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Europe: L'illusion du «Macronisme»

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

  De quoi le Marconisme est-il le nom? L'agitation du président français chez lui et sur la scène européenne apporte-t-elle une plus-value politique et sociale à la France et à l'Europe? Et si ce n'était qu'un effet de loupe?

«La nature a horreur du vide», dit l'adage. Et le président français Emmanuel Macron l'a bien compris chez lui, en France, mais aussi et surtout sur la scène européenne. Profitant de l'absence de l'Allemande Angela Merkel, occupée chez elle depuis la fin de l'été dernier à mettre en place un gouvernement de consensus, Emmanuel Macron multiplie les déplacements dans et hors de l'Europe, promeut son idée d'une Europe centrée sur une stratégie exclusivement financière, une économie basée sur la flexibilité du marché du travail et une politique migratoire choisie, restrictive. Le président français brasse en fait autant sur les terrains de chasse de la gauche comme de la droite.

Cette démarche en «zigzag» de Macron laisse ses adversaire toujours sur leur faim et charme les médias français avec lesquels il a pris ses distances en créant sa propre cellule de communicants qui a réussi en quelques mois par imposer l'image d'un président «génie» bousculant les us et habitudes politiques jusque-là connues et appliquées à la France et l'Europe. Les médias d'abord français, puis européens parlent et dissertent sur ce qui à leurs yeux est une nouvelle doctrine de l'Etat: le Macronisme. Il aura donc fallu quelques mois de gouvernance à Emmanuel Macron pour apparaître comme l'apôtre d'une ère nouvelle qui fera le bonheur de la France, de l'Europe et même du monde. Pauvre Angela Merkel qui malgré ses trois mandats à la chancellerie et peut-être bien un quatrième mandat n'a pu faire valoir «le Merkelisme» comme marque déposée dans les index des théories politiques de ce siècle. A peine 5% de taux de chômage, un excédent commercial de plus de 160 milliards d'euros chaque année, un million de réfugiés accueillis durant la vague migratoire de 2015 en Allemagne et nulle part de doctrine labellisée «Merkelisme».

L'agitation du président français ne fait pas que le loisir des médias, elle cause au contraire de ce qu'elle laisse comme impression, de sérieux dégâts dans la cohésion européenne. Paradoxe chez un homme qui fait de la construction européenne l'une de ses stratégies de politique internationale: donner de la force à l'Europe en la divisant en deux ou plusieurs groupes de pays membres. Pour Macron, il y a d'abord le couple franco-allemand, puis celui partageant la monnaie commune, l'euro, puis le reste notamment les pays de l'Europe centrale et orientale. Comment arrimer l'ensemble des pays européens autour d'un centre de pouvoir de décisions «européen» avec autant de cercles concentriques où s'entremêlent les intérêts des uns et des autres? Mathématiquement l'équation est dite «équation différentielle insoluble». Et les pays d'Europe centrale et orientale cabrent déjà face à autant d'absurdité du président français. La Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, etc. se radicalisent de plus en plus et ne répondent plus aux offres françaises. Même ceux de l'Ouest comme l'Espagne, la Grèce, l'Italie opposent un silence et s'interrogent sur cette «chevauchée» de Macron dans l'espace européen.

Il n'y a que Macron et «ses» médias qui voient dans cette agitation du nouveau et une doctrine révolutionnaire sous le vocable prétentieux de «Macronisme». En réalité, il n'y a rien de nouveau sous le ciel français et européen. Pire, il y a du recul, de la division et du désenchantement des peuples européens. L'Europe d'hier si solidaire, ouverte et généreuse élève chez elle et entre elle des barrières et des murs, se divise en pays «moteurs» et pays «wagons», divorce ( la Grande-Bretagne), se cherche comme la Catalogne en Espagne, la Lombardie en Italie ou la Corse en France et surtout se radicalise çà et là en portant au pouvoir droite dure et extrême droite comme en Autriche, en Pologne ou en Hongrie. A vrai dire, l'Europe a besoin de dialogue, de solidarité entre ses membres et de plus de démocratie dans ses institutions communes, dites européennes. En agissant en «solo» en privilégiant le couple franco-allemand, Macron n'aide pas l'Europe à plus de cohésion, mais creuse davantage le fossé entre Européens, sans parler de celui entre Français. Vivement le retour de Madame Angela Merkel pour mettre les pendules de l'Europe à l'heure.