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Révision de la Constitution: Le projet de la commission Laraba remis à Tebboune dans 15 jours

par Ghania Oukazi

  La commission Laraba remettra dans quinze jours au président de la République sa copie de révision de la Constitution et l'enverra à partir du 1er avril à tous les acteurs politiques et représentants de la société civile.

Ces délais ont été précisés par le chargé de mission auprès de la présidence de la République, Mohamed Laagab, dans une conférence-débat tenue hier à l'Université d'Alger III en présence d'enseignants et d'étudiants. Laagab assure que la nouvelle Constitution reposera «sur les principes universels d'Etat de droit, de justice sociale (...)» et promet qu' «elle sera plus explicite et lèvera les ambiguïtés contenues dans les dispositions dont l'application pourrait poser problème comme par exemple l'article 102 et sa faisabilité juridique réelle (...)». Il estime que «l'université doit participer à la révision de la Constitution parce que c'est une affaire d'élite (...)». Il demande «aux enseignants universitaires d'en encadrer les débats au sein de la société parce que les affaires constitutionnelles ne sont pas à la portée des citoyens». Il pense qu'il faudra alors «leur expliquer les propositions d'amendements qui sont faites et leur clarifier des notions comme la séparation des pouvoirs, la relation entre le président et le 1er ministre, l'indépendance de la justice à 100% et qui évaluera le juge(...)».

Le chargé de mission auprès de la présidence de la République notera qu'entre 500 et 700 copies du projet proposé par la commission Laraba seront «dès le 1er avril prochain distribuées pour enrichissement, aux 65 partis politiques agréés sans distinction et sans exclusion aucune d'aucun d'entre eux, aux 500 associations de la société civile, aux 10 associations estudiantines, à tous les syndicats (il y en a de nouveaux qui viennent d'être agréés) en plus de la publication dans la presse et sur les réseaux sociaux par les universitaires». Les débats autour du projet dureront, selon lui, 30 jours. Projet qui sera après enrichissement «public» retourné aux experts pour le mettre au propre et le faire descendre au Parlement pour adoption. «Une fois toutes ces étapes franchies, le texte sera soumis à un référendum populaire», rappelle-t-il encore.

Quand l'Etat s'efface devant l'arrogance

Laagab pointera du doigt «la guerre psychologique» menée contre l'Algérie et les efforts qu'elle déploie pour le règlement de la crise en Libye et au Mali. «L'Algérie est ciblée par des attaques contre ses idées, ou les personnes qui les expriment sinon contre leur environnement», a-t-il précisé tout en paraphrasant Benbadis lorsqu'il a dit que «si la France me demande de prononcer la chahada, je refuserai».

Laagab tente ainsi de convaincre de l'importance d'une Constitution que Abdelmadjid Tebboune tient à réviser pour la construction d'«une Nouvelle Algérie forte, sans corruption et sans haine».

Du point de vue de la sémantique, le discours officiel est clair et accessible. Il ne diffère pas, faut-il le noter, de tous ceux distillés pendant de longues années par l'ensemble des décideurs qui se sont succédé «à la barre» du pays. Reste que dans les faits, il est loin de provoquer le moindre changement pour «une Algérie Nouvelle». La haine, l'arrogance et autres pratiques de laisser-aller et de corruption continuent de miner l'administration publique et de marquer les comportements officiels. Dans le saut qu'il a fait lundi dernier à Hassi Messaoud, le 1er ministre n'a pas pris langue avec les travailleurs contractuels de la maintenance de Sonatrach qui l'attendaient pour dénoncer «la hogra, la marginalisation, l'arrogance et les fausses promesses». Leur priorité est d'être intégrés en tant que permanents.

Arrogant, Abdelaziz Djerad et ses ministres l'ont été en évitant en tant que représentants de l'Etat de rencontrer les manifestants, de surcroît le jour de la célébration du double anniversaire du 24 février (création de l'UGTA et nationalisation des hydrocarbures). S'il a accordé «un mois» aux walis pour recenser les priorités de leurs collectivités et se lancer dans leur réalisation, il s'est détourné de la toute première qui lui a été exprimée en direct à Hassi Messaoud. L'on se demande d'ailleurs pourquoi réunir tous les walis à Alger et perdre ainsi du temps, de l'argent et des énergies dans des palabres bien connues de tous. Des centaines d'audits et de diagnostics ont été faits par de nombreuses institutions mais sans suite. Les rapports du CNES (Conseil national économique et social) sont toujours dans les tiroirs alors qu'ils sont d'actualité.

De nouvelles pertes de temps et d'argent

D'ailleurs, ni la présidence de la République ni le gouvernement n'ont pris la peine d'inviter ce Conseil aux travaux de la première réunion gouvernement-walis sous l'ère Tebboune. CNES qui reste sans président depuis le décès il y a plus de trois ans de Mohamed-Seghir Babes alors qu'il est cité par le président de la République pour être une tribune de réflexion et de propositions. Pour gagner du temps et de l'argent, Djerad devrait se référer à toutes les analyses élaborées sur la crise nationale sur toutes ses facettes pour en saisir les priorités. Ses plans sectoriels gagneraient à concerner en même temps des régions où des wilayas fédèrent leurs services publics et leurs productions toutes catégories confondues pour construire des complémentarités soutenant une véritable régionalisation économique et sociale du pays. La priorité devrait revenir aux 800 communes sur les 1541 existantes désignées comme «pauvres» par le président de la République. Ce qui pourrait permettre d'établir un premier listing des problèmes urgents au niveau national pour le règlement desquels un budget tiré des 100 milliards DA avancés par Tebboune devra être tout de suite débloqué. D'autant que l'annone d'une telle somme vient contredire les discours officiels criant à la crise économique et à la diminution drastique des ressources financières publiques. Ceci, même si Tebboune ne dit pas dans quelle caisse il va la puiser...

Ce qui est évident, beaucoup de problèmes peuvent être résolus par l'effet de la rigueur de l'Etat qui manque terriblement au niveau de l'administration publique. Pour avoir été ministre de l'Habitat pendant plusieurs années, Tebboune doit savoir que les OPGI cumulent à leur niveau des millions de dossiers de cession des logements sociaux sans leur donner de suite. Leurs responsables s'amusent à faire recevoir les citoyens par leurs agents deux matinées par semaine de trois heures chacune (lundi et jeudi de 8h30 à 11h30). Une vraie aberration au regard du nombre effarant de demandes d'acquisition et aussi de besoins de l'Etat en argent frais.

Les entités publiques de l'Habitat ainsi que les domaines excellent en matière de perte de temps et de dossiers en faisant traîner leur traitement sur plusieurs années.

Comment atteindre le médiateur de la République ?

De nombreux citoyens se demandent par ailleurs pourquoi les seuls éligibles au logement social sont ceux qui perçoivent un salaire de 24.000 DA et moins. «Un salaire de 40.000 DA ne nous permet pas de payer un logement AADL quand on a six enfants», se plaignaient des travailleurs à Hassi Messaoud. Ils veulent aussi savoir si l'engagement de Tebboune de supprimer l'IRG aux salaires de 30.000 DA et moins se fera sur un salaire net ou brut. «Si c'est sur le brut, on ne gagnera que des miettes», disent-ils. Autre fait flagrant de mauvaise gestion, les coupures d'eau de 16h à 6h du matin (du 23 au 27 février) dans 39 communes de la wilaya d'Alger pour cause de réparation de grosses fuites dans les grandes canalisations. La Seal a fait savoir que ces fuites provoquent la perte de 6 millions de litres d'eau par jour. «Si la société fait part de plusieurs fuites c'est que les pertes d'eau durent depuis longtemps, ce qui est terrible», estiment des observateurs.

L'administration algérienne continue de se faire commander par des agents de sécurité ou des secrétaires qui excellent à rabrouer les citoyens qui s'adressent à eux. Les pratiques bureaucratiques désastreuses semblent se pérenniser en l'absence de sanctions et de voies de recours de proximité.

L'installation le 17 février dernier par le président de la République d'un médiateur de la République devrait pourtant en être la première et la plus crédible. «Tout citoyen qui s'estime lésé dans ses droits, pourra saisir le médiateur de la République qui aura aussi pour mission d'orienter vers les autorités compétentes toute personne qui portera des faits à sa connaissance», a fait savoir Karim Younès le jour de son installation en tant que tel. Il a manqué de dire l'essentiel, que doit faire le citoyen pour l'atteindre, par courrier électronique, par poste, sur rendez-vous. L'on ne saura rien pour l'instant, même pas si cette représentation sera dupliquée au niveau de toutes les wilayas comme par le passé.