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Pharmacopée au temps du Covid-19

par Abdelkrim Zerzouri

Doit-on se méfier des plantes médicinales pour traiter le coronavirus ? Le recours à la médecine traditionnelle est bien ancré dans les pratiques d'automédication chez les Algériens, dans le même esprit des populations africaines, qui se rendent souvent chez l'herboriste du coin pour traiter toutes sortes de maladies, allant des maladies chroniques au rhume bénin. Et la pandémie du nouveau coronavirus n'a fait que développer cet intérêt pour des remèdes naturels capables de renforcer le système immunitaire ou soigner des pathologies virales comme la grippe saisonnière. Face à une véritable ruée de malades ou leurs proches à la recherche du remède miraculeux chez les herboristes, certains scientifiques ne manquent pas de mettre en garde contre les dangers de l'utilisation abusive de ces plantes médicinales, en raison des risques de complication sur la santé d'une part, et d'autre part ces scientifiques affirment que ces plantes qui peuvent s'avérer efficaces contre une grippe saisonnière sont sans effet sur le nouveau coronavirus. Et, il y a plus dangereux encore qu'on omet de signaler, le dosage mal opéré des potions par certains pseudo-herboristes, qui peut provoquer de graves conséquences sur la

santé des malades. Les autorités ont bien lancé, ces dernières années, une opération d'assainissement de la filière des herboristes, mais il en reste toujours des apprentis sorciers qui s'intéressent au gain facile auprès de patients en détresse morale qui, n'ayant pas trouvé remède à leur maladie dans les officines pharmaceutiques, tombent fatalement dans ce refuge psychologique des plantes médicinales. Ces derniers feront fi de toute mise en garde de ces scientifiques qui ne leur proposent aucune échappatoire dans la pharmacopée scientifique.

Et, par ces temps de Covid-19, tout ce qui renforce l'immunité, un terme devenu très à la mode, est à prendre tout cru. Ainsi, malgré les mises en garde des scientifiques, rien n'y fait, les citoyens sont toujours aussi nombreux à chercher des plantes ou des mixtures efficaces pour le renforcement du système immunitaire en prévention contre le coronavirus. Il faut relever dans ce cadre que, jugeant l'intérêt croissant pour la médecine traditionnelle en tant que traitement potentiel contre le Covid-19 en Afrique, l'OMS a participé au lancement, la semaine écoulée, en collaboration avec les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), d'un Comité consultatif d'experts chargé de fournir un soutien et des conseils scientifiques indépendants aux pays sur la sécurité, l'efficacité et la qualité des thérapies de médecine traditionnelle, face au Covid-19. Et, au moment où d'autres cherchent à mettre au point un vaccin contre le Covid-19, des essais cliniques de médicaments traditionnels sont appuyés par un Comité régional d'experts. C'est dire que l'exploitation des vertus des plantes médicinales dans la lutte contre le nouveau coronavirus n'est pas totalement écartée par les scientifiques.

Comment alors en vouloir à des malades qui chercheraient à apaiser leur souffrance en recourant à cette pharmacopée traditionnelle ? Bien sûr, il serait important de souligner dans ce contexte que l'automédication s'est accentuée ces dernières semaines et les citoyens ont opéré une véritable razzia dans les officines pharmaceutiques, épuisant littéralement tous les stocks de la vitamine C et du zinc, deux compléments aux vertus immunisantes. Si seulement cette recherche désespérée de l'immunité se traduirait également en discipline de fer, en respect strict des gestes barrières, afin d'éviter la transmission de l'infection aux gens qui n'ont pas les moyens de se faire une immunité, ou qui n'y ont pas pensé, en passant par le pharmacien ou l'herboriste.