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Feux de forêts: Mises en garde des spécialistes

par R. N.

Des spécialistes, interrogés par l'APS, plaident pour la mise en œuvre d'un plan d'urgence pour stabiliser les sols des forêts avant la prochaine saison pluviale, notamment dans les régions montagneuses exposées au phénomène de l'érosion après les derniers incendies.

«Les incendies de forêts entraînent une destruction de la flore dont les racines aidaient à fixer le sol et éviter l'érosion. Avec l'arrivée des prochaines pluies, il n'est pas exclu d'assister à l'aggravation de ce phénomène de dégradation de nos sols», ont-ils expliqué.

A ce sujet, l'enseignant-chercheur dans le domaine de l'écologie et patrimoine forestier à l'Université des sciences et de la technologie Houari Boumediene (USTHB), Pr. Bensaid Sahraoui, recommande «la construction de murs en pierres sous formes de croissants pour bloquer la terre et éviter l'affaissement des sols, et de creuser des fossés permettant à l'eau de s'infiltrer».

M. Sahraoui a également évoqué le recours à l'établissement de «banquettes» pour retenir l'eau et diminuer l'énergie cinétique qui entraîne le mouvement des sols et l'érosion. «Ce sont des techniques qui ne sont pas coûteuses et que des riverains eux-mêmes peuvent prendre en charge. Il suffit juste de vulgariser ces systèmes anti-érosif pour aider à la protection des sols et des espaces forestiers», a soutenu l'universitaire.

De son côté, la sous-directrice chargée de la préservation et de la valorisation des écosystèmes montagneux, steppiques et désertiques auprès du ministère de l'Environnement, Hafida Moufida Lameche, a indiqué que «le sol en proie à diverses dégradations est impacté par les derniers feux de forêts. Avec les prochaines intempéries, nous assisterons notamment à l'envasement de nos barrages», a-t-elle alerté tout en plaidant pour un plan urgent afin de stopper l'érosion des sols.

Mme. Lameche a relevé en outre que «les incendies peuvent être bénéfiques pour la forêt s'ils surviennent tous les 10 à 15 ans». «Ils permettent la régénération naturelle. Les petits arbres peuvent produire des graines. Mais l'intensité de ces feux et leur reproduction chaque année produisent l'effet contraire», a-t-elle expliqué. «Ces feux répétés sont destructifs, car ils représentent un facteur clé dans l'appauvrissement de la diversité biologique des écosystèmes», a-t-elle ajouté.

Quant à la responsable chargée des changements climatiques auprès du ministère de l'Environnement, Fazia Dahleb, elle estime que «les risques de pluies diluviennes et d'inondations auraient des conséquences sur la nature notamment des glissements de terrain».

Le reboisement, sous certaines conditions

S'agissant du reboisement, le Pr. Bensaid a insisté sur l'importance de laisser la forêt touchée par un incendie de se régénérer naturellement pendant au moins une année.

Selon ce spécialiste, il n'y a pas lieu de s'empresser dans l'opération de reboisement après les derniers feux enregistrés. « Si une forêt ne s'est pas régénérée naturellement après une année depuis la survenance de l'incendie, à ce moment-là il faudrait procéder au reboisement. Et pour assurer la reconstitution de ce patrimoine naturel, il est préférable de planter l'espèce originale c'est-à-dire celle qui existait auparavant dans le même endroit «, a-t-il mentionné.

Pour ce qui est des vergers et des espaces cultivés par des agriculteurs, le Pr. Bensaid a estimé que la reconstitution peut être envisagée avec l'aide de l'Etat de manière à replanter des espèces intéressantes pour l'économie de la région tels que l'olivier, le caroubier et le figuier.

Pour rappel, les incendies enregistrés depuis le début de l'été ont ravagé plus de 8900 ha des forêts de Khenchela alors ceux déclarés dans les autres régions du pays ont touché près de 62 000 hectares. La wilaya de Tizi Ouzou est la plus touchée avec près de 30 000 hectares brûlés et ce dans 42 communes touchées dont près de 60% de la superficie incendiée est constituée de forêts.