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Université d'Oran 2: Une journée hommage à la mémoire du défunt linguiste Abdou Elimam

par Sofiane M.

Une journée hommage pour célébrer la mémoire du défunt linguiste et professeur émérite Abdou Elimam sera organisée le 29 avril en cours à l'auditorium de la Faculté des langues étrangères de l'Université d'Oran 2 Mohamed Ben Ahmed avec la participation d'éminents chercheurs en sciences du langage. Plusieurs conférences sur le parcours exceptionnel de ce fervent défenseur de l'arabe algérien ou le «Maghribi» comme il aimait l'appeler sont au programme. Cette journée hommage sera l'occasion non seulement de revisiter l'œuvre de cet éminent linguiste, mais aussi pour relancer la réflexion sur la politique des langues en Algérie. Parmi les conférences programmées, il y aura l'intervention du professeur Rabah Sebaa intitulée «Ecrire en algérien aujourd'hui». Ce professeur en anthropologie linguistique est le premier à avoir publié un roman écrit exclusivement en arabe algérien.

Ce roman, édité par les Editions Frantz Fanon, traite du sort d'une société ternie par de fausses valeurs religieuses érigées en dogme, où tout commence dans un cimetière, le jour de l'enterrement d'un poète «El-Goual» ; n'ayant pas le droit d'entrer au cimetière, des femmes lancent une révolution contre la marginalisation, l'oppression et la violence. «Fahla est le nom du personnage principal du roman, mais également une métaphore pour désigner (bled Fahla), un pays qui a su résister à toutes les agressions et qui est un symbole de résistance». Pour ce professeur, «la langue algérienne n'est pas un dialecte mais une langue à part entière avec sa grammaire, sa syntaxe, sa sémantique et sa personnalité linguistique».

Plusieurs professeurs en anthropologie linguistique appellent en effet à intégrer l'arabe algérien dans les programmes scolaires tout en justifiant cette revendication par le fait que plusieurs «études scientifiques sérieuses ont montré que les langues de socialisation sont fondamentales dans le développement de la personnalité de l'enfant».

Durant cette journée hommage, la docteure, Kheira Djeradi va présenter un compte-rendu des deux derniers ouvrages de Abdou Elimam : «De l'à-dire au dit» et «Après Tamazight la Daridja (le Maghribi)». Abdou Elimam a publié plusieurs ouvrages consacrés à la défense de la Derja ou «Maghribi», pour reprendre un terme cher à l'auteur, mais dans l'un de ses derniers essais il a plaidé pour l'officialisation du dialecte algérien. Il avait estimé dans l'un de ses entretiens que «la langue maternelle est incontournable si on veut accéder au savoir. On tue aujourd'hui le potentiel d'intelligence de nos enfants en les privant de leur langue maternelle dans les écoles». Selon Abdou Elimam, la reconnaissance de la «Derja» est un enjeu majeur pour l'avenir de notre pays. «Tous les pays qui ont intégré la langue maternelle dans le cursus scolaire ont réussi. Les résultats sont plus que probants. Une expérience menée par des experts internationaux au début des années 2000 a révélé que le taux de réussite des enfants qui suivent un enseignement en langue maternelle est de 97%. Cette expérience a été refaite au Maroc où elle a donné des résultats plus qu'encourageants. La régression de notre système scolaire serait essentiellement causée par le rejet de nos langues maternelles», soutient ce linguiste.

La reconnaissance des langues maternelles en Algérie se heurte toutefois non seulement au verrou constitutionnel, mais aussi aux représentations négatives, qui semblent ancrées dans les mentalités. Les langues maternelles sont toujours considérées comme des ennemies de l'unité nationale, ce qui explique, en partie, la farouche résistance opposée à tout projet de reconnaissance de ces langues vernaculaires. L'ex-ministre de l'Education nationale, Nouria Benghabrit, qui avait proposé l'introduction du dialecte algérien dans l'enseignement, avait essuyé, rappelle-t-on, de virulentes attaques de toutes parts.