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La concurrence les oblige à revoir leur modèle: Les hôtels d'affaires commencent à ressentir les effets de la crise

par Sofiane M.

  Les effets de la crise économique se font ressentir dans l'activité hôtelière.

Les hôtels d'affaires construits, à tour de bras, grâce aux différents dispositifs d'encouragement de l'investissement, notamment le Calpiref, commencent à pâtir du recul de l'activité économique.

La cause serait essentiellement la baisse de la dépense publique, qui tirait la croissance vers le haut dans de nombreux secteurs (BTPH, importations, services, industrie...), suite à la cure d'austérité budgétaire imposée par le gouvernement depuis la chute des prix des hydrocarbures.

« Le taux d'occupation des chambres des établissements hôteliers de 5 et 4 étoiles est en baisse. Ce taux a atteint dans un hôtel de luxe 20% », confie un propriétaire d'hôtel d'affaires à Oran qui estime que ce taux ne peut aucunement assurer la pérennité de l'activité de nombreux établissements hôteliers. Les voyageurs d'affaires sont de plus en plus rares. Les investisseurs publics et privés, qui participaient régulièrement à des salons et autres manifestations économiques, ont réduit au strict minimum leurs déplacements. Le bal des missions économiques étrangères, qui sillonnaient les villes du pays à la recherche des « bonnes » affaires, s'est aussi subitement interrompu précipitant ainsi les hôtels d'affaires dans une crise à multiples facettes. Il n'y a pas seulement la baisse de la fréquentation de la clientèle d'affaires qui inquiète les propriétaires de ces établissements hôteliers, mais ils font face à d'autres ennuis financiers plus pressants. La quasi-totalité de ces investisseurs privés ont contracté des crédits de plusieurs milliards de dinars pour financer à hauteur de 100% la construction de leurs hôtels. Ces crédits ont été tous accordés à un taux d'intérêt composé de 3,5%. L'investissement des privés dans l'hôtellerie représentait en 2018 près de 97% contre 3% pour le secteur public. Quelque 3.000 décisions d'investissement dans l'hôtellerie ont été accordées aux opérateurs privés pour des projets de complexes hôteliers.

Avec la hausse du parc hôtelier conjuguée à une concurrence acharnée et un recul de la fréquentation, de nombreux propriétaires seront prochainement en situation de cessation de paiement. Ils ne pourront pas rembourser leurs crédits même avec un taux d'intérêt jugé « avantageux ».      

Les banques qui procéderont à des saisies immobilières pour récupérer leur argent trouveront des difficultés pour avoir des repreneurs. Tout le monde sera ainsi perdant : les investisseurs, les banques et l'activité hôtelière. Il s'agit d'un scénario catastrophe à prendre au sérieux vu qu'il existe des précédents.

L'affaire de l'hôtel « Hayat Regency », qui a englouti des milliards de dinars, est une erreur à ne pas répéter. Les informations recueillies auprès des intervenants dans ce secteur indiquent que la baisse de la fréquentation dans les hôtels d'affaires est provoquée par plusieurs facteurs. D'abord il y a le recul du tourisme d'affaires ensuite la concurrence légale et illégale et enfin la politique tarifaire appliquée par certains établissements hôteliers.

Un créneau saturé

Le créneau de l'hôtellerie d'affaires semble en pleine saturation dans de nombreuses grandes villes du pays. Ils sont, au total, 175 établissements hôteliers classés qui activent à Oran. 186 projets d'hôtels, essentiellement de 4 et 5 étoiles, sont en cours de réalisation. Le nombre des établissements hôteliers devra ainsi atteindre à Oran dans les trois prochaines années 361. Le créneau qui arrive désormais à saturation n'a jamais été aussi concurrentiel à Oran.  

De nouvelles offres d'hébergement compétitives et accessibles commencent à bouleverser l'hôtellerie d'affaires. La formule « Bed and Breakfast » ou « matelas et petit déjeuner », proposée par des plateformes spécialisés comme Airbnb, Homelidays, Wimdu, Sejourning ou Oudekniss, séduit de plus en plus la clientèle d'affaires, mais aussi les touristes et les personnes en déplacement. Des appartements de luxe bien situés à Oran et des maisons tout confort pied dans l'eau sont proposés à des prix attractifs entre 25 et 52 euros/nuitée. « Maison pied dans l'eau à 31 euros/nuitée », « appartement meublée à 25 euros/nuitée » et « logement standing bien situé à Oran à 40 euros »... des centaines d'annonces sont publiées quotidiennement dans les sites spécialisés en hébergement. La baisse de fréquentation peut être aussi justifiée par le fait que des hôtels d'affaires (quatre étoiles à trois étoiles) pratiquent une politique tarifaire au même niveau que des hôtels de luxe, mais avec des prestations de service moindres. Le problème est que les clients sont de plus en plus exigeants et de mieux en mieux informés, grâce aux plateformes d'hébergement, sur les prix pratiqués par les hôtels. Pourquoi payer une nuitée 24.000 dinars dans un hôtel 5 étoiles, alors que vous pourrez avoir une nuitée à 8.000 dinars dans les nouveaux hôtels deux étoiles avec de bonnes prestations de services (piscine, connexion wifi gratuite, climatisation, salle de bain privée, coin bureau et TV écran plat...). Dans certaines plateformes spécialisées en hébergement, vous pouvez remarquer que des hôtels accueillants, de deux à trois étoiles à prix abordables, obtiennent une note d'évaluation identique à des hôtels 5 étoiles. Ces hôtels qui ont été visités par des contrôleurs de ces plateformes proposent une nuitée entre 4.000 et 9.600 dinars TTC, alors que les prix dans les hôtels dits de luxe varient actuellement entre 16.500 et 34.000 dinars pour une nuitée. Le directeur du Tourisme de la wilaya d'Oran que nous avons contacté à ce propos s'est montré au début surpris par cette information de chute du taux d'occupation dans les hôtels d'affaires. Dès le début de l'entretien, il a tenté de relativiser les faits en estimant que « si certains établissements souffrent de baisse du taux d'occupation, cette situation est essentiellement due à une mauvaise gestion et à des défaillances du personnel de ces hôtels». Il a ainsi minimisé cette baisse d'activité dans certains hôtels sans la nier. Mais en fin de l'entretien, il a concédé que la concurrence dans le secteur hôtelier à Oran, aggravée par la progression du nombre des nouveaux hôtels et l'apparition sur le marché de nouvelles offres d'hébergement plus attractives, bouleverse toute l'activité hôtelière.