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Parc immobilier: Experts fonciers et notaires plaident pour le retour des syndics

par Mokhtaria Bensaâd

  Géomètres experts fonciers et notaires tirent la sonnette d'alarme concernant le parc immobilier ancien et nouveau, livré à l'abandon en l'absence de syndics de copropriété. C'est lors de la journée d'étude, hier, à l'hôtel El Mouahiddine sur «la copropriété et les mécanismes d'application de l'arrêté d'application 14/99 du 4 mars 2014», organisée par le conseil régional de l'ordre des géomètres experts fonciers d'Oran, que ces spécialistes dans le domaine ont mis en garde contre la non application des textes de loi régissant la copropriété et les risques de se retrouver avec un parc immobilier récemment construit mais totalement délabré en l'absence d'entretien et de maintenance qui doivent être assurés par un administrateur de biens. En clair, les géomètres experts fonciers et les notaires demandent le retour des syndics afin de préserver le parc immobilier et mettre fin à l'anarchie qui règne. Il est impératif, estiment les participants à cette journée d'étude, de relancer la loi régissant la copropriété qui exige la désignation d'un syndic même si les copropriétaires refusent.

Cette journée d'étude a été également l'occasion pour ces professionnels d'attirer l'attention sur le vide juridique existant dans la loi régissant la copropriété et l'absence de coordination entre les différents intervenants dans ce domaine dont le promoteur, l'architecte, le géomètre expert, le notaire et le conservateur foncier. Chacun intervient à sa façon pour établir un modèle descriptif du bien selon sa lecture de cette loi, alors que ce modèle doit être unique et standard.

Concernant la désignation du syndic, à l'exception de quelques cas exceptionnels d'immeubles ou de groupes d'habitations qui sont gérés par ces administrateurs de biens, les nouvelles cités et même les biens hérités de l'époque coloniale sont actuellement livrés à eux-mêmes, selon les géomètres experts et les notaires présents à la rencontre. La cause ? Les textes de loi, bien qu'existants, ne sont pas appliqués sur le terrain. «La culture de la vie en collectivité et en copropriété n'est pas très répandue dans notre société», nous dira l'expert géomètre de Sidi Bel-Abbès et ex-président du conseil régional des géomètres experts de cette même wilaya, Jrifile Boucif.

Pour cet expert, «la copropriété n'a plus de valeur dans notre pays». Il a expliqué que «en raison de la non application de la loi régissant la copropriété, des immeubles entiers vont subir le même sort que les anciens immeubles de l'époque coloniale. Actuellement, le promoteur réalise des projets de logements et sur la base d'un état descriptif des appartements et des locaux, établi par le notaire, ils seront vendus. Une fois la vente achevée, qui doit gérer ce bien ? Et bien, l'arrêté 14/99 du 4 mars 2014 donne droit au promoteur de gérer ces biens pendant deux ans avant de céder la gestion au syndic». Or, malgré l'existence de cette loi, sur le terrain, son application n'est pas visible, souligne notre interlocuteur qui insiste sur l'importance d'une coordination entre le promoteur, l'architecte, le géomètre expert, le notaire et le conservateur foncier et d'établir un modèle unique règlementaire pour tous les intervenants.

Pour sa part, le notaire Bereda Rachid de Sidi Bel-Abbès et ancien président de la chambre nationale des notaires explique qu'il existe «une panoplie de textes de loi sur la copropriété. Ces textes sont inspirés de textes français de 1965 et qui n'ont été abrogés qu'une seule fois avec un seul texte d'application. Ce sont donc des textes de loi qui ne répondent plus aux exigences de l'heure». Il dira concernant l'absence de coordination entre les différents intervenants dans la copropriété, «en tant que notaires, nous sommes le plus grand consommateur de formulaires, nous recevons les documents préparés par les géomètres pour les publier. Nous ne sommes pas des techniciens, nous sommes des juristes. Quand on rédige l'acte qui comprend deux documents l'état descriptif et le règlement de copropriété, il fait objet d'un rejet du fait que ce document comprend des données matérielles et des données juridiques différentes d'un intervenant à un autre. Sur le plan juridique on peut intervenir, mais sur le plan technique, on ne peut pas. Ce qui fait cette différence est la lecture des textes de loi. Il y a donc un vide juridique». Il ajoute que «le dernier arrêté, le 14/99, parle du règlement de la copropriété mais il n'a pas détaillé le fascicule de division de la copropriété qui peut avoir un aspect de répercussion sur la propriété privée et les parties communes». Pour ce notaire, le but de l'organisation de cette journée est d'unifier la vision sur la copropriété, d'exiger la révision des lois avec l'implication des spécialistes dans le domaine et la désignation de syndics pour gérer ces biens et aussi l'application stricte de la règlementation afin d'éviter la détérioration du parc immobilier pour lequel l'Etat a dépensé des sommes colossales pour le réaliser en plus des opérations de réhabilitation des immeubles de l'époque coloniale qui sont effectuées et qui demandent un effort financier important.