne devient possible.

Dans les deux cas, le conflit syrien est à un tournant. L'hypothèse de l'attentat effectué par la rébellion donne à entrevoir que le régime va tout faire pour rendre coup sur coup, et qu'il faudra par conséquent s'attendre à un redoublement de violences et de répression. Et en la matière, l'opposition semble mésestimer ses capacités qu'elle pense avoir affaiblies. Dans celle d'un «coup» opéré de l'intérieur du régime, il s'ensuivra en toute probabilité des initiatives que Bachar El-Assad se chargera d'annoncer et que Russes et Chinois intègreront dans la stratégie diplomatique qu'ils opposent aux Américains et Européens qui appuient et contrôlent la rébellion. Une certitude s'impose, celle que le peuple syrien est en train de payer au prix le plus sanglant une confrontation dont les enjeux ne sont pas exclusivement «syro-syriens», et qui va hélas se prolonger longtemps encore.