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Dons et greffes d'organes: La détresse de milliers de malades

par Ghania Oukazi

«La particularité et la gravité de l'insuffisance rénale chronique (IRC) est qu'elle progresse de façon silencieuse. Son évolution est estimée à 5% par an. Cette évolution fait que la croissance du nombre de personnes présentant une IRC est cinq fois plus importante que la croissance de la population mondiale.»

Le constat est effarant. Il est rapporté par le Professeur Mostapha Khiati dans son livre qui vient de paraître sous le titre «Dons et greffes d'organes en Algérie.» Thème qu'il qualifie de «soin de haut niveau (mais) qui requiert des moyens humains, matériels et financiers considérables, des choix en matière de priorités de santé sont donc nécessaires.»

Dans son introduction, Prof Khiati note que «le nombre de personnes présentant une maladie rénale chronique(IRC) dans le monde est évalué à 250 millions, l'Organisation mondiale de la santé la classe aux 12ème rang des causes de mortalité et 17ème rang des causes de morbidité dans le monde.» Pour situer l'Algérie par rapport à ces données mondiales, il nous fait savoir que «l'ANG a pu dénombrer à la fin de l'année 2018, 23 798 insuffisants rénaux qui se trouvent encore sous dialyse et 757 autres en attente de greffes». Il écrit que «depuis son lancement en 1986 et jusqu'au mois de décembre 2013, -27 ans après-, seulement 1024 greffes rénales ont été réalisées par les centres agréés à travers le pays.(...). De 2010 à 2013, seulement 84 greffes rénales ont été réalisées (...)». A partir de 2015, ce nombre a franchi la barre des 200/an (...),» rapporte-t-il dans son ouvrage. Il reprend les données de la société algérienne de néphrologie et de transplantation rénale pour noter que «1351 greffes rénales ont été réalisées en Algérie depuis 1986 jusqu'en juin 2017 et 400 greffes à l'étranger». Il reprend le professeur Tahar Rayane Rayane, néphrologue et président du Conseil scientifique de l'ANG qui a eu à déclarer à ce sujet que «je ne pense pas qu'on recule, ni on régresse, je dirai qu'on stagne parce que la demande devient de plus en plus importante.»

Une situation «de pénurie d'organes»

Prof Khiati fait aussi état du pessimisme des praticiens qui pensent, selon lui qu' «au rythme actuel des greffes, il faut 50, voire 60 ans pour rattraper le retard». Il reprend leurs propos par lesquels ils soulignent que «nous sommes dans une situation de pénurie d'organes aiguë, il ne faut pas se leurrer, certains patients n'auront jamais de rein». De par la demande dont elle fait l'objet, écrit prof Khiati, «la greffe rénale devra bénéficier d'une sollicitude accrue des pouvoirs publics en vue de la rationalisation et de l'optimisation de sa réalisation au sein des pôles d'excellence régionaux. Il devient en effet inadmissible d'agréer n'importe quel centre qui présente sa candidature alors qu'un seul service sur les quinze que compte le pays arrive à greffer un peu plus du tiers des patients.

Pour tenter de répondre aux questions relatives aux dons de cellules, de tissus et d'organes, Prof Khiati dit avoir pris «comme base de travail l'expérience de différentes équipes médico-chirurgicales sur le terrain». Il aborde dans son ouvrage entre autres points «le don d'organe chez le vivant, les conditions à remplir par le donneur vivant, le don d'organe après la mort, s'interroge dans quelles conditions peut-on le faire ? Peut-on transplanter à l'homme un organe provenant d'un animal ?

L'évolution des critères du diagnostic de la mort, statut juridique du cadavre, insuffisance rénale et traitements de suppléance, insuffisance rénale chronique terminale, greffes rénales, causes du retard, formation-recherche (...).

L'appel des milliers de malades

La loi sanitaire adoptée en juillet 2018 ouvre, selon lui, de nouvelles possibilités en matière de disponibilités de tissus d'organes en élargissant le cercle familial des donneurs vivants et en introduisant le concept de consentement présumé quand il s'agit de personnes en état de mort encéphalique. L'auteur a ainsi élargi son travail à toutes les greffes d'organes en Algérie en essayant de donner une visibilité scientifique, juridique, éthique et politique des problèmes qu'elles posent et des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées. Il nous apprend que «la greffe de la moelle osseuse est en grande partie incluse dans le plan cancer mais encore faut-il agréer les centres greffeurs en fonction d'une carte sanitaire bien étudiée».

La greffe de la cornée est, selon lui, «celle de toutes les greffes qui peut être totalement prise en charge en Algérie et ne coûter que peu de choses moyennant une dynamisation des prélèvements sur cadavres et la mise en place de banques de tissus au niveau de tous les services d'ophtalmologie des CHU du pays». La greffe hépatique doit être, écrit-il, «organisée -tout autant que la greffe cardiaque à moyen terme- en commençant par former le personnel et à mettre en place les équipes et les moyens nécessaires. La greffe du rein lui fait dire qu' «elle impose une approche plus pragmatique, une vision claire et des efforts constants». Il estime que pour régler ces dysfonctionnements dans le domaine de la santé, l'Algérie doit mettre en place une stratégie de soins qui n'est possible qu'à travers une rationalisation des dépenses basées elle-même sur des choix judicieux et sur une organisation locale, régionale et nationale efficiente». Dans son ouvrage, l'auteur propose «un certain nombre d'aménagements et de solutions» pour, écrit-il, «faire du programme national de greffe, un programme efficace susceptible de répondre aux appels de milliers de malades qui attendent désespérément de voir leurs noms figurer un jour en haut de la liste nationale d'attente».