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Un ministre corrige un autre: Polémique sur la gratuité des soins

par Yazid Alilat

Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Mourad Zemali, vient encore une fois mettre dans la gêne le gouvernement en faisant des déclarations contraires à toute la politique sociale menée jusque-là, notamment en matière de gratuité des soins et l'accès aux structures sanitaires. Dimanche, à Relizane, au cours d'une visite de travail, le ministre a estimé que l'accès aux hôpitaux et aux soins ne seront dorénavant accessibles qu'aux détenteurs d'une carte Chifa. Selon M. Zemali, ?'il faut une carte Chifa à l'entrée de l'hôpital'', a-t-il dit à un citoyen qui l'interrogeait sur la couverture sociale et cette forme d'accès aux soins gratuits. Le ministre poursuit, s'adressant toujours à ce citoyen devant les cadres de son ministère et ceux de la wilaya de Relizane, en expliquant que ?'l'organisation du système de la sécurité sociale en Algérie fait que soit tu es assuré, soit tu es un ayant droit ou un détenteur d'une carte Chifa. Notre système couvre toute les catégories, et celui qui n'a pas de carte (Chifa), il est où ? Et toi, tu es où''. Il élude lui-même la question en affirmant qu'''il (ce citoyen, NDLR) est dans l'informel, et donc celui qui a accès aux soins ne peut-être que celui qui a une carte Chifa''. Le ministre a cru bon d'ajouter que ?'le système de la carte Chifa couvre toutes les catégories, et il faut qu'on fasse sortir de ces catégories ceux de l'informel'', avant de les accuser d'être ?'à la source et la cause principale des déséquilibres financiers des caisses de sécurité sociales''. Le ministre conclut ses remarques en soulignant qu'''en Algérie, tout le monde se soigne, mais ce n'est pas tout le monde qui cotise. C'est cela le problème''.

Hier lundi, le ministère de la Santé a réagi dans un communiqué aux propos du ministre du Travail en indiquant que ?'le principe de la gratuité des soins constitue un acquis irréversible» pour le système national de santé. ?'Le principe de gratuité des soins pour tous», ordonné par le président de la République, confirmé dans la loi 18-11 relative à la santé constitue «un acquis irréversible» pour notre système national de santé, précise le ministère. En fait, les articles 13 et 21 de la loi relative à la santé disposent clairement que l'»Etat assure la gratuité des soins» et en garantit l'accès à tous les citoyens sur l'ensemble du territoire national'', poursuit le ministère de la Santé, selon lequel «aucun motif, de quelque nature que ce soit ne peut faire obstacle à l'accès du citoyen aux soins dans les structures et établissements de santé''.

De son côté, le ministre de la Santé, sollicité dimanche par la chaine TV Ennahar sur les déclarations du ministre du Travail, a rappelé qu'en Algérie, la gratuité des soins est une constante de la politique sociale du pays. Il a expliqué que ?'le président Bouteflika a confirmé plus d'une fois la gratuité des soins, et il nous a donné l'ordre et l'instruction pour que cela soit maintenu dans la nouvelle loi sanitaire''. ?'La nouvelle loi sanitaire reconfirme la gratuité des soins pour l'ensemble des Algériens sur tout le territoire national'', a précisé le ministre de la Santé, relevant que ?'pour tous les Algériens sur tout le territoire national, dans les structures de santé, le soin est gratuit. La gratuité des soins a été reconfirmée par la nouvelle loi et le président de la République y tient, c'est sa première instruction''. Ces déclarations du ministre de la Santé recadrent en fait les propos du ministre du Travail qui, en exigeant que les prestations de soins dans les structures hospitalières soient assujetties à la présentation préalable de la carte Chifa, fait une confusion de prérogatives et d'autorité. Car le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité Sociale ne prend en charge, et dans certains cas, que les prestations financières des soins, et non les soins eux-mêmes. Ce qui, à l'évidence, aurait échappé à M. Zemali, qui a confondu entre les prérogatives de son ministère et celles du ministère de la Santé qui, lui, est responsable de l'accès aux soins à tous les Algériens, en tout lieu et en toutes circonstances. Ce qu'a d'ailleurs réaffirmé le ministre de la Santé, dont le budget pour 2018 a été de 392,16 milliards de dinars. Les déclarations du ministre du Travail sur le refus de l'accès aux soins aux non détenteurs de carte Chifa dans les structures sanitaires, ne sont pas une ?'première''. Il a déjà, il y a quelques mois, accusé les Algériens ?'d'abuser'' de leurs droits d'accès aux soins gratuits, et surtout de l'utilisation de la carte Chifa. Selon lui, il y a 126.000 bénéficiaires de la carte Chifa, qui ont été black-listés. Du reste, la hantise du ministre du Travail se focalise sur les déficits des caisses de sécurité sociale, dont la CNR qui traîne un déficit de 580 milliards de dinars. Au mois d'août dernier, le ministre en charge de la Sécurité sociale avait déjà provoqué la polémique en appelant les diabétiques à réduire leur consommation de bandelettes. Lors d'une visite de travail dans la wilaya de Boumerdès, il a déclaré que les diabétiques consomment beaucoup de médicaments et leur recours aux bandelettes pour l'automesure du taux de glycémie est exagéré. ?'Un diabétique n'est pas censé mesurer son taux de glycémie chaque matin. Mesurer deux fois par jour est extrêmement exagéré et c'est la source de ce grand gaspillage'', a-t-il insinué. Il a ajouté que ?'le chapitre des bandelettes dans le budget des remboursements de la CNAS dépasse les 10 milliards de dinars. C'est beaucoup ! Où va-t-on avec ces dépenses ?''