Après
plusieurs années d'attente consacrées à l'écriture et à l'édition, le livre
d'Ahmed Hifri, intitulé « Parcours d'un judoka » est
enfin sorti à la grande joie de l'auteur bien sûr, mais aussi à celle de la
grande famille sportive, en général, et des pratiquants de cette belle discipline,
en particulier, qui connaissent le parcours de cet authentique « Samouraï ». On
sait que Maître Ahmed Hifri a reçu récemment son
diplôme 8e dan de la Fédération internationale de judo, une juste
reconnaissance de ses grands mérites. Dans la préface, il est dit « qu'il a
convoqué sa mémoire, a laissé parler son cœur et décrit, avec moult précisions,
les innombrables itinéraires qui l'ont mené à travers les cinq continents. Et
c'est là qu'on a découvert cet homme qui a fait du judo un sacerdoce ».
Pratiquement, Hifri a eu l'opportunité de vivre
plusieurs « vies », ayant été, tour à tour, athlète de très haut niveau,
arbitre et expert mondialement reconnu. Le rêve du jeune Ahmed s'est réalisé
bien au-delà de ce qu'il avait imaginé. Si notre compte est bon, on peut dire
qu'il a pratiqué le judo durant un demi-siècle. Une telle longévité n'a pu être
possible que par la passion vouée pour ce sport où il n'est question que de
longues séances d'entraînement, de gestes techniques sans cesse répétés et de chutes
sur les tatamis, parfois même des blessures. Rien n'a rebuté le jeune Ahmed,
toujours en quête de progression pour atteindre le plus haut niveau possible.
La chance de sa vie, il l'a saisie en 1969 en donnant son accord à la
proposition du grand Maître Hashimoto, professeur à la fameuse université de Tenri, qui a décelé en lui le talent et les qualités pour
aller très loin dans cette discipline. C'est ainsi qu'il a été admis pour un
perfectionnement de deux années. Auparavant, il avait suivi un stage à la
célèbre université de Leipzig (RDA) où il a eu la désagréable surprise
d'apprendre que le judo n'était pas prévu pour cette année-là. Un autre
stagiaire serait retourné dans son pays. Pas Hifri
qui s'est inscrit pour le stage de? natation qu'il affectionnait
particulièrement. Son attachement au judo l'a poussé à s'inscrire dans le club
de l'université et à faire partie de la sélection universitaire qui allait
affronter l'équipe de Hongrie. Les résultats de ce stage sont éloquents : Hifri est retourné en Algérie avec le diplôme d'entraîneur
de natation avec mention, mais aussi le grade de 3e dan de la Fédération
allemande. Puis, ce fut la fameuse période à l'université de Tenri où Ahmed Hifri est passé
par de très dures épreuves où la nourriture était constituée essentiellement
par du riz et une tranche de baleine qu'il avalait à contrecœur pour ne pas
périr de faim. L'entraînement y est considéré comme le plus dur du monde, le
début commençant à 6h00 du matin. Il a été soumis à une cadence infernale jusqu'à
18h00 sous une discipline basée sur de nombreux combats. De son propre avis, ce
fut la période la plus éprouvante de sa vie. Il a voulu abandonner à deux
reprises, mais le Maître Hashimoto a su le convaincre de rester. C'est un autre
Hifri qui est retourné en Algérie. La reconnaissance
fut immédiate avec les nombreux postes occupés dans les instances continentales
et mondiales. La liste serait trop longue à dresser. Il suffit de préciser
qu'il a été sollicité par 60 pays des cinq continents pour évaluer sa renommée.
D'ailleurs, une chambre de son domicile sert de « musée » à ses innombrables
diplômes, trophées, coupes et médailles. Dans ce livre bien illustré par des
documents inédits et truffé d'anecdotes, les unes savoureuses, d'autres
émouvantes concernant sa vie privée ainsi que les handicapés dont les destinées
ont été transformées par le judo, Hifri laisse
transparaître une profonde imprégnation du mode de vie japonais et son extrême
sensibilité. « C'est dans ce pays que j'ai constaté les comportements les plus
proches de l'islam : honnêteté, politesse, droiture, propreté, modestie et
ouverture à l'autre. Ce peuple m'a marqué à tout jamais ». On se rend compte
que le judo pour lui a été plus qu'un sport et plus qu'un art. C'est une
philosophie, et son ouvrage vient combler un manque dans ce domaine. Pour tout
ce qu'il a apporté au judo et aux nombreuses distinctions qui ont honoré
l'Algérie, ce pionnier est allé puiser les secrets du judo aux sources mêmes de
cette discipline où ne survivent que les meilleurs. Maître Hifri
figure en haut de cette liste prestigieuse. Passionnant du début à la fin, ce
livre se lit d'un trait et revient sur les débuts de cette discipline à Oran
avec les Lacombe, Marono, Toroja,
Saïdi Mohamed, Meskine Hadj
Adda et feu Menia Hocine au faubourg Sidi El Houari.
Le dojo de l'Oranaise a été mis à sa disposition par le regretté Docteur Medjbeur, président de cette association, qui n'est autre
que la plus vieille structure sportive après celle de l'aviron à Oran.
L'auteur, en fin connaisseur, a évoqué aussi les grandes étapes du judo
algérien dans les compétitions internationales et ses principaux acteurs, y
compris la gent féminine. Enfin, on y retrouve une partie technique que les
profanes découvriront avec plaisir.