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«Du savoir et de la résistance anticoloniale» (2ème partie)

par Boudjemâa Haïchour*

Hadj Ahmed Bey livra et remporta en 1836 sa première bataille à Constantine contre les troupes françaises commandées par le maréchal Clauzel. Un corps de 8 700 hommes arrive le 21 novembre 1836 devant Constantine. L'armée française entreprend deux assauts par le pont, qui échouent devant la porte d'EI-Kantara. Battant en retraite, poursuivis par les Algériens, les soldats français abandonnent sur le terrain armes, bagages et blessés. En 1837, l'état-major français décide de mener une seconde expédition, qui fut confiée au général comte de Damrémont. Celui-ci disposait de 20 400 hommes, dont 16 000 combattants, d'une artillerie importante commandée par le général Sylvain Charles Valée et d'un corps de génie.      

Le général Damrémont et le duc de Nemours dirigent les opérations. Mais un boulet atteint Damrémont, qui meurt. Il est remplacé par le général Valée.

Le 5 octobre, l'armée arrive à Constantine. Le 13 octobre, après une forte résistance, la ville finit par tomber entre les mains de l'ennemi qui subit toutefois de lourdes pertes : au terme de deux jours de combats, les Français, sous le commandement du lieutenant-colonel Lamoricière, pénètrent dans la ville par un endroit dénommé par la suite « place de la Brèche » (en référence à la brèche dans la défense de la ville).

Le Bey Ahmed doit s'enfuir (il continua le combat dans les Aurès jusqu'en 1848) et beaucoup de Constantinois périrent dans le ravin en tentant de fuir les assaillants, de longues cordes se rompant sous leur poids. Quand l'Algérie est départementalisée en 1848, Constantine devient le chef-lieu du département du même nom.

CONSTANTINE UNE MEDINA RICHE EN PATRIMOINE

La médina de Constantine est appelée le «Rocher» parce que construite sur un bloc calcaire. Elle est bâtie en dégradé depuis la Casbah jusqu'aux quartiers bas de la Souika. La vieille ville est ceinte de deux côtés par le canyon du Rhummel et du troisième par un escarpement. Des ponts et passerelles relient la médina au reste de l'agglomération.

Elle était défigurée pendant la période coloniale puis dégradée par la surpopulation et le manque d'entretien. La médina est aussi un riche patrimoine historique et architectural, à travers les toitures de tuiles rondes et rouges, ses vieilles mosquées, des demeures remarquables à patio des XVIe et XVIIe siècles, et le palais du Bey.

Elle a été classée en 1990 patrimoine national. Dans la plupart des villes maghrébines, la colonisation a créé une ville européenne juxtaposée à la médina.

À Constantine, le projet de ville nouvelle n'a pas abouti, les autorités coloniales ayant surimposé une trame moderne à la vieille ville. Le centre des affaires est resté alors solidement attaché à la médina : activités traditionnelles dans les rues anciennes et activités modernes dans les rues coloniales. De ce fait le Rocher est une des rares médinas maghrébines à avoir conservé sa fonction de centre-ville.

LES BAINS ANTIQUES DE CESAR

De nombreuses civilisations se sont succédé sur Constantine mais elles ont laissé peu de vestiges parce qu'en raison de la nature du site, les constructions se sont faites sur place, effaçant les précédentes. Mais on atteste des traces non négligeables de vestiges depuis l'Antiquité. Le site a été occupé dès la période préhistorique. De nombreux vestiges retrouvés tels que des sphéroïdes à facettes, découverts en 1945 sur le plateau de Mansourah, remontent au Paléolithique inférieur.

Des instruments de la période néolithique ont été découverts dans les grottes du Mouflon et de l'Ours. Constantine a également conservé de nombreuses peintures rupestres ainsi que des inscriptions libyques. Parmi les vestiges antiques, le site punique d'El Hofra, où l'on a trouvé près de mille stèles puniques déposées au musée de Cirta et au Louvre ; l'aqueduc romain sur le Rhumel et d'autres vestiges romains épars dans la ville. Les établissements thermaux de Sidi M'cid, situés avant le pont des chutes sont construits sur d'anciens thermes romains, les bains antiques de César existent toujours. Le rocher abrite de nombreuses sources thermales qui jaillissent de ce secteur.

Le palais Ahmed Bey est l'un des plus importants monuments historiques. Il a été construit de 1826 à 1835 par le Hadj Ahmed Bey, héros de la résistance anticoloniale dans l'Est algérien. La taille de l'édifice est de 5 600 m2. Le palais se distingue par son style mauresque baroque où apparaissent différentes influences de style européen et oriental. Lors de son pèlerinage à La Mecque, le Bey était séduit par l'architecture des villes qu'il traversa. Des céramiques polychromes qui ornent les murs du palais représentant plusieurs villes ainsi que des batailles de la régence d'Alger. Les bâtiments du palais s'organisent autour de trois jardins et de trois cours tandis que les appartements sont ouverts sur des galeries. Le Bey a également construit une aile réservée pour les femmes, un harem.

CONSTANTINE CITE DU RAYONNEMENT HISTORIQUE, SCIENTIFIQUE, CULTUREL ET THEOLOGIQUE

Parmi les autres vestiges islamiques, citons les mosquées dans la médina ainsi que des fortifications construites dans certains endroits avec des pierres romaines. On atteste notamment dans un mur de la Casbah une dédicace faite à l'empereur Constantin. Dans la ville moderne, le Théâtre régional de Constantine a été construit entre 1861 et 1883 dans un style d'opéra italien, à l'emplacement d'une ancienne caserne de janissaires. Ce bâtiment est le premier grand édifice construit par les Français. On y trouve aussi le Monument aux morts de Constantine, dédié aux soldats tombés pendant la Première Guerre mondiale.

Parmi les constructions récentes, la tour de 22 étages de l'université des frères Mentouri construite de 1969 à 1972 par l'architecte Oscar Niemeyer et la grande Mosquée Émir Abdelkader. Une arche naturelle d'une soixantaine de mètres de hauteur relie les deux rochers et forme un pont naturel creusé dans la roche par les torrents. Le pont géant le TransRhumel (Salah Beh) et le Zénith (Ahmed Bey) sont d'autres réalisations sans compter les deux grands campus universitaires de la nouvelle ville Ali Mendjeli, le Marioth, Novatel et Ibis, Hôtel Hocine Boulfkhad.

LES SOIXANTE AWLYAS SALIHINE ET SES SAINTS PATRONS DE SIDI RACHED A SIDI M'CID

Comme toute Medina, il existe des rituels liés à des awlyas salihines au nombre de soixante. Constantine comptait également une centaine de mosquées : la mosquée et médersa de Sidi El Kettani, construite par Salah Bey au XVIIIe siècle, est située près de la Casbah; la mosquée Sidi Lakhdar doit également sa construction à Salah Bey.

Plus de quatre-vingts «wali salah» ont créé toute ambiance de dévotion et de dhik'r que Constantine ville traditionnellement attachée aux «Awlyias Essalihines» (saints) vivait des moments de méditation, de poésie mystique et de prières. Selon les informations recueillies dans l'ouvrage d'Ernest Mercier, rappelées par notre ami Azzouz Benmaïza qui milite pour restaurer et réhabiliter la zaouïa Sidi Brahim Benmaïza à la rue Impériale et dont il n'a cessé d'adresser des doléances au plus haut niveau, il cite les zaouïas suivantes : zaouïa Benabderahmane, zaouïa Sidi Kemouche, celles de Sidi Souari, de Tidjanyia, de Sidi Benredouane au fondouk zeït, de Sidi Khérachfiine el Khouan Forgha Sidi Amar, Hansala Ennadjarine, rue Vieux, Sidi Bouanaba, Sidi Moulay Tayeb face rue Damr, Ouled Cheïkh Lefgoun Ras El Kharazin rue Combes et Rouaud mosquée dit Hamouda, Bendjelloul. Sidi Tlemçani, rue Constantine, occupée par les Sœurs Secours, Sidi Boumaza rue Perrégaux, Sidi Brahim Benmaïza rue Perrégaux Alexis Lambert, Sidi Brahim Benmaïza Dar Sidi Brahim rue Impériale dont la mosquée familiale se trouvait à zenkat Ahtchi Bakir (Faure Barou). D'après Chams Eddine, maître de conférences à la Polytechnique d'El Harrach, Constantine abritait environ cent mosquées et chapelles avant la conquête française en 1837, confirmant ainsi l'existence d'El Awlyias Salihines dans la Médina de Constantine. Parmi ceux-là on peut citer: Sidi Abdelhadi, Sidi Abdelkader, Sidi Abdellah, Sidi Abdelmalek (habous de la famille Bachtarzi), Sidi Abderahmane El Karaoui (Rahbat Al Djmal), Sidi Abderahmane, habous des Bachtarzi, Sidi Ali Benmakhlouf (bordj Assous tour romaine), Sidi Ali Kafsi, Sidi Ali Nadjar (famille Benkhellil), Sidi Ali Tendji, Sidi Amar Boukeleb, Sidi Amber, Sidi Ammk ben Meddah, Sidi Belghoul, Sidi Abdellah Bencherif (famille Belhadj Mostefa), Sidi Belounas, Sidi Benour, Sidi Bensbaïni, Sidi Bezar, Sidi Bouanaba (lieu hammam Soltane), Sidi Boukhadra, Sidi Bouladjbel.

ZAOUÏAS EN ATTENTE DE RENOVATION ET L'EFFORT DE RESTAURATION

Sidi Boumaaza (cheikh Sidi Aïssa el Ouichaoui, 1574 Expropriée pour utilité publique en 1873, Sidi Boumedjel, Sidi Bounab, Sidi Bouraghda, Sidi Brahim Boumaïza (habous de la famille Boumaïza 1750 à 1803 ou 1848 à 1875), Sidi Brahim Al Rachedi Sidi Deblen, Sidi El Djelis, Sidi El Beid, Sidi El Houari, Sidi El Katani (tombeau de Salah Bey), Sidi El Kebir, Sidi El Recim, Sidi Ferdoun, Sidi Feth Allah, Sidi Fliou, Sidi Fouad Driba, Sidi Gsouma (famille des Hchaïchias), Sidi Hafane, Sidi Hati (Coudiat), Sidi Hassouna, Sidi Hidare, Sidi Hrar El Ferdj, Sidi Kaïs, Sidi Kasba, Sidi Kemouche (famille des Benbadis habous), Sidi Khlifa (famille des Bencheïkh el Hocine, Sidi Khellil, Sidi Krouma, Sidi Lakhdar, Sidi Mabrouk (famille des Benkartoussa), Sidi Mokhfi (famille 09/11/2018 Contribution :

Constantine ville de la dévotion et des Awlyias Salihines : Sidi Mahrouf, Sidi Makhlouf (Souk El Ghzel), Sidi Maïmoun, (Rsif famille Merdaci), Sidi Mhamed el Ghrab (famille Bendjelloul), Sidi Mofredj, Sidi Mohamed Azouani, Sidi Moncef. Sidi Mcid, Sidi Narrache, Sidi Nemdil (famille Bencheïkh Lefgoun), Sidi Oumdada, Sidi Ourtada, Sidi Rached, Sidi Ramah, Sidi Racedi, Sidi Safar, Sidi Slimane (famille Mejdoub Benkachkache), Sidi Yahia Sidi Yahia Farcili, Sidi Yasmine (exproprié pour utilité publique en 1873 rue Thiers), Sayda Hafsa, El Bey, El Djouiza, Hansala, Qobete el Bachir, Rebaïne Chérif (famille Bouabdellah Cherif), Souk el Ghzel, Tidjanie 1 et 2. Lalla Fraydja source vénérée à côté de la piscine de Sidi Mcid, Sidi Fezzane (Remblais), Sidi Souari (famille Bendjelloul), Sidi Tlemçani et les confréries de la Rahmanyya (famille Bachtarzi), celle des Benaïssa (famille des Benazzouz), celle des Hansala (famille des Abdelmoumen), celle de la Tidjanya (famille des Benaamoun), celle de la Tayyibia (famille Bencheraït et Benmaïza).

A suivre

*Dr et Chercheur Universitaire