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El-Bayadh: Eleveurs et petits fellahs dans la tourmente

par Hadj Mostefaoui

  Depuis le début de cette année, pas une goutte de pluie n'a arrosé l'ensemble des hautes plaines steppiques. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les fortes gelées nocturnes ont donné le coup de grâce au peu de végétation rabougrie qui a résisté à la sécheresse. Le barrage de Larouya, qui emmagasinait, bon an mal an, quelque 100 millions de mètres cubes d'eau, a atteint son étiage, faisant craindre le pire, avec seulement 20.000 m³ d'eau en réserve. Conséquence, les exploitations agricoles de la commune de Brezina sont privées du précieux liquide. De même pour l'élevage de la carpe qui périclite dangereusement dans ce vaste plan d'eau.

Face à cette situation exceptionnelle, éleveurs et petits fellahs ont décidé d'opter pour des mesures draconiennes allant pour les premiers jusqu'à vider leur bas de laine pour s'approvisionner en aliment du bétail et pour les seconds à ranger la charrue ou les socs dans le hangars et le semences dans le grenier, en attendant l'apparition d'une ondée salvatrice. La situation est des plus critique pour le monde rural et rappelle la triste période de disette du début des années soixante-dix. Les éleveurs de la région ont été ruinés et les parcours rasés jusqu'à la racine. Une sécheresse qui fait le bonheur des spéculateurs qui décident du prix du sac d'aliment du bétail obtenu. Le sac de 80 kilogrammes est vendu à plus de 4.000 DA. Sachant que chaque tête consomme au moins 500 grammes par jour d'orge ou de mais concassé, et avec plus d'une centaine de têtes comme seul et unique capital, l'éleveur s'arrache les cheveux. De nombreux nomades et éleveurs, croisés dans les trois principaux marchés hebdomadaires aux bestiaux de la wilaya, accusent la maffia de l'aliment du bétail qui fixe les prix. La situation est intenable pour ces milliers de propriétaires de bétail ovin. Les pouvoirs publics doivent intervenir énergiquement et sans attendre pour réguler le marché de l'aliment du bétail et sauver ce qui peut l'être avant qu'il ne soit trop tard pour les éleveurs et enfin autoriser le forage de puits aux petits fellahs en leur octroyant les moyens de pompage électriques.

La réorganisation agro-pastorale du monde rural est plus que jamais impérieuse pour faire de ce créneau un véritable levier pour l'économie locale, deux activités qui font vivre une population de plus de 120.000 âmes.

L'acquisition de l'aliment du bétail auprès du fournisseur public, les frais de transport exorbitants, l'éloignement des centres urbains et les dures conditions de vie des éleveurs risqueraient de provoquer, comme durant la saison 1972/73, un exode rural sans précédent vers les grandes villes avec toutes les conséquences qui en découleraient.