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ALI FAIT DE LA RESISTANCE

par K. Selim



Le métro d'Alger est tombé en panne, hier, à cause d'une panne d'électricité. Après une stupeur générale silencieuse des voyageurs, l'éventail classique des réactions n'a pas manqué de rompre le mutisme. Il y a ceux qui pensent que «cela arrive partout» et qu'il faut accepter l'idée que la ponctualité toute neuve à laquelle nous habitue le métro puisse être contrariée par des aléas. Il y avait aussi qui s'étonnent que cela arrive avec un métro flambant neuf et qui n'étaient pas très convaincus par l'explication avancée par les agents du métro selon lesquels le problème se trouve au niveau de Sonelgaz.

Durant une dizaine de minutes d'attente dans la station du Hamma, les voyageurs ont échangé avec civilité et souvent avec l'humour du truculent sarcasme algérien. Les agents du métro essayaient de répondre, du mieux qu'ils pouvaient, aux questions. Et puis soudain arrive l'inévitable dérapage éculé de l'autodénigrement, sport qui tend à se généraliser dans certains milieux pour suggérer que les Algériens sont «par nature» incapables, incompétents et inaptes à la modernité. Un quadragénaire, bien de sa personne, se met en effet à clamer : «Il ne faut pas cacher le soleil derrière un tamis, si Alain n'était pas parti, les choses auraient bien marché». La réaction ne s'est pas fait attendre. Un autre quadragénaire, révolté, s'approche et lui rétorqua d'une voix de stentor : «Ce que tu dis là, n'est qu'âneries. Si Alain, comme tu le dis, était encore là, il n'est pas certain que tu aurais atteint l'âge de 40 ans. Et si par miracle ayant survécu aux maladies, à la misère et si «al baq» (les punaises) ne t'avaient pas dévoré, tu ne serais quand même jamais entré dans une ville et encore moins mis les pieds dans un métro. Si tu n'es pas idiot, tu devrais remercier Ali qui a pris les armes pour ta dignité au lieu de regretter Alain sans savoir ce que cela veut dire».

Au fur et à mesure qu'il parlait, la colère froide et retenue au début prenait un tour plus véhément. «Ce n'est pas parce qu'on a un mauvais gouvernement, des gens qui ne pas sont à leur place qu'on doit faire douter de nos capacités et faire l'éloge de la soumission». D'autres vinrent à la rescousse en faisant remarquer que le métro d'Alger était déjà géré par la RATP française, par « Alain en quelque sorte», et qu'eux aussi ils en avaient plus qu'assez de ceux qui discourent à longueur de temps de manière générale sur les travers des Algériens et l'Algérie avec une «mentalité de colonisés». Ce sont des «complexés qui se complaisent dans l'autodénigrement et qui ne font absolument rien, sauf médire en permanence», a-t-il expliqué plus tard, sur le chemin de la quête d'un transport de substitution, les agents du métro ayant fini par demander aux voyageurs de partir et de cacheter leur ticket pour un usage futur.

L'HOMME REVOLTE AVAIT DES IDEES TRES CRITIQUES SUR LE GOUVERNEMENT ET LE «SYSTEME», MAIS IL AVOUE EN «AVOIR RAS LE BOL» DES DISCOURS BILIEUX ET DE CES VEULES JEREMIADES QUI RENDENT? «ALI COUPABLE D'AVOIR RENVOYE ALAIN». ET LES DEUX HOMMES QUI L'ACCOMPAGNAIENT N'ONT PAS EU BESOIN DE PLUS D'EXPLICATIONS. TROP, C'EST TROP. ALI N'EN FINIT PAS DE FAIRE DE LA RESISTANCE !