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Limogeages et interrogations

par Mahdi Boukhalfa

Depuis plusieurs semaines, l'opinion publique assiste à des limogeages en série, un profond remaniement au sein des postes de commandement de l'ANP. Après les changements opérés à la tête des régions militaires, de certaines forces de commandement, un nouveau «remaniement» au sein de l'ANP a été «annoncé» hier par une chaîne TV privée. Dans la foulée, des généraux auraient été interdits de quitter le territoire national. Cela a pris de court tous les observateurs, car ce type de changements à la tête des plus hauts postes de l'ANP ne s'opère qu'une fois tous les dix ans ou plus et souvent pour féliciter les «partants» à la retraite pour le travail accompli durant leur carrière au sein de l'armée. Et, à voir le rythme de ces départs, rien n'indique que le mouvement s'arrêtera dans l'immédiat.

Certes, l'ANP, en tant qu'institution républicaine, est assujettie, elle également, aux règles de rajeunissement de ses élites, de modernisation de ses infrastructures et de ses équipements de combat, à l'amélioration constante de l'esprit des troupes pour une meilleure prise en charge de ses missions constitutionnelles, dont la défense du territoire national. La fin de mission signifiée à plusieurs cadres de l'ANP, dont l'annonce d'hier lundi avec les départs des commandants des Forces terrestres et aériennes, n'est pour autant pas expliquée d'une manière officielle. Ambigus, inexpliqués, ces limogeages ont été accompagnés, dans certains cas, par une interdiction de sortie du territoire national à l'encontre de certains officiers supérieurs. Car si, officiellement, ces départs sont le fait d'une décision du ministre de la Défense nationale, le président Bouteflika, ils ne peuvent en réalité ne pas cacher une volonté d'un profond remaniement au sein des différentes forces de l'ANP. Pour quel objectif ? La question, calendrier politique oblige, est de savoir pourquoi maintenant, à quelques encablures de la présidentielle de 2019.

A environ six mois de la prochaine élection présidentielle, les changements au sein de l'ANP peuvent certes être décryptés comme une volonté de l'état-major de renouveler le personnel décisionnel au sein des différents commandements, de rajeunir les personnels et de donner à l'ANP une plus grande stabilité et maturité au niveau de la ressource humaine et des compétences, justement en prévision de cette échéance. Mais, tout cela peut être battu en brèche sur les véritables raisons des décisions concernant certains responsables militaires limogés par le président Bouteflika. Les déclarations du vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, dimanche devant les cadres de l'ANP en donnent quelques éclaircissements, lorsqu'il affirme que «la responsabilité est un examen permanent pour l'homme ; serait-il capable d'accomplir parfaitement ses devoirs et serait-il apte à se conformer au strict respect des lois en vigueur tout en tenant compte des dispositions du métier du militaire?».

Du reste, il est évident que l'ANP est, elle également, en train d'opérer sa mue en vue notamment d'entrer dans la professionnalisation et donc de se redéployer en fonction des nouveaux concepts sécuritaires nés de la mondialisation, de ses enjeux géostratégiques comme de ses défis technologiques, et dont la ressource humaine en est la principale énergie, sinon le moteur. Et cette ressource humaine ne doit plus, donc, dévier de ses missions républicaines, ni défier ou enfreindre les lois en vigueur.