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Politiques agricoles et rurales en Algérie : focus sur la sécurité alimentaire (2ème partie)

par Mohamed Khiati*

La période de 1970 à 1978 est caractérisée par la mise en place des structures industrielles et le parachèvement des institutions publiques. C'est durant cette période que l'Algérie a connu un taux d'investissement extrêmement important. La moyenne sur la période (1970-1978) était de 45%. C'est la période où l'investissement productif a pris la part la plus importante. C'est également la décennie où il y a eu le nombre le plus important de création d'emplois dans le secteur productif. Or, sur le plan macro-économique, c'est une période où toutes les mesures prises étaient à l'opposé de ce que peut recommander une économie libérale et pourtant, c'est durant cette période-là que les meilleurs résultats ont été enregistrés.

Le taux de croissance réel sur la période avait été de 7% pour la production totale et 4% pour la consommation. Le taux de chômage a été réduit sensiblement par rapport à la situation antérieure malgré la croissance importante de la population active.

En 1971, l'avènement de la révolution agraire est venu confirmer l'orientation socialiste imprimée à l'économie agricole avec la nationalisation des grandes propriétés privées appartenant à des nationaux et des terres non exploitées et l'adoption d'un mode de gestion collectif imposé aux exploitants bénéficiaires des redistributions, ainsi que l'organisation étatique des circuits d'approvisionnement en intrants, transformation et commercialisation de la production.

Cette période a été également marquée par la création ou le renforcement d'un grand nombre de nouvelles institutions de recherche, de formation et de vulgarisation agricoles ainsi que par le développement d'infrastructures et d'équipement de base en milieu rural. Quant aux modes de financement du secteur agricole, ceux-ci sont restés essentiellement publics, sous forme de subventions dont le volume dépendait étroitement du niveau des recettes pétrolières et leur allocation était fixée selon les priorités données aux différents secteurs de l'économie nationale.

A l'époque, de nombreuses mesures ont été prises. Elles visaient la transformation du monde agricole et rural et son intégration dans le processus global de développement économique et social du pays et ce, en liaison avec l'effort d'industrialisation du pays. Parallèlement, des tentatives de restructuration du secteur agricole public ont été menées, mais qui demeuraient sans résultats significatifs, dit-on : les mesures de 1975 tendant à assurer l'autonomie de gestion des domaines autogérés ne sont pas totalement appliquées.

A l'instar de beaucoup de pays, le monde agricole et rural a toujours constitué un terrain propice aux idées de réformes dont les buts et les finalités visent soit la redistribution des terres au nom de la justice sociale, soit plus globalement la transformation des rapports sociaux. Ce sont schématiquement ces finalités que visait le projet d'envergure lancé au début des années 1970, qui s'est révélé porteur d'avancées certaines au plan social avec l'amélioration des conditions de vie des populations (électrification, habitat rural, infrastructures socio-éducatives...).

Pensé et initié au niveau central et peu en prise avec la réalité complexe et les motivations des populations ciblées, ce projet qui a focalisé et mobilisé toutes les énergies disponibles autour de sa mise en œuvre et de sa réussite, a par contre marginalisé le secteur privé agricole, d'où découle les faibles performances réalisées en matière de production, pense-t-on, alors. Mieux encore, ce projet n'a pas assuré, selon les dires de l'heure, l'intégration réussie du monde agricole et rural dans le processus global du développement économique et social, un processus dans lequel, l'industrialisation était prépondérante. L'expérience menée a montré surtout certaines limites des réformes engagées dénudées souvent de concertation, de participation des populations concernées et sans des instruments de différente nature (juridique, technique, financière...), adaptés au contexte et susceptibles d'assurer leur réussite. Il est vrai qu'à l'époque, on œuvrait avec un mode d'économie planifiée et purement décentralisée.

2. Les réformes de seconde génération : mesures de libéralisation et réajustement structurel (1981/2000)

Les premières années de construction de l'économie agricole étatique ont été empreintes d'un air d'optimisme quant aux chances de succès de ces réformes. Cependant cet enthousiasme s'est graduellement estompé au fur et à mesure que les efforts consentis étaient loin de donner les résultats escomptés. La croissance moyenne annuelle de la production agricole demeurait faible et la facture des importations alimentaires devenait de plus en plus lourde à supporter du fait de la hausse constante de la demande intérieure due surtout, à la forte croissance démographique de l'époque et à l'amélioration du pouvoir d'achat des populations.

Le début des années 1980 fut caractérisé par une réorientation notable de la structure des investissements au détriment des secteurs directement productifs. Il était pensé qu'il avait été beaucoup investi durant la période précédente dans le secteur directement productif et qu'il fallait réajuster en s'orientant vers les secteurs non productifs et donc une restructuration extrêmement importante, une réorientation de la part des investissements dans le secteur non productif.

Les mesures prises concernant la libéralisation des prix des fruits et légumes dont les effets positifs ont été immédiats sur la sphère de la production, ont amorcé un processus d'ouverture et d'amélioration des performances du secteur agricole. Le contexte du monde rural continuait pour sa part à enregistrer des avancées au plan social notamment avec l'élargissement de l'électrification rurale, la poursuite du soutien à l'habitat rural, la construction d'infrastructures éducatives et sociales...

Tandis que la restructuration des entreprises publiques et le niveau record de recettes annuelles d'exportation sont les autres caractéristiques de cette période. Les recettes des exportations de 1980 étaient le double de celles enregistrées en 1979. Le choc pétrolier de 1986 a remis en cause toute la politique économique du pays.

A partir de 1987, une nouvelle dynamique a été imprimée au processus de libéralisation progressive du secteur agricole avec la réorganisation des domaines autogérés agricoles, à travers la promulgation de la loi 87/19 du 8 décembre 1987. La privatisation de la gestion des terres agricoles du domaine national a été, à cet égard, une mesure extrêmement forte dans le cadre de la libéralisation du secteur agricole. Elle a eu le mérite de mettre fin à une dichotomie secteur public-secteur privé qui a longtemps desservi l'agriculture.

C'est ainsi que furent mises en place les premières expériences de libéralisation des marchés, suivies peu après par une restructuration des domaines agricoles socialistes (DAS), transformées en Exploitations agricoles collectives (EAC) et en Exploitations agricoles individuelles (EAI), tandis qu'un droit de jouissance perpétuelle sur les terres fut introduit

Dans le sillage de ces premières réformes, des mesures visant la relance de l'investissement agricole (création du Fond National du Développement Agricole) et la protection des revenus des agriculteurs (création du fonds de garantie des prix à la production agricole, du fonds de garantie contre les calamités agricoles...) ont aussi été mises en place. Ces mesures qui intervenaient dans un contexte national en évolution marquaient la volonté des pouvoirs publics de «reconsidérer» la place du secteur agricole en tant que secteur économique susceptible de contribuer à la croissance économique nationale et de promouvoir les agriculteurs en tant qu'acteurs économiques.

La mise en place des instruments d'encadrement économique des activités agricoles n'a pas eu tous les effets escomptés à cause de la persistance d'une gestion administrée des processus de développement engagés et de problèmes et contraintes qui ont réduit l'impact des mesures prises. A ce titre, les réformes de l'économie nationale ont eu des répercussions négatives sur le financement des activités agricoles avec le désengagement de la BADR du financement d'un secteur considéré à risque élevé, de sorte que les mesures de soutien à l'investissement via le FNDA ou de bonification des taux d'intérêt du crédit agricole n'avaient qu'un effet insignifiant compte tenu de la situation de fort endettement dont souffraient la quasi totalité des agriculteurs. Eriger l'agriculteur en acteur économique actif et responsable de ses actes constituait dès lors, plus un vœu qu'une réalité tangible.

Ainsi, à partir des premières réformes, les populations rurales ont commencé à subir les contrecoups de l'aménagement de la politique sociale du pays marquée notamment par l'abandon du soutien des prix à la consommation hormis quelques produits de base (blés, lait) dans le sillage de la mise en œuvre de la politique d'ajustement structurel.

Les mesures draconiennes dans le secteur agricole se sont traduites par le démantèlement des domaines agricoles socialistes (DAS) et leur transformation en exploitations privées individuelles et collectives (EAI-EAC) conformément à la loi 87-19, laquelle a changé la structure fondamentale du secteur agricole. Corrélativement, d'autres actions entreprises ont porté sur la privatisation de certaines coopératives et sur l'autonomie de grosses entreprises publiques (EP) qui s'occupaient de la production des intrants et des services, y compris le commerce, tout en continuant à appartenir au domaine public par l'intermédiaire des Fonds de participation.

La portée de ces réformes et en particulier celle relative à l'introduction d'un droit de jouissance perpétuelle sur les terres des EAC et EAI est toutefois restée relativement limitée, au début de la mise en application de la loi 87/19. Une donne qui peut s'expliquer par le fait que la plupart d'entre-elles ont été adoptées en l'absence d'une consultation et d'une sensibilisation suffisantes des exploitants, d'un environnement institutionnel ébranlé et des structures de financement et d'appui au secteur remises en cause.

Ainsi, les exploitations privées et les exploitants sont devenus plus nombreux par rapport au système socialiste, mais néanmoins plus disparates sur le territoire national. Les besoins de cette nouvelle organisation ont été abordés en termes de fourniture d'intrants et de services, y compris certains aspects liés à la commercialisation, au stockage, au crédit, à l'approvisionnement en intrants et aux informations techniques.

Quant aux entreprises publiques monopolistiques qui desservaient les DAS, celles-ci ont été adaptées et restructurées pour servir les exploitants privés dans le contexte des conditions concurrentielles du marché. Le secteur privé avait assumé alors, un rôle plus important dans l'apport des services agricoles. Cette transformation a impliqué un ajustement structurel et macro-économique considérable, englobant les prix, les dépenses publiques, la gestion, le niveau de maintien des subventions agricoles, la propriété publique, etc. La capacité du secteur à absorber ces impacts est essentielle à la réussite et au succès du programme d'ajustement structurel, note la Banque mondiale.

Timides au début, ces réformes se sont amplifiées pendant les années 90 à la suite des crises pétrolière et financière qu'a connues le pays et l'adoption des mesures d'ajustement structurel orientées vers l'économie de marché qui s'en est suivie. Ceci a entraîné la création des chambres d'agriculture en 1991 et du crédit mutuel agricole.

Parallèlement, il est procédé au démantèlement de certaines entreprises publiques de valorisation et de transformation des produits agricoles, d'un certain nombre d'offices d'approvisionnement et du système des coopératives de services (l'Office National Polyvalent des Services Agricoles «ONAPSA» et des coopératives de services ont été dissous) ainsi que l'abandon quasi généralisé des subventions sur les intrants qui a été suivi par la chute des investissements agricoles.

L'insécurité qui s'est instaurée dans le pays à la même époque n'a fait qu'aggraver la situation des agriculteurs, en particulier les plus démunis d'entre eux, obligeant les pouvoirs publics à remettre de nouveau en place certains mécanismes de soutien et de régulation.

Parallèlement, les transactions informelles sur les terres se sont multipliées sans que les investissements privés dans le secteur agricole ne soient relancés, aggravés par des dispositifs de cloisonnement entre la sphère agricole et celle de l'industrie agro-alimentaire.

L'étape de 1989 à 1999 fut la période que l'on peut qualifier de période de l'ouverture démocratique, de la libération du champ médiatique et leur corollaire en termes de responsabilité, d'autonomie et d'efficacité. C'est également une période caractérisée par une récession économique prolongée et d'un ajustement structurel, entamé.

Lors de cette période le secteur agricole a connu un certain nombre de réformes, Ainsi, une partie des terres nationalisées dans le cadre de la révolution agraire ont été restituées à leurs anciens propriétaires (loi d'orientation foncières de 1990) et le système coopératif issu de la révolution agraire, fut réorganisé.

C'est une période caractérisée également par :

? la démonopolisation des activités commerciales ;

? la libéralisation des prix des produits et intrants agricoles et l'abandon de la garantie des prix à la production ;

? l'abolition des restrictions quantitatives à l'importation des biens et services.

Le démantèlement des procédures administratives d'allocation des devises étrangères, au milieu des années 1990 dans le cadre du programme d'ajustement structurel de l'économie nationale demeurent autant de facteurs qui ont apporté ultérieurement des changements substantiels et contribué à consolider et approfondir les réformes du secteur agricole.

Parallèlement, l'émergence d'organisations professionnelles et interprofessionnelles est, de son côté, venue asseoir les bases d'une politique participative visant l'implication des agriculteurs et professionnels du secteur agricole dans toutes les questions en rapport avec leurs activités. Intervenant par touches successives, les réformes ont donc permis au secteur de l'agriculture de s'engager dans une dynamique de renouveau sans pour autant consommer définitivement la rupture d'avec le système de régulation administrative et centralisée de l'économie algérienne en vigueur durant les décennies 1960 et 1970.

En réaction aux effets et aux chocs induits par les politiques et les réformes successives engagées pendant la décennie précédente, une large consultation nationale regroupant des représentants de très nombreux acteurs du secteur y compris les experts et les universitaires, a été organisée en 1992, dont l'objectif consistait à établir un diagnostic sans complaisance de l'état des lieux de l'agriculture au terme de 30 années d'indépendance et de proposer une nouvelle approche du développement de l'économie agricole et un nouveau modèle de relations entre l'administration et la profession agricole et ce, dans un contexte de transition et d'ouverture au marché mondial.

La consultation s'est attachée à établir son diagnostic sur la base d'un examen et d'une analyse systématiques de l'état de toutes les ressources naturelles et humaines qui concourent à l'activité agricole, y compris les aspects liés à la fonction de préservation des patrimoines naturels contre les effets de la désertification et des pollutions.

Suite aux recommandations de cette consultation, des mesures de réorganisation ont été prises par l'État pour promouvoir le développement du secteur. Elles ont porté particulièrement sur le foncier agricole, à travers la création de l'Office national des terres agricoles (ONTA), 1996) et sur l'agriculture (politique de filières et statut d'exploitant agricole).

Parallèlement, l'Etat a lancé des programmes spécifiques, comme par exemples -les contemporains se rappellent- les programmes des grands travaux, de reboisement et d'emploi rural.

De nombreuses recommandations formulées lors de la Consultation n'ont malheureusement pas pu se matérialiser immédiatement compte tenu des contraintes liées à la crise financière que traversait le pays pendant les années 90 et aux mesures d'austérité imposées à l'époque par le programme d'ajustement structurel (PAS), le tout étant aggravé par l'insécurité poussant nombre de familles rurales à déserter leurs villages et leurs champs. L'agriculture alors, en dépit des contraintes, a contribué lors des années 1990 à environ 11% de la valeur ajoutée totale et à 8 à 9% du PIB. Elle recevait environ de 8 à 10% du total des investissements et absorbait environ 25% de la main-d'œuvre. Le coefficient d'autosuffisance alimentaire demeurait cependant faible, particulièrement en matière de céréales, légumineuses, huiles de consommation et laits. Les importations d'intrants et d'équipements agricoles ont par ailleurs augmenté la dépendance du secteur agricole vis-à-vis du marché international.

Sur le plan des politiques agricoles, l'objectif primordial du Gouvernement d'alors était d'accroître le degré d'autosuffisance (terme usité autrefois), en se focalisant principalement sur les céréales pour la consommation humaine. Ces politiques ne possédaient pas outre mesure la composante critique qui peut aborder le problème de la stabilité de la production. Dans de telles conditions, tout gain important de production sera opportuniste et éphémère, pense-t-on.

Le réalisme de ces politiques a été douteux, quand le coefficient d'autosuffisance global était d'environ 20%t. Elles ont constitués toutefois une entrave au développement des produits destinés à substituer les importations ou les exportations, là où l'Algérie pourrait avoir un avantage comparatif.

L'amélioration de l'efficacité économique de la production ne semblait pas être un objectif de la politique agricole. Les produits intrants recevaient des subventions implicites et/ou explicites, et les distorsions qui en résultaient étaient aggravées par les inefficacités de la commercialisation et de la distribution, en raison de la prédominance des EP et des contrôles des prix et des marges, et enfin des subventions à la consommation. Les objectifs d'équité prédominaient et l'élément principal utilisé à cet effet était la péréquation par laquelle le transport et les coûts de manutention, ou les marges et les prix, étaient égalisés dans l'ensemble du pays. Cette situation entravait l'intervention du secteur privé dans ces marchés, empêchait l'arbitrage spatial ou temporel, provoquait l'engorgement des livraisons des récoltes, et aboutissait à une provision inefficace des apports, qui manquait d'incitations de prix pour faire la différence avec les marchés basés sur des coûts réels.

L'objectif de la politique de fournir la nourriture à bas prix aux consommateurs a un impact négatif sur l'agriculture. Les contrôles des prix et des marges pour atteindre ces objectifs, ainsi que l'utilisation des entreprises publiques pour exécuter ces mesures, servaient en fait de barrières de pénétration du secteur privé et excluaient son intervention dans ces marchés. Le fait de cibler des groupes vulnérables pour améliorer leur bien- être se justifie, mais la subvention de tous les consommateurs ne se justifie pas.

Dans certains cas, les effets des politiques impliquaient des résultats qui étaient, dans leur essence, des transferts de revenu à l'agriculture. Cependant, étant donné que les ressources destinées à ces fins limitées, les objectifs ne pouvaient pas être atteints d'une manière globale. L'utilisation des prix et des taux d'intérêts pour atteindre des objectifs de revenu et d'équité a abouti à des distorsions du marché qui affectaient l'efficacité. Alors que les politiques des revenus pouvaient se justifier et la compensation directe comporterait moins de distorsions.

Les préoccupations liées aux objectifs de l'emploi étaient compromises par des politiques qui encourageaient l'utilisation de technologies de forte intensité en capital. A ce sujet, des études prospectives étaient nécessaires pour évaluer la possible existence de marchés segmentés de la main-d'œuvre et d'une structure adéquate en raison de la prédominance des entreprises publiques dans ces régions.

La conservation de la base des ressources naturelles, en tant qu'objectif, devrait être soutenue par un ensemble de politiques cohérentes. Les efforts défensifs limités en termes de protection agro- écologique, sont battus en brèche par des politiques de prix qui encourageaient l'expansion de la production dans des zones marginales et écologiquement fragiles.

La confusion apparente entre objectifs de politique et instruments de politique reflétait: (a) Les difficultés de passer d'un secteur socialiste, planifié, à un secteur tourné vers le marché et dominé par les agriculteurs privés ; (b) L'attitude paternaliste et bienveillante des décideurs et administrateurs de la politique agricole, aggravée par les développements politiques récents, et le souci de fournir la nourriture à bas prix aux consommateurs, et (c) Le besoin de développer des compétences en analyse des politiques dans l'administration publique pour l'agriculture.

Par ailleurs, dans le sillage des réformes monétaires internationales, des réformes importantes ont été entreprises et qui consistaient en l'abolition des restrictions quantitative à l'importation des biens et services, le démantèlement des procédures administratives d'allocation des devises étrangères, la libéralisation des prix et réduction des subventions, la dévaluation du dinar, le passage progressif à un régime de change flexible.

Le PAS (1995-1997) ayant touché plusieurs secteurs dont l'agriculture, a permis de poursuivre et approfondir les efforts déjà engagés. L'ensemble de ces réformes, de première et seconde génération ont été, à notre sens, le point de départ de l'élaboration progressive de nouvelles politiques agricole et rurales visant notamment la réhabilitation de la dimension économique de l'acte agricole et la relance de l'investissement pour la modernisation des exploitations agricoles et leur mise à niveau dans la perspective de l'ouverture du marché national, ainsi que la promotion du milieu rural

3. Les Réformes de troisième génération

a). PNDA-PNDAR (2000/2008)

En 2000, l'État a procédé au lancement d'un ambitieux programme de relance baptisé « Plan national de développement agricole » élargi, en 2002, à la dimension rurale et fut alors nommé Plan national de développement agricole et rural (PNDAR), de 2002 à 2008. La dimension rurale, a été conçue comme une stratégie opérationnelle de réponse globale et cohérente aux principaux défis et contraintes naturelles, techniques, organisationnelles et institutionnelles à l'origine de la fragilisation des bases de la sécurité alimentaire du pays, de la dégradation des ressources naturelles et de la menace sur la paix sociale en milieu agricole rural.

Ce plan a privilégié une démarche pragmatique qui devra assurer les synergies entre les exploitations agricoles, en tant qu'unités économiques de base, les pouvoirs publics, les investisseurs et autres acteurs économiques, dans le respect des vocations et spécificités des écosystèmes et espaces ruraux. Il prend en charge notamment les orientations visant la promotion du secteur agricole comme facteur d'équilibre économique et social du pays dans un contexte national en mutation profonde et rapide et met en œuvre des démarches opérationnelles.

Ces démarches tendent à : i) assurer une meilleure utilisation et valorisation des potentialités naturelles (sol et eau et moyens ; ii) assurer la préservation des ressources naturelles pour un développement durable ; iii) intensifier la production agricole dans les zones favorables et sa diversification dans le cadre de l'amélioration de la sécurité alimentaire nationale ; iv) adapter les systèmes de production aux conditions des milieux physiques et climatiques des différentes régions du pays; v) promouvoir les exportations de produits agricoles jouissant d'avantages comparatifs avérés notamment les produits de l'agriculture dite biologique; vi) promouvoir l'emploi au regard des potentialités existantes et de leur valorisation ; vii) étendre la surface agricole utile par la mise en valeur des terres agricoles; viii) améliorer les revenus des populations agricoles et; ix), réhabiliter les vocations naturelles des différentes régions du pays.

Pour ce faire, des programmes spécifiques et complémentaires prenant en compte les contraintes agro-climatiques notamment l'aridité du climat ont été mis en œuvre dont notamment:

? Le programme de développement des productions agricoles englobant aussi bien les produits de large consommation que les produits à avantages comparatifs, destinés à l'exportation;

? Le programme d'adaptation des systèmes de production qui constitue une tentative de « gestion active» de la sécheresse dans le cadre d'une démarche spécifique ;

? Le plan national de reboisement, ayant pour objectifs la restauration de zones forestières menacées, l'amélioration du taux de boisement au nord du pays, en privilégiant les boisements utiles et économiques ;

? Le programme de développement des zones de parcours, la protection de l'écosystème pastoral, l'amélioration de l'offre fourragère, la valorisation du cheptel et les revenus des populations locales;

? Le programme de mise en valeur des terres par le biais de la concession en vue d'étendre la SAU et procurer de l'emploi et des revenus aux populations bénéficiaires.

Les effets de cette redynamisation ont été marqués par un processus d'intensification de la production, une extension des surfaces cultivées (production fourragère, vignoble, vergers et maraîchage) et un taux de croissance de la production agricole, estimé supérieur à celui du reste de l'économie, ainsi qu'une relative stabilisation du niveau des importations agricoles. Cette croissance a aussi été rendue possible grâce à la viabilité de la demande intérieure induite par l'amélioration du pouvoir d'achat de la population. Les activités et les initiatives prises dans le cadre du PNDAR ont été conçues pour être en cohérence avec le concept de développement durable. Elles devaient donc être économiquement rentables, socialement acceptables et écologiquement durables.

Il est à rappeler qu'en 2002, le Ministère de l'agriculture et de la pêche (MAP) est devenu Ministère de l'Agriculture et du développement rural (MADR) et un Ministre délégué du développement rural (MDDR) fut nommé, lequel a procédé à l'élaboration de la stratégie de développement rural durable en 2004, qui visait à induire la revitalisation des espaces ruraux par le biais d'activités économiques et la valorisation des ressources naturelles et humaines, tout en tenant compte de la diversité des situations et des atouts et potentialités propres à chaque territoire.

Ces initiatives avaient également pour objectif l'instauration de nouvelles relations entre les acteurs publics et privés avec pour but d'encourager la participation et la responsabilisation élargies des populations et des services décentralisés.

La mise en œuvre de cette stratégie a consisté en premier lieu, à faire évoluer les approches multisectorielles vers une vision intégrée des programmes destinés au milieu rural tout en associant plus intensément les populations bénéficiaires et leurs représentants dans les différentes étapes d'identification, de conception, de mise en œuvre et de suivi de ces programmes. Elle s'est attelée par ailleurs à rassembler et à harmoniser un ensemble de moyens et de procédures existants en les adaptant et en les articulant au sein d'une réflexion axée sur le développement rural.

Les principaux instruments développés et mis en œuvre sont : (i) les Projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI) dont les modalités d'identification et de conception s'appuient sur une approche ascendante, participative, intégrée et territoriale ; (ii) la décentralisation administrative et la coordination des activités de développement rural au niveau wilaya et de l'Assemblée populaire de wilaya à travers une structure formellement établie.

b) . Mise en cohérence des politiques agricoles et rurales (Renouveau agricole et rural (2008/2014)

En juin 2008, on assista à la suppression du poste du Ministre Délégué au Développement Rural et la fusion de ses missions au Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural pour asseoir les bases d'une mise en cohérence des politiques de développement agricole et rural, traduisant l'harmonisation de leurs modalités d'exécution et la synergie de leur mise en œuvre. Ceci a par ailleurs été conforté par : i) l'adoption de la loi d'orientation agricole n° 08-16 du 3 août 2008 qui définit les « axes de développement durable de l'agriculture et du monde rural en général ».

Dès lors on adopte la politique de renouveau agricole et rural, la PRAR qui a réaffirmé l'objectif fondamental poursuivi par les politiques agricoles qui se sont succédées depuis 1962, à savoir le « renforcement durable de la sécurité alimentaire nationale tout en mettant l'accent sur la nécessité de transformer l'agriculture en véritable moteur de la croissance économique globale».

Ce défi passe inévitablement par la recherche de changements significatifs à moyen terme des bases structurelles à même d'assurer la sécurité alimentaire. La stratégie adoptée consiste à réduire les vulnérabilités, à développer les atouts grâce à une forte implication des différents acteurs privés et publics et à promouvoir l'émergence d'une nouvelle gouvernance de l'agriculture et des territoires ruraux.

Les axes stratégiques de mise en œuvre de la politique de renouveau agricole et rural visent le renforcement de la sécurité alimentaire nationale qui passe inévitablement par la recherche, à moyen terme, de changements et d'impacts significatifs sur les bases structurelles qui fondent l'état de sécurité alimentaire de la nation. Il s'agit ainsi de réduire les vulnérabilités dans le cadre d'un partenariat public-privé et grâce à une forte implication des différents acteurs et à l'émergence d'une nouvelle gouvernance de l'agriculture et des territoires ruraux.

Ladite politique s'est décliné en trois volets complémentaires constituants ses piliers:

? Le Renouveau Agricole: est le premier pilier de la PRAR qui se traduit en termes opérationnels, par trois grands types d'actions: i) le lancement de programmes d'intensification, de modernisation et d'intégration des filières de large consommation; ii) la mise en place d'un système de régulation (SYRPALAC) pour sécuriser et stabiliser l'offre de produits de large consommation et assurer la protection des revenus des agriculteurs et celles des consommateurs, à la fois et iii), la création d'un environnement incitatif sécurisant à travers la modernisation et l'adaptation du financement et des assurances agricoles;

? Le Renouveau rural constitue le second pilier. Il est construit sur la base d'une approche novatrice et un outil d'application du développement rural sur le terrain (les Projets de Proximité du Développement Rural Intégré, PPDRI). Il cible prioritairement les zones où les conditions de production sont les plus difficiles pour les agriculteurs et s'appuie sur cinq programmes: la protection des bassins versants; la gestion et la protection des patrimoines forestiers; la lutte contre la désertification; la protection des espaces naturels et des aires protégées et la mise en valeur des terres. Il fait aussi appel à une intervention intégrée et intersectorielle, au niveau de la base.

n Le programme de renforcement des capacités humaines et de l'appui technique (PRCHAT), étant le troisième pilier de la PRAR. Il s'agit d'un programme d'envergure nationale qui vise la modernisation des méthodes de gouvernance de l'agriculture, fondé sur un investissement plus conséquent dans la recherche, la formation et la vulgarisation, en vue de faciliter la mise au point de nouvelles technologies et leur transfert rapide en milieu producteur. C'est également un programme pour renforcer les capacités matérielles et humaines de toutes les institutions et organismes chargés de l'appui aux agriculteurs et aux opérateurs du secteur y compris les forets.

c). Consolidation de la politique agricole et rurale et dimension pêche et aquaculture (Plan d'action 2015/2019)

Depuis 2015, le programme quinquennal du secteur de l'agriculture, du développement rural et de la pêche (2015-2019) a été lancé, pour atteindre deux objectifs essentiels : 1) la substitution aux importations des produits de première nécessité et 2), le développement des capacités significatives à l'export dans le cadre de leurs diversifications.

Cette nouvelle vision est basée sur un nouveau modèle de croissance visant le i), recours à l'investissement privé, nationale et étranger, ii), l'émergence d'exploitations agricoles de taille critique, comme locomotive du développement ;iii) le développement soutenu des filières stratégiques ; iv) la substitution aux importations massives des produits agricoles et alimentaires (notamment céréales et lait) ; v), la diversification et construction de filières agroalimentaires dédiées à l'exportation ; et vi), le développement et réorientation du dispositif national de régulation, incitatif pour la production nationale.

Ce programme quinquennal s'est construit sur cinq axes. Il s'agit du maintien des efforts de renforcement et d'élargissement de la base productive, la poursuite de l'intensification des productions agricoles et agro-alimentaires, le renforcement des mécanismes de protection de la production nationale, l'intensification des actions de préservation et de valorisation des ressources naturelles et la poursuite du renforcement des capacités humaines et de l'appui technique.

En parallèle et pour l'histoire, des assises nationales de l'agriculture ont été organisées, en avril 2018, dont la finalité est de promouvoir le dialogue et la concertation entre divers acteurs de la sphère agricole et para-agricole pour entrevoir les moyens et les voies pour consolider les acquis et insuffler une dynamique pour une agriculture moderne et de pleine performance.

d). Plan d'action et feuille de route sectoriels pour la période (2020-2024)

En 2020, un plan d'action pour le quinquennat (2020/2024), avait été élaboré qui devrait permettre, selon de la déclaration de principe, le développement de l'agriculture en la considérant comme vecteur de diversification de la croissance et de réduction du déséquilibre de la balance commerciale des produits de base. Ledit plan s'articule autour des trois axes :1) la modernisation de l'agriculture ; 2), le développement de l'agriculture saharienne et 3), le développement de l'agriculture dans les zones steppiques et de montagnes. Sur la base du plan d'action, une feuille de route qui se veut être opérationnelle, a été élaborée par le secteur articulés en huit (8) axes, soit: :i) le développement de la production agricole, à travers l'extension des superficies irriguées; ii), l'accroissement de la production et de la productivité; iii), l'exploitation rationnelle du foncier agricole; iv), le développement des zones de montagnes; v), la préservation, le développement et la valorisation du patrimoine forestier ;vi), le développement en zones steppiques et agropastorales; vii) le développement et la valorisation des territoires sahariens et viii), l'intégration de la connaissance et de la numérisation dans les programmes et projets de développement engagés. Ces axes sont établis selon une certaine structuration en : i), un programme prioritaire pour une réalisation a très court terme et ii), un programme d'actions transversales et à caractère continu à moyen terme.

A suivre

*Agronome post-universitaire

Bibliographie :

1. Omar Bessaoud. La sécurité alimentaire en Algérie, Forum des Chefs d'Entreprises, tenu à Alger, le 19 juillet 2016.

2. Ibn Khaldûn (éd-1968). Al Muqqadima. Discours sur l'Histoire universelle. Ed.Sindbad. T2. Paris. p 826-827.

3. Rousseau, JJ., Le contrat social. Chapitre IX intitulé «des signes d'un bon gouvernement- où il écrit que «l'un est content quand l'argent circule, l'autre exige que le peuple ait du pain ».

4. Rapport du Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural, 2009.

5. Rapport de la Banque Mondiale : Revue des Politiques Agricoles et Services à l'Agriculture (1987-1993). Décembre 1993. (Rapport n°12534-AL).

6. MDDR. Stratégie de développement rural durable, 2002.

7. Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural (MADR) : le renouveau agricole et rural en marche. Revue et perspective. Mai 2012.



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