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La finance islamique en Algérie : pourquoi et comment ? Acte II ! (2ème partie)

par Zerouali Mostefa*

Il serait, à mon avis, plus intéressant d'aborder, en premier lieu, les objectifs communs qui peuvent faire converger l'esprit du législateur national et des autorités publiques et l'esprit biblique et coranique des concepteurs et des porteurs de la Finance Islamique. Ces objectifs communs sont tout aussi multiples et divers, allant du simple enrichissement de l'offre bancaire destinée aux Algériens et à l'inclusion financière de leur marché domestique, aux opportunités de financement des investissements publics, en passant par son usage au titre d'instrument supplémentaire de gestion des finances publiques du pays, à la moralisation des transactions financières et commerciales dans le but d'améliorer l'ensemble des conditions de vie des citoyens algériens musulmans.

Souvent, même les spécialistes les plus avertis se focalisent sur les aspects techniques et apparents du corpus juridictionnel et technique des finances islamiques. Rares sont ceux qui sortent du cadre de l'interdit, du prohibé et de l'illicite pour aller dans le fonds de cette alternative, souvent pour des raisons de méconnaissance du cadre conceptuel et des objectifs suprêmes recherchés par la philosophie et la morale de l'islam. La communication et l'expression entourant les débats sur les fondamentaux de l'économie dans l'islam en est partiellement responsable. La pauvreté et la faiblesse de la production académique, intellectuelle et professionnelle y afférente en est le deuxième responsable.

Enfin, la difficulté de concilier l'activité économique basée sur des principes et des éléments plutôt factuels, rationnels, circonstanciels, matériels et quantitatifs ou modélisés avec les principes découlant de l'esprit coranique basé, quant à lui, sur des principes spirituels, abstraits, confessionnels, qualitatifs ou difficiles à mesurer, constitue à mon avis, le dernier facteur explicatif du peu d'études, d'approfondissement et d'intérêt porté à l'égard de cette doctrine économique et financière.

Dans les discours et les argu mentaires avancés par les responsables politiques, économiques et financiers en charge de la mise en œuvre et du développement de la finance islamique, nous retenons principalement deux objectifs essentiels :

- Participer à l'inclusion financière, à la lutte contre l'économie parallèle et à la bancarisation des citoyens algériens susceptibles et opposés aux concepts de banque et de produits bancaires tels que proposés par le système bancaire classique, considéré comme usuraire et contraire à leurs convictions religieuses. Du coup, la disponibilité d'institutions et de produits alternatifs conformes à leurs confessions permet de les bancariser, de collecter leur épargne et ainsi de renforcer la lutte, déjà très difficile, contre l'économie parallèle et ses circuits de financement.

- Utiliser cette forme de finance alternative comme un moyen supplémentaire de développement et d'enrichissement du marché financier en Algérie. L'offre de la Bourse en Algérie, les solutions d'accès aux financements, ainsi que les instruments financiers disponibles ne couvrent pas un large public pour, entre autres raisons, pauvreté et faiblesse des produits proposés, y compris sur le plan conformité et éthique.

Cependant, nous allons identifier quelques-uns des autres objectifs importants qui pourraient être atteints par le biais de l'usage de la finance islamique de façon judicieuse, organisée et efficace :

- Permettre au Trésor public d'accéder aux ressources des épargnants nationaux et internationaux sensibles aux concepts éthiques de l'islam par le biais des instruments de placements participatifs tels que les bons de Trésor sous forme de Sukuks domestiques ou internationaux destinés au financement d'actifs et d'investissements publics, privés ou mixtes notamment lorsqu'il s'agit de grands projets dont l'objectif est éthique et socialement responsable et dont la rentabilité est certaine et de niveau suffisamment élevé pour intéresser les concernés.

- Revenir sur le marché international de l'endettement sans pour autant compromettre d'une quelconque façon qu'il soit une partie de l'indépendance financière du pays ni fragiliser ses capacités d'endettement classique, ni de se retrouver dans des situations où la souveraineté de la nation serait engagée directement ou indirectement. Les formes de financement sont plutôt adossées à des actifs bien identifiés, qui génèrent des revenus bien identifiés et qui constituent la garantie de remboursement à terme.

- Se mettre au diapason des nations et des pays qui s'organisent pour enrichir le marché bancaire et financier mondial par des instruments conformes à l'esprit des finances islamiques en disposant d'un cadre législatif adéquat, de fiscalité claire, de comptabilité normalisée et de mécanismes de surveillance et de contrôle cohérents.

- Priver les circuits de financement de l'économie parallèle d'une grande composante et d'une source de financement très importante. L'accès officiel, transparent et régulé aux outils et instruments bancaires et financiers conformes aux convictions de tout un chacun permet un recours tout aussi officiel, transparent et régulé des agents et des opérateurs agissant dans l'ombre pour des raisons confessionnelles à des moyens et à des outils convenables. Il s'agit là encore d'un autre outil de lutte assez efficace.

- Enrichir l'offre de la Bourse d'Alger et diversifier ses compartiments et ses activités notamment au vu de la licéité des activités boursières sur les actions et les Sukuks tel que défini par les organismes de normalisation des instruments de la finance islamique. Cette nouvelle offre pourrait donner un nouveau souffle et réveiller la Bourse beaucoup plus rapidement et beaucoup plus facilement.

- Améliorer les recettes fiscales et fiscaliser des niches qui étaient auparavant hors du circuit officiel. Les instruments et les outils de la finance islamique ne manqueront pas d'améliorer et d'élargir l'assiette fiscale et le nombre des assujettis en créant de nouveaux instruments fiscaux adéquats.

- Donner une raison supplémentaire et un argument de plus aux citoyens réticents à la collecte de l'aumône légitime (Zakat) par les autorités en leur garantissant que leur aumône sera gérée et utilisée dans les voies recommandées par l'esprit coranique. Ceci ne manquera pas d'impacter les objectifs du législateur algérien en termes d'organisation et de gestion de la Zakat algérienne.

- Ouvrir une nouvelle voie vers une ressource supplémentaire aux activités caritatives, écologiques et de mécénat fortement encouragé par les autorités morales de la banque et des finances islamiques. Notamment s'il y a défiscalisation de certaines activités comme c'est déjà le cas pour l'ensemble des activités caritatives et de mécénat.

D'autres objectifs indirects seront atteints dans le temps et avec les évolutions que connaîtra cette activité, surtout si l'encadrement et l'accompagnement adéquat sont assurés par les pouvoirs publics. Nous citons à titre indicatif l'impact sur la formation universitaire et professionnelle et sur la recherche académique dans ce domaine.

De nouvelles normes et règles de fonctionnement différentes, une comptabilité et une gestion différente, des connaissances et un savoir-faire différent, des liens fonctionnels différents pour arriver à mettre sur le marché des produits et des instruments divers et conformes. Ceci impactera positivement l'emploi et créera des liens entre le monde des normes morales et celui des normes bancaires et financières.

À travers les objectifs ci-dessus, nous pouvons revenir sur les préalables et les conditions d'une intégration optimale et totale de cette forme de finance en Algérie. Des efforts et un travail de fonds doivent être fournis par les professionnels de la banque et des finances islamiques afin de faciliter aux pouvoirs publics et aux autorités monétaires la conception, l'élaboration et l'installation de l'ensemble des jalons et des processus qui permettraient à la banque et aux finances islamiques d'atteindre pleinement leurs objectifs macro et microéconomiques.

Commençons par le volet réglementaire et juridique qui doit accompagner cette nouvelle volonté d'enrichissement de l'offre bancaire et financière en Algérie. Il s'agit, à mon avis, de former et de constituer une équipe mixte composée de spécialistes de droit commercial et bancaire algérien et de spécialistes de droit islamique et en particulier le droit des contrats. Car, dans la réalité, seuls le fond et la forme des contrats permettent de mesurer le degré de conformité des produits et des instruments bancaires et financiers de la finance islamique. Le type de contrat, la nature des clauses qui y sont contenues et la portée juridique de leur formulation permettent de distinguer les aspects moraux, abstraits et confessionnels des aspects matériels, concrets et pratiques des opérations bancaires et financières de la finance islamique.

Par ailleurs, les savants et les scientifiques en charge de l'étude et de l'analyse théologiques ne maîtrisent pas systématiquement les instruments et les outils de la banque et des finances modernes. Ils savent, en effet, élaborer des avis et des opinions concernant les recommandations, les conditions de licité ou des prohibitions contenues dans les principales sources de législation islamique : Coran (le livre saint contenant la parole d'Allah), Sunnah (tradition verbale, orale et discrétionnaire du Prophète, que la paix et la prière d'Allah soit sur lui), Al Ijmaa (l'unanimité des savants), Ijtihad (Diligence des chercheurs), Al Orf (us et coutumes non contradictoires avec les principes de l'islam).

Mais ces spécialistes de l'islam ne connaissent pas toujours les techniques, les spécificités, les avantages, les risques, les forces et les lacunes des produits et des instruments que la finance développe et crée régulièrement. Nos spécialistes de droit commercial et bancaire viendront justement pour apporter, au fur et à mesure des innovations, le deuxième volet du corpus juridique qui serait opposable et applicable aux banques, établissements financiers, produits et instruments mis sur le marché dans le cadre du développent de la finance islamique.

Pour une meilleure prise en charge de ce volet fondamental et structurant de toute tentative de développement pérenne d'un marché bancaire et financier (de portée et de dimension macro et microéconomique) conforme aux préceptes et aux recommandations de la doctrine islamique (non seulement sur le plan moral et confessionnel, mais également sur le plan relationnel), il serait, à mon avis, nécessaire que les équipes qui se chargeront de ce volet associent les autorités monétaires (supervision monétaire et réglementaire), les autorités religieuses (supervision morale et éthique) et les professionnels des métiers de la banque et des finances (supervision technique, comptable et fiscale).

La réglementation à mettre en place concernera surtout le type de marché bancaire et financier voulu et le type de relations fonctionnelles qu'il devrait avoir avec le marché financier et bancaire classique déjà en place. Il serait important de définir dès le début s'il s'agira de marchés universels et uniformes avec des fenêtres spécifiques spécialement dédiées aux pratiques, aux normes et aux produits conformes aux impératifs de la banque et des finances islamiques ou bien s'il s'agira plutôt de deux marchés parallèles et totalement distincts l'un de l'autre. Selon le choix et l'option adoptée, les textes et les règlements seront différents et variés.

En fait, tous les théoriciens et les chercheurs versés dans la critique et la construction des textes régissant l'activité de banque et de finance islamique se basent plutôt sur les interdits dans les contrats islamiques et omettent de faire valoir des arguments beaucoup plus solides et structurants que les interdits et les proscriptions ne permettent pas. Je fais allusion, bien évidemment, aux fondamentaux de l'islam ou ses Objectifs Suprêmes qui avaient fait l'âge d'or de la civilisation musulmane qui sont prônés et prêchés par cette religion : Préservation de la vie «protection de l'âme», Préservation de la raison «protection de l'esprit, de la raison ou du cerveau», Préservation de la descendance «protection de la race humaine et du futur de l'humanité», Préservation de la richesse «rationalisation des ressources et leur développement durable» et enfin Préservation de la foi «protection de la liberté de la croyance ou de la confession».

L'économie en général, et la banque en particulier, ne sont pas en reste dans l'islam et ces fondamentaux leur sont tout aussi applicables que les autres domaines de la vie du croyant musulman. La liberté et le droit à la vie qui découle du premier principe, le droit et la liberté de penser et de réfléchir en utilisant son esprit et sa raison qui découlent du deuxième principe, le droit et la nécessité de la continuité de la race humaine qui découle du troisième principe, le droit et la liberté de disposer de la richesse de façon utile et durable qui découle du quatrième principe et enfin le droit et la liberté de croyance et de foi qui découle du dernier principe, doivent donner à la banque islamique son cadre et ses principes lorsqu'on leur associe la notion de régence de l'homme sur terre.

Les interdits et les illicites sont là pour recadrer et veiller à ce que ces libertés et ces droits soient respectés de façon équitable. Par contre, si certains interdits peuvent remettre en cause ou remettent en cause ces fondamentaux, alors ils deviennent des tabous, des dogmes et des répressions à l'épanouissement de la pensée et de l'esprit moral de l'islam.

Certains vont sûrement penser que ce serait compliqué de traduire des principes religieux et des concepts confessionnels en règles simples, concrètes et applicables à la banque ou à l'institution financière dite islamique. Or, il se trouve que c'est justement cette difficulté qui constitue le principal atout du développement des pratiques et des outils éthiques et équitables opposables à la banque de morale islamique. Ces fondamentaux doivent être les principales lignes directrices de la conception et de l'élaboration des règles juridiques régissant une activité économique islamique, en général, et une éventuelle banque ou institution financière répondant aux normes islamiques, en particulier.

Les commandements religieux monothéistes ont souvent été interprétés par -ou sous influence- des pouvoirs politiques de façon radicalement opposée, ou pour le moins contradictoire, aux interprétations scientifiques et théologiques faites par des savants intègres et désintéressés. Ce qui avait donné la primauté aux interdits sur les objectifs suprêmes et avait priorisé les objectifs communautaires restreints sur les objectifs humains et universels ciblés par l'esprit et les commandements de l'islam.

En fait, le sujet de la construction des règles législatives et juridiques de la banque et de la finance islamiques est un domaine assez vaste et complexe qui nécessite des travaux de recherche associant théologiens, spécialistes du droit national et du droit international. Ce qui serait utile dans une première étape c'est d'élaborer un code des règles applicables aux produits et aux instruments de la banque et des finances islamiques réunissant tous les textes dispersés dans les différents codes juridiques déjà existants.

Par ailleurs, le cadre juridique éventuel à mettre en place doit comprendre et prendre en considération le degré de frottement des règles et des principes de fonctionnement de la finance islamique et de la banque islamique avec le cadre institutionnel national actuel pour proposer des variantes qui réduiraient au minimum ces frottements et participeraient à préserver le cœur moral de cette activité qui, dans la réalité, ne se heurtent que peu avec les pratiques et les différents codes juridiques du pays. Par contre, il serait plus logique de se doter d'un code bancaire ou d'un code de la finance qui engloberait les pratiques et les activités bancaires et financières d'éthique islamique. Nous avons constaté que l'installation d'Al Baraka Bank dans les années quatre-vingt-dix a été plutôt bien intégrée et facilement digérée par le cadre institutionnel et juridique national et que les frottements et les contradictions ont été rares malgré l'absence d'un cadre juridique dédié.

Ceci dit, cette situation ne peut permettre à l'Algérie et aux pouvoirs publics d'atteindre certains objectifs escomptés par le développement d'un véritable marché financier et bancaire conforme aux principes de l'islam. Sortir du simple cadre déontologique et jurisprudentiel à un cadre régulé et clairement réglementé ne manquera pas d'apporter la sérénité et la confiance nécessaires et recherchées par les investisseurs de la FI et d'apporter la protection et la préservation des intérêts des citoyens, des institutions, des établissements et des entreprises qui font appel à cette forme de finance.

Le cadre juridique doit également prendre en considération les interactions qui naîtraient de l'utilisation future des instruments et des outils de la finance islamique non seulement par le grand public, mais également, dans le cadre des financements publics ou des appels publics à l'épargne (émission de titres de type Sukuk). Ceci passe inévitablement par l'harmonisation de certaines de nos règles domestiques et leurs adaptations aux mécanismes internationaux de protection et de gestion des investissements. Le recours aux financements de certains investissements ou de certains actifs publics par des émissions de titres de Finances Islamiques tel que fait par certains pays nécessite plus de souplesse, plus de cohérence et plus d'ouverture avec les pratiques mondiales.

Un dernier aspect juridique doit faire l'objet d'enrichissement, impérativement pour renforcer la gouvernance et la sécurité des activités de ce marché à savoir les assurances Takaful/mutuelles qui accompagneront le développement et l'usage des instruments et produits de la finance islamique et de la banque islamique.

À mon avis, ce volet est tout aussi important et nécessaire pour la pérennité et la fiabilité des démarches entreprises par l'Algérie dans ce sens. Les professionnels des assurances et les problématiques de ce métier, par ailleurs peu utilisé par nos concitoyens, en bénéficieront de façon significative et sensible. Intégrer des processus d'assurance conformes aux confessions des consommateurs et des assurés permettra également d'améliorer grandement le taux de couverture des citoyens algériens et leur recours à l'assurance.

La mutualisation des primes (collectées sous forme de dons). La solidarité prônée d'ailleurs par la foi et la religion du musulman est à l'origine du développement de l'activité des assurances dans le domaine des finances islamiques. Les primes d'assurance sont dans la réalité des dons et des participations à titre gracieux dans les efforts de couverture et d'indemnisation des sinistres subis et essuyés par les Moutakafilin (solidaires).

La réglementation algérienne sera amenée à aménager sa réglementation pour inclure cette forme d'assurance, éviter ainsi des frottements d'ordre juridique ou réglementaire et des coûts supplémentaires qui renchérissent les produits de la finance islamique et créent des surcoûts freinant son développement cohérent et serein.

L'autre fondement qui doit être revu concerne la fiscalité à appliquer aux opérations bancaires et financières islamiques. Les principes fiscaux à faire évoluer sont connus par les parties concernées, notamment par les professionnels de la banque et de l'administration fiscale: éviter la double imposition des opérations et des produits, privilégier la fiscalité de la richesse et non pas la fiscalité des flux, prévoir une fiscalité spécifique pour les filiales des banques islamiques comme pour les affiliés des assurances Takaful ou leurs titres participatifs, revoir le régime fiscal des investissements étrangers dans ce cadre, privilégier une fiscalité qui renforcerait les activités solidaires et participatives prônées par la religion islamique.

En fait, le cadre fiscal actuel ne définit que superficiellement les règles fiscales applicables aux opérations et aux produits bancaires et financiers conformes à la morale islamique en laissant aux intervenants trop de liberté d'interprétation, voire même un certain flou, sur les formes et les règles fiscales de leurs contrats et de leurs relations commerciales.

Les administrations, les professionnels et leurs clients se trouvent souvent dans des situations peu claires sur les traitements fiscaux opposables et imposables aux différentes formes possibles qui se développeront à la faveur de cette volonté de faire de cette forme de financement l'un des outils de politiques monétaire et financière. La double imposition est le souci qui se présente le plus comme une problématique dans la bouche des professionnels qui ont exercé dans ce domaine. Les contrats sur les produits de la banque et des finance islamiques sont considérés comme des opérations commerciales sur des actifs réels et non pas comme des opérations financières et donc la difficulté est de séparer la fiscalité des actifs réels et la fiscalité des opérations de financements qui l'accompagnent.

Le deuxième aspect concerne le régime fiscal à choisir pour les assujettis versés dans les activités de banque et de financement islamique dont le principe religieux recommande une fiscalité sur la richesse et non pas la fiscalité sur les flux, car le but de cette morale est d'encourager les flux économiques est de réprimer fiscalement l'oisiveté des capitaux et des richesses. Ce principe qui est également un principe sain sur le plan macroéconomique pour le développement de l'entrepreneuriat, l'encouragement des investissements et la limitation de la concentration des richesses aux mains d'une minorité qui pourrait en faire un usage malveillant sur le plan social et moral, voire même sur le plan politique.

Les pertes financières potentielles engendrées par le renoncement aux impôts sur les flux seront compensées par des plus-values et des activités économiques supplémentaires fort pertinentes sur le moyen et le long terme.

La fiscalité des filiales et des affiliés est également à revoir pour prendre en considération le fait et le principe de participation qui est au cœur de l'activité, des produits et des instruments financiers de la banque islamique et de la finance islamique. Les clients de la banque deviennent des affiliés et la banque devient d'une certaine façon un associé/participant dans les entreprises clientes soit pour son propre compte, soit par mandat pour le compte de ses affiliés. Les règles actuelles peuvent se heurter au problème de double imposition ou de fiscalité injuste à l'égard des activités de la banque ou de l'institution de la finance islamique, notamment lors de la prise de participation et de la distribution ou de la remontée des dividendes issus de l'activité des banques et des instruments financiers islamiques.

La fiscalité des investissements étrangers notamment dans le cadre des émissions de Sukuks pour mobiliser ou intéresser des investisseurs étrangers vers certains actifs et certaines infrastructures qui génèrent des revenus réguliers (titres de propriété sous-loués ou titres participatifs dans des actifs mis en concession de longue durée). Notre fiscalité doit évoluer pour prendre en considération les réserves et les réticences éventuelles de ce type d'investisseurs et les encourager à y participer.

Enfin, le fait de privilégier une défiscalisation orientée vers les aspects, les activités et les entités versées dans le solidaire, l'éthique, le renouvelable et le durable ne manquera pas de lever certaines contraintes liées à la contestation ou aux doutes émis sur la justesse et la justice de l'impôt officiel, car certaines populations sont réticentes à la bancarisation et à la fiscalisation de leurs activités et richesses, actuellement gérées, de toute façon, en dehors des circuits officiels.

Le dernier volet de travail de fond à accomplir concerne bien évidemment les organes et les entités de supervision de ce marché. Comme tout marché, il est important qu'un régulateur garantisse sa transparence, sa conformité aux cadres législatif et spirituel, la protection des intérêts et des droits des intervenants, la vérification et la validation des produits et des instruments élaborés et mis sur le marché, l'atteinte des objectifs visés par les autorités et qui rapporterait et rendrait compte aux pouvoirs publics périodiquement et régulièrement. Les autorités monétaires sont, d'ailleurs, par nature et de droit, le principal acteur et la partie la plus légitime susceptible de créer et de superviser ces éventuels organes ou entités. Leur constitution et leur mode de fonctionnement seront déterminés et soumis aux organes législatifs du pays pour approbation. Leur contrôle et leur suivi seront assurés, in fine, par l'exécutif.

Ces organes peuvent parfaitement constituer une direction ou un département ou même une structure dépendant de la Banque d'Algérie dont les membres seront sélectionnés selon des critères légitimes et bien identifiés pour rassurer les investisseurs, les clients, les citoyens et les banques ou institutions financières et leur garantir un accompagnement juridique, humain et technique de haute facture.

La participation des experts et des professionnels de la banque, de la fiscalité, du droit bancaire aux côtés des représentants des autorités politiques et religieuses sera le garant des intérêts et des droits de toutes les parties intéressées ou concernées par la réussite des efforts des pouvoirs publics en matière de lutte contre l'économie parallèle.

Ceci dit, les normes de filtrage des produits et instruments financiers islamiques, l'équivalent des normes d'audit en banque et en finance classiques, sont très rigoureuses et tentent de définir un cadre irréprochable et méticuleux pour la conception, l'élaboration et la mise en vente de tout instrument ou produit frappé du label islamique. Cependant, à mon avis, ces normes doivent également prendre en considération les objectifs à long terme du développement d'un marché stable et pérenne en insistant sur la nécessité de la tolérance comme principal vecteur, sur la progressivité comme principale stratégie et sur la recherche scientifique comme essence pour intégrer l'ensemble des normes dans le corpus juridique et législatif bancaire et financier national.

A suivre

*Cadre de banque, expert et consultant en Finance islamique



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