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Projet de loi organique relative aux lois de finances: «Dangereux» pour les uns, «bon» pour les autres

par M. Aziza

Le ministre des Relations avec le Parlement, Mahdjoub Bedda, a présenté hier à l'Assemblée nationale populaire le projet de loi organique relative aux lois de finances, à la place du ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, qui, selon le président de l'APN, est en mission à l'étranger.

Ce projet de loi vise à définir le cadre de gestion des finances de l'Etat, comme il doit régir la préparation des lois de finances, leur contenu, leur mode de présentation et leur adoption au parlement. Ce projet de loi fixe, selon M. Bedda, les principes et règles des finances publiques, des comptes de l'Etat et d'exécution et de contrôle de la mise en œuvre des lois de finances.

Ce qu'il faut retenir est le fait que ce projet de loi permet, selon ses concepteurs, la mise en application d'un nouveau système de gestion de budget qui se fera désormais sur la base «des objectifs» et des «performances», et ce pour déterminer les responsabilités de chaque institution ou établissement dans l'utilisation des ressources financières de l'Etat.

Ce projet de loi donnera, selon le ministre des Relations avec le parlement, au chef du gouvernement la possibilité d'ouvrir des crédits, si besoin est. En tout état de cause, le montant cumulé des crédits qui seront ouverts ne peut excéder 3% des crédits ouverts par la loi de finances. Il a également indiqué que l'approbation des modifications apportées est soumise au parlement dans les prochaines lois de finances rectificatives.

Parmi les dispositions phares de ce projet de loi la réduction du nombre des fonds spéciaux, dont le nombre actuel est très important «70 fonds spéciaux» et dont la gestion a été très souvent critiquée par les députés de l'opposition et par certaines institutions financières.

Des questions ont été souvent posées aux ministres qui ont géré le secteur des finances sur le sort et la gestion des milliards de dinars qui sont dans les 70 comptes d'affectation spéciaux, et certains sont même allés dénoncer une certaine «opacité» dans la gestion de ces fonds.

L'autre point important est l'obligation de publier annuellement le montant des pertes du Trésor public relatives aux exonérations d'impôts et taxes accordées aux «investisseurs». Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur en 2023. M. Bedda affirme que certaines de ses disposions seront graduellement appliquées à partir de 2021 jusqu'à sa mise en application totale en 2023.

Pour le parti de l'Union Adala-Bina-Nahda, théoriquement ce projet de la loi est «bon», mais avec la condition qu'il ne soit pas vidé de son contenu par des textes administratifs le modifiant dans le sens négatif, a ainsi souligné le chef du groupe parlementaire de l'Alliance Lakhdar Benkhelaf, le problème n'est pas dans les lois en Algérie mais dans leur application.

M. Benkhelaf a affirmé que parmi les points importants de ce projet de loi est le fait qu'à partir de 2026, le projet de loi portant règlement budgétaire est préparé, discuté et adopté, par rapport à l'exercice budgétaire N.1, c'est-à-dire que sa préparation et son adoption se fera chaque année au lieu de 3 ans, comme c'est le cas actuellement. Il a affirmé que si cette loi est appliquée à la lettre, elle sera considérée comme «une constitution financière de l'Etat». Il soulignera que pour que cette loi soit efficace, il faut d'abord améliorer l'environnement économique et financier, notamment en matière de transparence dans la gestion de l'argent public. Le chef du groupe parlementaire de l'Union Adala-Bina-Nahda a posé une question au ministre des Finances sur le sort réservé à la cour des Comptes sachant qu'elle est devenue le commissaire des comptes de l'Etat et responsable de la validation des comptes vis-à-vis de la loi.

Le Parti des travailleurs a carrément qualifié ce projet de loi de «dangereux», estimant que ce projet prépare en fait la légalisation de la politique d'austérité sous prétexte de déficit budgétaire.

Pour Ramdane Taazibt, ce projet de loi évacue la question politique : «Pourquoi, on est arrivé là ? ». Il poursuit, on se pose encore des questions «pourquoi l'Algérie a des difficultés financières et pourquoi les autorités ont été obligées d'imprimer l'équivalent de 19 milliards de dollars, alors que nous sommes un pays immensément riche ?»

Pour Taazibt, ce projet de loi essaye de régler des problèmes politiques par des mesures administratives qui portent atteinte à la souveraineté populaire et aux prérogatives de l'assemblée. Il explique que ce projet essaye de donner des prérogatives au ministre des Finances lui permettant de s'immiscer dans tous les budgets sectoriels et il va avoir toute latitude de transférer des budgets d'un ministère à un autre. Le Premier ministre peut, lui aussi, par un simple décret remettre en cause une loi, «cela veut dire que l'APN n'aura aucune valeur», regrette-t-il.

Le PT est convaincu que cette loi est une continuité du «coup d'Etat» qui a eu lieu lors de l'adoption de la loi de finance 2016, avec des mesures d'austérité drastiques qui touchent la population.

Ce qui est grave, selon Taazibt, est le fait que les lois de finances et toutes les législations se feront non pas à partir des besoins de chaque secteur ou de chaque institution, mais à partir «d'objectifs» à définir, en partant des «crédits disponibles».

Il y a même des articles de lois, dans ce projet, qui donnent au gouvernement le droit de donner de l'argent public au secteur privé, s'il assure le service public.

L'article 22 de cette loi stipule qu'il est interdit aux établissements et entreprises publics de créer des emplois s'ils n'ont pas des crédits disponibles, en ce malgré le déficit en ressources humaines.