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Une fête pas comme les autres: Un Aïd au temps du coronavirus       

par Houari Barti

Le premier jour de la fête de l'Aïd El Adha de cette année 2020 a coïncidé avec un vendredi, premier jour du week-end et journée spéciale de prières et de recueillements pour tous les musulmans. Mais ce n'est, hélas, pas la seule particularité de la fête de cette année. Les Algériens l'ont célébrée, comme beaucoup de leurs coreligionnaires, avec la peur et les craintes que suscite la pandémie mondiale de coronavirus, et parfois non sans une pensée pour les êtres chers que cette maladie a ravis à la vie depuis la déclaration des premiers cas en mars dernier.

Les grands portails des mosquées sont restés tristement clos ce vendredi 31 juillet. Pas de prière de l'Aïd, ni celle du vendredi. Seules les voix des muézins fusant tôt le matin dans les airs avec leurs incantations pouvaient indiquer que c'est bel et bien l'Aïd. Beaucoup d'Algériens pour des raisons diverses ont préféré faire l'impasse sur cette fête du sacrifice. Certains pour des raisons financières évidentes, induites par la crise économique générale et les restrictions imposées aux ménages par la pandémie. D'autres, juste parce que «le cœur n'y est pas», ou par crainte de contracter la maladie lors du sacrifice.

Pour Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection du consommateur (APOCE), qui s'est exprimé jeudi sur les ondes de la chaîne une de la Radio nationale, les prix des moutons ont connu cette année des hausses injustifiées à cause des spéculateurs mais aussi sous l'effet de la pandémie et des conséquences qu'elle a imposées, notamment, en matière de restrictions des transports inter-wilayas qui n'ont pas épargné le transport du bétail.

Cette flambée des prix peut ainsi expliquer le fait qu'un bon nombre d'Algériens aux revenus modestes ont dû faire l'impasse sur le mouton de l'Aïd cette année. Mais, de toute évidence, cela n'explique pas tout. D'autres Algériens, et ils sont aussi nombreux, ont été très sensibles aux alertes lancées dernièrement par des médecins et autres scientifiques qui ont mis en avant les risques épidémiologiques qui peuvent être induits par les regroupements familiaux et une observation du rite du sacrifice sans que les conditions d'hygiène ne soient réunies. Même le comité de la fetwa du ministère des Affaires religieuses n'a pas omis d'appeler les fidèles à la vigilance maximale à l'occasion de cette fête du sacrifice, rappelant au passage le caractère de «sunna» de ce rite.

Une sunna qu'ont tenu à observer d'autres Algériens en adoptant toutefois, et exceptionnellement cette année, certaines mesures de précaution peu habituelles.

A Oran, par exemple, certains chefs de famille ont eu la judicieuse idée d'acheter leur mouton auprès des fermes situées à la périphérie de la ville qui proposaient, en plus de la vente, les services d'abattage et de dépeçage des bêtes. Les clients pouvaient donc ramener leurs moutons, le jour de l'Aïd, prêts à être consommés.

D'autres chefs de ménage ont carrément opté pour l'option du boucher du quartier pour s'approvisionner en viande rouge dès mercredi, dernier jour d'abattage dans les abattoirs municipaux avant l'Aïd. Une option certes idéale, en matière d'hygiène, mais qui reste quand même dépourvue de tout le charme de l'Aïd et son rituel du sacrifice. Mais au temps du coronavirus, peut-on encore parler de charme d'une fête sans partage et sans visite familiale ?