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«City Leaks», la traque des fuites d'eau

par Abdelkrim Zerzouri

Par ces temps de stress hydrique, le dossier des fuites d'eau potable (eaux de barrages, eaux souterraines ou eau de mer dessalée) devrait prendre une dimension d'urgence nationale. Officiellement, depuis plusieurs années, les autorités ont toujours accordé une grande importance à la rénovation des réseaux d'AEP, consentant dans ce sens d'importantes enveloppes financières pour ces projets, qui ont fait appel à des partenaires étrangers, à Alger, Constantine et Oran, mais le résultat n'y est pas. Pour des raisons qui restent à élucider, des sommes faramineuses en devises ont été déboursées sans atteindre l'objectif recherché ! Un milliard de m³ d'eau (30%) est perdu en Algérie du fait de gaspillage et de fuites qu'enregistre le réseau de distribution, selon les enquêtes de terrain réalisées, en 2018, par les services du département des Ressources en eau, qui ambitionnent de ramener le taux de fuites à un seuil acceptable qui se situerait entre 18 et 20% à l'horizon 2030. Une prouesse qui coûterait la bagatelle de 5 à 10 milliards de DA par an, selon un plan de financement établi par l'ADE.

Le ministre des Ressources en eau, Arezki Berraki, qui a avoué lors d'une récente rencontre nationale des cadres centraux et locaux du secteur et des directeurs des entreprises en charge du service public des eaux que les fuites enregistrées dans les villes engendraient la perte d'importantes quantités d'eau potable, semble avoir pris la mesure d'une intervention urgente sur ce chapitre. Il insistera dans ce contexte sur l'impératif de lutter «sans relâche» contre le phénomène en question pour réduire le taux de ces fuites d'eau de 7% avant fin 2020. Est-ce possible ? C'est ce que ses prédécesseurs ont tenté de faire, réduire le taux des fuites d'eau sans y parvenir, bien sûr, puisqu'il se retrouve aujourd'hui en présence d'un réseau pour le moins qu'on puisse dire «poreux». En matière d'innovation pour réduire ces fuites d'eau, l'actuel ministre se tourne vers l'utilisation des nouvelles technologies et l'association des citoyens dans le service public, en lançant dans ce cadre une nouvelle application mobile «City Leaks», qui sera fonctionnelle dans une quinzaine de jours. Grâce à cette application, le citoyen peut déclarer toute fuite d'eau dans n'importe quelle région du pays, en envoyant une photo par Internet. Et les équipes d'intervention les plus proches des lieux se déplaceront pour réparer immédiatement la fuite, a expliqué le ministre.

Simple et efficace, à première vue. A première vue, seulement, car les citoyens n'ont jamais manqué de signaler aux services concernés les fuites d'eau au niveau des cités, par le biais du numéro vert ou directement par dépôt de requête au niveau des administrations, sans pour autant inciter ces services à réparer avec célérité les défaillances sur le réseau. Le nouveau, peut-être, c'est cette option offerte par l'application «City Leaks», qui permet le suivi des opérations de réparation des fuites déclarées. Mais, pour autant, cela ne veut pas dire que la solution est garantie. Car le problème réside ailleurs. La défaillance est à chercher du côté de ces entreprises, sous-traitantes, incompétentes, chargées du renouvellement des réseaux AEP qui s'éclatent au premier lâcher d'eau !? La maîtrise des fuites d'eau, en sus de la nécessaire rénovation du réseau par des entreprises compétentes, doit également passer par une meilleure gestion des pressions, car une forte pression est souvent à l'origine de l'éclatement des réseaux, ainsi que par un descriptif détaillé des réseaux de distribution d'eau potable (qui fait souvent défaut au niveau des administrations), l'utilisation d'un matériel adéquat pour le creusement en milieu urbain et la réparation technique efficiente par des équipes spécialisées. En somme, il faut s'y mettre sérieusement et, surtout, veiller à ce que chaque dinar investi nous fasse gagner une goutte d'eau.