Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Cancer: Plaidoyer pour une meilleure prise en charge des enfants malades

par M. Aziza

  Si dans les pays développés, les chercheurs soutenus par les autorités tentent de trouver des solutions pour mieux traiter les cancers pédiatriques, en essayant d'identifier les facteurs génétiques qui favorisent le développement ou l'apparition de récidives, ce n'est pas le cas pour notre pays. Nos onco-pédiatres se «battent» pour l'acquisition des structures spécialisées «d'accueil» dédiées aux enfants atteints de cancer.

C'est d'ailleurs le cri de détresse qui a été lancé par le professeur Anissa Trabzi, pédiatre-oncologue au CPMC, déplorant le fait que 3 à 4 enfants occupent régulièrement un seul lit, compliquant ainsi la prise en charge. Contrairement à l'adulte, l'enfant doit être hospitalisé en compagnie de sa maman. Sans parler du déficit en personnel paramédical spécialisé. «Nous avons frappé à toutes les portes. Moi personnellement j'ai saisi l'ensemble des responsables du ministre de la Santé un par un, et ce depuis plusieurs années, pour la création d'une unité ou un service d'onco-pédiatrie, mais en vain. Sachant que nous recevons des enfants malades de tout le pays et nous ne pouvons pas les renvoyer même si on a un déficit de place».

Le Pr a affirmé que l'administration, plutôt la tutelle, avait créé un service d'oncologie pédiatrique en août 2014 sur la base d'un arrêté ministériel à l'hôpital Mustapha Pacha, mais il n'est toujours pas fonctionnel faute de personnel, notamment paramédical et de lits supplémentaires. Celui de Beni Messous qui devait fonctionner est mis aux oubliettes. Le seul service d'oncologie pédiatrique qui existe c'est celui du CHU d'Oran, déplore-t-elle. Elle explique que pour l'administration les pédiatres doivent tout faire. Mais, précise-t-elle, «le cancer est une maladie lourde, il lui faut des services et un personnel spécialisé». La proportion d'enfants qui meurent faute de bonne prise en charge et à temps d'un cancer dans les pays comme le notre «est inacceptable» quand on sait que l'on peut atteindre (comme taux de survie environ 80% dans les pays riches) et avec un taux de guérison à 100 % pour certains cancers. Le Pr a indiqué que le traitement du cancer chez l'enfant repose sur des protocoles très pointus et très spécifiques pour l'obtention de résultat. Autrement dit, le pédiatre généraliste ne peut pas prendre en charge l'enfant atteint de cancer comme il se doit pour le guérir faute de formation et de spécialisation. Il faut un service spécialisé avec un personnel formé en oncologie pour faire des choses de pointe. Alors qu'en Algérie, on n'arrive pas à admettre qu'il faut des services d'oncologie pédiatrique, déplore-t-elle. Elle regrette le fait que notre pays n'arrive pas à enregistrer de meilleurs résultats comme les pays européens, pourtant «nous disposons de services radiologie, des traitements, de l'anapath qui aide dans le diagnostic», sachant en outre que «la chromothérapie et les molécules pour l'enfant c'est pas cher, elles sont basiques et pas du tout coûteuses». «Parfois, malheureusement, il y a des ruptures alors que dans le traitement du cancer, il ne faut surtout pas qu'il y ait des ruptures», dénonce-t-elle. Mme Trabzi est allée dans les détails expliquer que si l'enfant arrive dans une structure spécialisée, et s'il est pris en charge de suite, on pourra le guérir. «Mais, malheureusement, ce n'est pas le cas. Une fois diagnostiqué, on l'envoie chercher une place parce qu'il n'y a pas de lit où le mettre. Et si on le renvoie, la tumeur évolue rapidement, et s'il arrive au stade métastatique, à ce moment-là on n'aura aucune chance de le guérir. C'est pour cela qu'on place 3 à 4 patients par lit». Dans ce cas, affirme-t-elle, «on gaspillera beaucoup d'énergie, avec des protocoles de traitement beaucoup plus lourds sans pouvoir guérir l'enfant, c'est ce qu'on appelle une perte sèche».

Le professeur estime que «la tutelle ne prend pas en considération le cancer de l'enfant. On a 1200 à 1300 enfants qui sont touchés par différents cancers annuellement en Algérie, ce n'est pas beaucoup. Avec ce nombre la prise en charge doit être parfaite». Les enfants souffrent parfois du cancer du cerveau, qui est le plus fréquent, des leucémies et des lymphomes, ainsi que d'autres tumeurs. Les onco-pédiatres regrettent le fait que le cancer de l'enfant n'a pas eu l'intérêt ou la place qu'il mérite dans le plan cancer (2015-2019).

«Les enfants touchés par le cancer ont le droit d'avoir des soins, et leurs parents qui sont souvent en détresse ont le droit d'avoir un endroit d'accueil qui les reçoit dignement. Quatre enfants sur un lit, est inadmissible!», conclut-elle.