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Crise politique et élections présidentielles: Gaïd Salah a tranché

par Ghania Oukazi

Le général de corps d'armée a tranché la question des élections présidentielles en passant, pour leur tenue, du récurrent «dans les plus brefs délais» au «dans les délais fixés par la loi».

Des élections présidentielles avant la fin de l'année, c'est possible après que Abdelkader Bensalah aura convoqué le corps électoral. Le chef de l'Etat le fera en principe le 15 septembre prochain comme «suggéré» par Ahmed Gaïd Salah. C'est répertorié ainsi si on sait que si le chef d'état-major de l'ANP, vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée «propose», c'est qu'il a déjà décidé. L'application de l'article 102 de la Constitution pour faire démissionner le président Bouteflika en témoigne largement. Pour cette fois, il a prévenu que «l'ANP est déterminée à aller vers les élections et à les organiser dans les temps impartis, qu'on le veuille ou non, quels que soient les difficultés et les sacrifices». Les temps ont été bien calculés en comptant à partir du 15 septembre prochain. Les candidats à la candidature pour les présidentielles auront quarante cinq jours pour constituer leur dossier et les remettre au Conseil constitutionnel qui, lui, prendra 15 jours pour les examiner et les valider ou les rejeter. Ce que Gaïd Salah qualifie de «délais raisonnables et acceptables» pour la tenue de ces élections, ils seront atteints «dans les quelques semaines à venir», c'est-à-dire qu'elles devront se tenir le jeudi 12 décembre prochain. «Au cas où les élections se joueront en deux tours, le 2ème aura lieu le 26 décembre prochain, le temps de valider les résultats (temps de recours compris), le nouveau président de la République prendra ses fonctions au cours de la première quinzaine du mois de janvier 2020», affirment des politologues.

D'un discours d'une redondance ennuyeuse pendant plus de quatre mois, Gaïd Salah a choisi le début du mois de septembre pour trancher et annoncer la convocation du corps électoral en prévision de la tenue des élections présidentielles. C'est le mois de la rentrée sociale à propos de laquelle courent des bruits effrayants. Il pense ainsi couper l'herbe sous les pieds de ceux qui tablent sur une désobéissance civile pour diviser le pays.

Retour à la conférence de Bensalah

L'on a déjà relevé que le général de corps d'armée se trouve les pieds joints dans le champ politique. Il l'a encore confirmé lundi dernier à partir de la 4ème Région militaire. Il a fait en sorte de bien synchroniser les choses en faisant coïncider son discours avec la fin des rencontres que le panel de la médiation et du dialogue a programmées depuis son installation. «Je valorise les résultats encourageants qu'elle (instance nationale de la médiation et du dialogue) a obtenus en si peu de temps sur la voie d'un dialogue sérieux, constructif et objectif», a-t-il noté. Karim Younes a comptabilisé dans ce cadre des rencontres avec 20 partis politiques et plus de 1.000 associations et organisations socioprofessionnelles, en tout, quelque 4.000 représentants de la société civile (associations et organisations socioprofessionnelles, personnalités nationales) y compris ceux issus du «hirak» au niveau national. La boucle est pratiquement bouclée à quelques retardataires près (quatre ou cinq petits partis que le panel rencontrera ces jours-ci). Son coordonateur ne s'attend certainement pas -sauf changement de taille- à ce que les partis «des alternatives démocratiques» viennent vers lui, même si le RCD vit une crise majeure et le FFS a déclaré publiquement qu'il ne partageait pas ce qui avait été décidé dans la réunion du 31 août dernier.

Gaïd Salah a fait part de son besoin de voir la classe politique aller «rapidement vers l'installation d'une instance nationale indépendante pour la préparation, l'organisation et la surveillance des élections, qui supervisera toutes les étapes du processus électoral». C'est ce qui a été consigné entre autres dans le document-bilan dans lequel le panel a formulé les alternatives consensuelles de tous ces invités auquel il a joint un projet de loi «consensuel» portant création de ce qui est appelée «autorité nationale indépendante chargée des élections». Autorité qui sera composée, selon le projet, de 20 membres en comptant avec un président, un secrétaire général et un conseil au niveau central. Le projet prévoit aussi la création de démembrements de cette autorité au niveau local (wilayas et APC) et aussi au niveau des consulats et des ambassades pour la représentation des ressortissants algériens à l'étranger. L'on rappelle que le schéma de cette instance dans tous ses volets a été clairement esquissé par l'INESG (Institut national des études stratégiques globales) le 21 avril dernier, lors de la conférence que Bensalah a fait tenir par son secrétaire général de l'époque, Haba El Kobi, au Palais des nations de Club des pins en présence d'à peine une soixantaine de participants.

La ténacité de Gaïd Salah

A l'époque, l'état-major de l'ANP par la voie du chef de l'Etat voulait «imposer la mise en place urgente de cette institution qui prendra en charge, le plus rapidement possible, l'ensemble du processus électoral, la tenue du fichier électoral, la désignation des bureaux de vote et de leurs personnels, la gestion des opérations préparatoires au scrutin, la désignation des responsables des centres de vote, le contrôle des conditions générales de la campagne électorale et la proclamation provisoire des résultats». Ceci, en prévision d'une élection qui devait se tenir le 4 juillet mais qui a été annulée en raison d'un manque d'adhésion de la classe politique. Aujourd'hui, cette dernière devra s'avouer vaincue par la ténacité de Gaïd Salah à vouloir faire d'une élection présidentielle un objectif majeur pour le règlement de la crise politique du pays. Preuve en est, ceux qui ont «dialogué» avec le panel sont ramenés à la case départ, aux recommandations de la conférence de Bensalah qu'ils ont boycottée. Le projet de loi portant création de «l'autorité nationale indépendante chargée des élections» formulé par le panel après consultations est pratiquement une copie conforme du texte de l'INESG.

Autre fait avec lequel le chef d'état-major a calculé, l'ouverture officielle de la session ordinaire du Parlement dans ses deux chambres dont la mission première pour cette rentrée est de voter, en plus de la loi portant création de l'autorité en question, les amendements de la loi électorale 10-16 du 25 août 2016, retenus d'une manière «consensuelle» par tous ceux que le panel a rencontrés, notamment ses articles 194 (modalités de sa création) et 142 (nombre de signatures exigées aux candidats). «La tenue des élections présidentielles requiert également la révision de quelques textes de la loi électorale pour s'adapter aux exigences de la situation actuelle, et non pas une révision totale et profonde qui toucherait tous les textes, tel que revendiqué par certains, ce qui prendrait beaucoup de temps», a souligné Gaïd Salah dans son discours.

Dans son document-bilan de l'ensemble de ses consultations, le panel fait part de l'acceptation «consensuelle» de préserver le cadre constitutionnel de l'Etat à travers le maintien de Abdelkader Bensalah à son poste de chef d'Etat jusqu'à l'élection d'un nouveau président de la République mais aussi l'exigence «consensuelle» du départ du 1er ministre, Noureddine Bedoui, et de son gouvernement et son remplacement par un gouvernement de compétences nationales.