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Bruits de bottes au Maroc

par Youcef Dris

C'est devenu une habitude ! Chaque année, à l'approche de la présentation, au mois d'avril, du rapport annuel sur le problème du Sahara Occidental devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le Makhzen marocain, à sa tête Mohamed VI, ayant perdu toute légitimité sur le plan international, cherche désespérément, avec ses «nouveaux alliés» à mettre de la pression sur le Conseil de sécurité, à faire parler de lui dans les médias et à induire en erreur les pays qui sont pour la légitimité internationale des Sahraouis et militent pour un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental. Ce genre de manœuvre basé sur la provocation est monté à des fins médiatiques et constitue un chantage à l'émigration en direction de l'Espagne et donc de l'Europe, avec au bout du compte la capitulation du chef du gouvernement espagnol aux thèses expansionnistes marocaines, un virage à 180 degrés qui a surpris, offusqué et indigné les membres mêmes de son gouvernement et les députés espagnols.

Ainsi, après la région de Guerguerat où des éléments de l'armée marocaine avaient fait intrusion l'année dernière avant d'être rappelés à l'ordre par le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, les FAR sont allées trop loin, cette fois, en ciblant la zone tampon de Bir Lahlou et Tfariti, provoquant franchement le Front du Polisario. Excédés par ces gesticulations stériles, les Sahraouis ont réagi et se sont préparés à intervenir si les forces armées marocaines ne se retirait pas de la «zone tampon», située à l'est du mur de défense au Sahara. La situation n'a jamais été aussi tendue puisque le Maroc a décidé de recourir à tous les moyens pour continuer à occuper illégitimement l'ancien Sahara espagnol, y compris par la voie militaire. La preuve des violations par le Maroc des dispositions des accords de cessez-le-feu de 1991 stipulant que la zone située au-delà du mur est une zone de circulation et non pas d'implantation a été fournie par le Polisario au secrétaire général de l'ONU. Ajouter à cela le discours du Roi Mohammed VI qui a arbitrairement signifié à la communauté internationale qu'aucune solution n'était acceptable sans prendre en compte l'intégrité territoriale du Maroc.

Pour asseoir ce fait accompli, le Maroc a sollicité son nouvel allié, Israël, pour l'aider à renforcer son arsenal de guerre. C'est ainsi que plusieurs hauts responsables israéliens, dont le ministre de la Défense Benny Gantz et la ministre de l'Économie Orna Barbivai, se sont depuis rendus au Maroc à l'invitation de ce pays, et ont signé des accords de coopération, notamment dans les domaines de la technologie, de la sécurité, de l'armée. Benny Gantz est venu signer un mémorandum avec son homologue marocain Abdellatif Loudiyi, afin de renforcer la coopération militaire «sous tous ses aspects» entre les deux pays. Il a également rencontré le lieutenant général Belkhir El Farouk, inspecteur général des forces armées marocaines. Conclu, cet accord «comprend la réglementation de la coopération en matière de renseignement, les achats d'armes, la surveillance électronique, la formation conjointe et les liens étroits entre les deux industries, a tweeté Benny Gantz. Je remercie le roi Mohammed VI et le ministre de la Défense pour leur travail dans le développement des relations entre les deux pays. Nous avons franchi une étape historique».

Le texte permet aux entreprises israéliennes de faire des affaires avec le Maroc, même si un responsable israélien de la défense a déclaré sous couvert d'anonymat que les liens entre les deux pays ne reposent pas uniquement sur la vente d'armes. Israël est l'un des principaux exportateurs au monde de drones armés et de logiciels de sécurité comme le très controversé Pegasus de la société NSO, acquis par le Maroc pour surveiller des responsables algériens, des journalistes français, des journalistes marocains et même le président Macron. L'attaque marocaine perpétrée dimanche dernier à Ain Bentili, une zone frontalière délimitant le territoire mauritanien du Sahara Occidental, au moyen d'armes de guerre sophistiquées, contre des commerçants, ressortissants de trois pays de la région, entraînant la mort de quatre civils, est justement le résultat de cette coopération militaire avec Israël.

Avec des drones fabriqués par Israël sur le sol marocain, le Makhzen s'essaye à des méthodes de provocation des pays voisins. Il essaye, en outre, d'élargir le champ du conflit dans la région afin de «légitimer sa colonisation dans le Sahara Occidental ». En réalité, l'objectif derrière ces actes criminels commis par le Maroc est de créer des zones de conflit en Algérie et en Mauritanie. Un plan de déstabilisation et de séparation dans le Grand Sud. Connaissant les manœuvres ourdies par la Makhzen, l'Etat algérien reste extrêmement vigilant, fait preuve d'intelligence pour ne pas se laisser entraîner dans ce conflit, laissant l'instance onusienne s'en charger. Il rappelle, à ce titre, qu'auparavant Hassan II a déjà voulu armer certaines régions de l'Algérie sans résultat, ce qui explique que cette haine envers l'Algérie ne date pas d'hier. C'est ainsi que, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, l'Algérie a condamné énergiquement les assassinats ciblés commis au moyen d'armes de guerre sophistiquées par le Royaume du Maroc, en dehors de ses frontières internationalement reconnues, contre des civils innocents, ressortissants de trois pays de la région.

Pour l'Algérie, ces pratiques belliqueuses s'apparentent à des actes répétitifs de terrorisme d'Etat et prennent les caractéristiques d'exécutions extrajudiciaires passibles de poursuites devant les organes compétents du système des Nations unies. Néanmoins, devant l'inaction probable de la communauté internationale, face à ces interventions menées au-delà de «son mur défensif», menaçant gravement le processus politique onusien et alimentant les exacerbations sur le terrain, attentatoires à la paix, la stabilité et la sécurité régionales, le Polisario n'écarte pas lui aussi l'éventualité de recourir à la force pour rétablir la situation quoique depuis 1991, il s'est retenu face aux bravades de l'armée coloniale marocaine. Aujourd'hui, cette attitude de plus en plus belliciste du Makhzen semble réelle.

Les dispositifs militaires des Forces armées royales sont en mode offensif dans la zone sud. C'est à ce titre que les services de renseignements israéliens ont commencé à s'intéresser à la situation du Sahara Occidental et des groupes de travail conjoints israélo-marocains ont même entrepris de travailler ensemble. Ce qui a permis à Israël de mieux comprendre les besoins sécuritaires du Maroc. La radio publique israélienne Kan a d'ailleurs évoqué l'intérêt manifesté par les responsables de la défense marocaine pour la commande à l'industrie de défense israélienne de drones, de systèmes de défense antimissile et même d'une modernisation de ses avions de combat. Un marché qui pourrait porter sur des centaines de millions d'euros. Mais l'intérêt pour Israël de ce rapprochement avec le Maroc n'est pas seulement de trouver un nouveau débouché commercial pour son industrie de défense. Les deux pays - surtout pour le Maroc - souhaitent aussi préserver et renforcer leur proximité stratégique avec les Etats-Unis, alors que le ministre marocain des Affaires étrangères était reçu il y a peu de temps à Washington par son homologue américain.

Et dans le contexte compliqué qui se dessine avec la reprise des négociations des grandes puissances avec l'Iran sur son programme nucléaire militaire, il est plus que jamais important pour Israël d'avoir aussi un «complice» au Maghreb, et le Maroc, allié traditionnel d'Israël est le mieux placé, d'où cette coopération tous azimuts entre les deux entités. Cette coopération comprend entre autres la «dissuasion» des éléments de l'armée sahraouie de dépasser la zone tampon, de s'assurer de leur neutralisation, et faire en sorte qu'ils ne soient pas rejoints par des renforts. Une tâche qui semble à priori simple pour les forces en place, mais qui ne l'est pas pour autant, au vu du statut juridique de cette zone démilitarisée. En fait, la guerre a toujours été l'option privilégiée du Maroc pour régler «ses différends» avec ses voisins. Pour rappel, cette guerre frontalière imposée par le Maroc à notre pays, également connue sous le nom de Guerre des sables, qui a eu lieu en octobre 1963. La région de Tindouf, qui représente le seul accès terrestre algérien au Sahara Occidental était donc d'une importance stratégique. Il existe également des ressources minérales dans la région, notamment des phosphates.

Le roi Hassan II du Maroc intéressé et encouragé par l'idéologie du «Grand Maroc », propagée par le parti national conservateur Istiqlal, a tenté de conquérir la zone de Tindouf et de l'intégrer à son territoire national. Mal lui a pris, puisqu'après les combats des 8 et 9 octobre, les Marocains sont repoussés par les troupes de l'ANP encore auréolées par leur victoire contre l'impérialisme français. Depuis, le Maroc et ses dirigeants qui ne portent pas l'Algérie dans leur cœur font tout pour la déstabiliser. En août de l'année dernière, et suite à sa collaboration avec Israël, le Maroc se croyant devenu plus fort, a tenté de porter atteinte à la sécurité de l'Algérie. Par l'intermédiaire d'agents acquis à sa «cause», des feux ont été allumés dans toute la Kabylie pour faire soulever cette région contre le pouvoir algérien. Mais, malgré des dégâts matériels et humains considérables, la solidarité des Algériens n'a pas été ébranlée, au contraire, elle s'est consolidée encore plus. Et ce n'est pas les accords entre Israël et le Maroc qui risquent d'importuner les Algériens. Bien au contraire, ils ne font que renforcer leur conviction que le pays voisin est en désarroi, suite aux difficultés auxquelles il est confronté, aussi bien à l'intérieur qu'en dehors de ses frontières. Et même cette alliance contre nature ne l'aidera pas à résoudre ses problèmes.

La rue marocaine est en ébullition et refuse cette normalisation qui en fait n'en est pas une, car entre le Maroc et Israël, les relations étaient très étroites depuis la nuit des temps. Un an après «la normalisation» de leurs liens, les deux pays entament une coopération sécuritaire sans précédent. Onze mois. C'est le temps qu'il aura fallu à Israël pour établir avec le Maroc une relation plus poussée qu'avec tout autre pays arabe. Benny Gantz a déclaré lors de sa venue à Rabat lors de la première visite officielle d'un ministre israélien de la Défense dans un État arabe. «Nous avons vraiment établi une relation chaleureuse avec le Maroc, pays avec lequel nous entretenons une connexion culturelle et émotionnelle très forte». En effet, un peu moins d'un an après la signature des accords d'Abraham, Tsahal a débarqué au Maroc. Des hauts responsables en uniforme de l'armée israélienne ont accompagné le ministre de la Défense israélien, Benny Gantz, en visite le 26 mars 2022 dans le royaume. La délégation a rencontré le gratin de l'establishment sécuritaire marocain avec, à la clé, la signature d'un accord de collaboration militaire et stratégique, le premier du genre avec un pays arabe. Il ouvre la perspective de ventes d'armes défensives et offensives d'une valeur de plusieurs centaines de millions d'euros.

Le pacte survient alors que l'affaire Pegasus, ce logiciel espion de la société israélienne NSO vraisemblablement vendu au Maroc, suscite toujours des remous. La délégation israélienne, composée entre autres du chef de la direction de la stratégie, Tal Kelman ainsi que du commandant de la coopération militaire internationale, Effie Defrin, a aussi programmé une série de rencontres avec des responsables militaires marocains, dont El Farouk Belkhir, le nouvel homme fort des FAR. Le Maroc figure aussi sur une shortlist de 27 pays, aux côtés des Emirats arabes unis et de pays d'Asie du Sud-Est dont les noms n'ont pas été révélés, qui ont acheté le «Skylock Dome», un dispositif anti-drones conçu par l'entreprise israélienne Skylock Systems, filiale d'Avnon Group, spécialisée dans la conception et le développement d'équipements de protection contre les drones malveillants. Ce dispositif de surveillance des frontières, des aéroports, des événements de masse, mais aussi des bases militaires est capable de repérer et d'identifier un ou plusieurs drones, ainsi que les contrôler à distance. Le média marocain Tel quel a révélé que le Maroc avait fait l'acquisition de quatre drones tactiques Hermes 900 conçus par le groupe israélien Elbit Systems. «L'alliance avec Israël octroie au royaume chérifien un degré de crédibilité, de respectabilité, ce qui renforce sa position au niveau régional», analyse Sébastien Boussois, chercheur en relations euro-arabes associé au Cecid (Université libre de Bruxelles) et à l'Uqam (Université de Montréal).

En réalité, les relations entre Israël et le Maroc sont des plus anciennes. C'est devenu un rituel. Hommes politiques, officiers du Mossad, médias et autres universitaires ne manquent pas une occasion pour rappeler le rôle joué par le Maroc dans la victoire d'Israël sur les armées arabes dans le conflit du Moyen-Orient. Cette fois-ci, des journalistes israéliens révèlent les détails de la haute trahison du roi Hassan II qui avait attiré les dirigeants arabes dans un guet-apens à Casablanca où des officiers du renseignement israélien s'étaient rendus pour espionner les travaux d'un sommet qui allait s'y dérouler. Mais le Mossad n'avait pas besoin de fournir autant d'efforts, puisque le monarque chérifien s'était chargé lui-même de la mission. «Le roi du Maroc Hassan II a aussi contribué à la victoire-éclair de l'Etat hébreu», s'enorgueillissent les Israéliens qui affirment qu'il ne s'agit pas là d'une désinformation et y apportent les preuves. «Sans le Maroc, Israël n'aurait peut-être pas gagné la guerre des Six Jours», attestent-ils. Et de rapporter des faits que les Marocains doivent certainement ignorer eux-mêmes : «Tout commence en 1965. On est deux ans avant que débute la guerre des Six Jours. Les grands leaders du monde arabe se retrouvent à Casablanca, c'est le troisième grand sommet de la Ligue arabe. Vous vous en doutez, le Mossad ne fait pas partie de la liste officielle des invités, mais il est là et il va recueillir des informations cruciales. Comment ?

On eut pu croire que les redoutables services secrets israéliens eussent infiltré la conférence à l'insu de leurs homologues marocains. Mais tel n'est pas le cas. Les Israéliens expliquent : En septembre, a lieu ce sommet de la plus haute importance», soulignent les Israéliens. Et c'est là qu'intervient le roi du Maroc pour offrir la victoire sur un plateau d'argent à l'entité sioniste, en troquant son statut de roi contre celui d'agent de mouchard pour le compte du Mossad. «A l'ordre du jour du sommet de Casablanca, l'état des forces armées des pays de la Ligue arabe, avec cette question : sont-ils prêts à faire la guerre contre Israël ?» poursuivent les Israéliens qui précisent que «l'autre homme-clé de cette histoire, c'est Hassan II, le roi du Maroc, [qui] va permettre aux renseignements israéliens de connaître les ennemis [d'Israël]».

On apprend que le Mossad avait préparé l'opération d'espionnage en amont de la conférence. Plusieurs jours avant, une équipe du Shin Beth, le service de sécurité intérieur israélien, et du Mossad avait occupé le dernier étage du luxueux hôtel à Casablanca, où étaient attendus les dirigeants arabes et où devait se dérouler la conférence. «Mais la veille du sommet, Hassan II est pris de panique et somme les agents israéliens de quitter l'hôtel», révèlent les sources israéliennes qui font remarquer, toutefois, qu'«au terme de cette conférence, il va livrer aux agents israéliens l'enregistrement complet des travaux». Hassan II avait tout enregistré en secret car «il n'avait pas confiance dans les invités de la Ligue arabe». Que contenaient les bandes sonores remises par le roi du Maroc à Israël ? «Les enregistrements vont révéler qu'il est question de créer un commandement arabe unifié pour mener les hostilités contre Israël et le point crucial, c'est que les rangs arabes sont profondément divisés, ce qui est vraiment important, c'est que les nations arabes ont révélé leur faiblesse», dévoilent les Israéliens qui apprenaient ainsi que les Arabes «n'étaient absolument pas préparés pour une guerre contre Israël».

C'est sur la base de ces renseignements que Tsahal lancera les premières opérations de la guerre des Six Jours en 1967. A la question de savoir pourquoi Hassan II a agi ainsi, la réponse est on ne peut plus claire : «Il faut savoir qu'avant ce sommet le Maroc et Israël entretenaient déjà des relations stratégiques. Hassan II avait accepté que des juifs marocains émigrent vers Israël, en échange de quoi Tel-Aviv fournissait une aide logistique au Maroc, notamment en formant ses militaires.» Les Israéliens considèrent, à ce jour, cette opération comme le «fleuron des renseignements», si bien qu'Israël «est en dette vis-à-vis du Maroc».

Cette dette a un nom, précise-t-on, «elle s'appelle Mehdi Ben Barka», farouche opposant au régime monarchique de Rabat, assassiné par le Mossad. «Le Maroc a donc été un allié indispensable à Israël dans la guerre des Six Jours, même si, on voit bien, aucun cadeau n'est gratuit», concluent les sources israéliennes. Hassan II et le Makhzen ont sur leurs mains maculées par la trahison le sang des soldats algériens, marocains et autres syriens qui ont combattu aux côtés de l'Egypte contre Israël.



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