Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

El Makkari : La mort de la grand-mère était accidentelle

par M. Nadir

  Jeudi dernier, O. Rabah comparaissait devant la cour d'assises pour répondre d'un crime peu commun et pas du tout admis dans notre société : violence volontaire sur ascendant ayant entraîné la mort sans intention de la donner, suivant les articles 264 (alinéa 4) et 267 (alinéa 4) du code pénal. En l'occurrence, il était reproché à l'accusé d'avoir bousculé sa grand-mère qui, en tombant, s'est fracturé le col du fémur.

La vieille femme a rendu son dernier soupir sur la table d'opération des suites d'une détresse respiratoire résultant d'une conjugaison de facteurs dont son âge avancé et diverses maladies chroniques.

Mésentente familiale

Selon la chronologie des événements rapportés par l'arrêt de renvoi lu lors du procès, les faits remontent au 22 août 2016 quand O. Rabah, mécanicien âgé de 30 ans, regagne le domicile familial situé dans le quartier de l'hippodrome (El Makkari). Célibataire, il y cohabite tant bien que mal avec ses grands-parents paternels, son oncle Adda, la femme et les filles de celui-ci. Si ses relations avec ses grands-parents semblent empreintes de tendresse, il en est autrement de ses rapports avec son oncle qui lui reproche sa vie nocturne agitée et son penchant pour l'alcool. Mais, surtout, le tonton ne supporte pas le comportement violent de celui qu'il dit avoir élevé depuis la mort de son père à l'âge de sept ans et la disparition de sa mère, partie refaire sa vie en France : «Il rentrait ivre, empêchait tout le monde de dormir avec la musique qu'il mettait très fort et n'hésitait pas à proférer des insultes et des menaces lorsque j'osais lui en faire la remarque», témoignera l'oncle lors du procès.

Empoignade fatale

Ce 22 août au soir donc, une énième prise de bec oppose Adda à Rabah pour l'une ou l'autre des raisons. Le jeune homme monte à l'étage occupé par son oncle, les deux hommes s'empoignent et chacun essaie d'avoir le dessus sur l'autre. Les cris inquiètent la grand-mère qui rejoint l'étage de son fils avec l'intention de séparer les antagonistes mais au moment où elle débouche dans le couloir, elle est bousculée, tombe en arrière et pousse des cris de douleurs. Elle est immédiatement transférée au CHU d'Oran où les médecins diagnostiquent une fracture du col du fémur. On décide de l'opérer mais la vieille dame ne survivra pas à l'intervention chirurgicale.

O. Rabah sera interpellé et à l'issue de l'instruction, il sera inculpé de coups et blessures ayant entraîné la mort d'un ascendant sans intention de la donner.

Confrontation à la barre

Devant le tribunal criminel, Rabah nie être responsable de sa grand-mère qu'il dit considérer comme étant sa mère : «C'est elle qui m'a élevé depuis la mort de mon père», expliquera-t-il en soutenant que le soir du drame, il n'était pas ivre contrairement aux affirmations de son oncle : «Lorsque je suis monté voir mon oncle, il m'a immobilisé à l'aide d'un bâton pendant que sa femme et ses filles s'acharnaient sur moi. C'est lui qui a bousculé ma grand-mère, pas moi. Je n'avais même pas réalisé qu'elle était montée», jurera-t-il à la cour.

Invité à apporter son témoignage, O. Adda donnera une autre version : «Il est rentré ivre, encore une fois, et commencé à insulter et à proférer des insanités. Il est monté vers moi, je l'ai maîtrisé par derrière mais il ruait et essayait de me donner des coups de tête au visage. Lorsque je l'ai lâché, il s'est retourné et nous a bousculés, moi et ma mère qui venait d'arriver. Nous sommes tombés tous les deux et il a injurié sa grand-mère qui poussait des cris de douleurs», affirmera Adda en ajoutant qu'un peu plus tard, des voisins avaient arrêté Rabah qui revenait du dehors avec une barre de fer en jurant qu'il allait commettre un crime.

Le grand-père qui n'a pas voulu se porter partie civile témoignera également du caractère violent de son petit-fils mais assurera, avec une certaine tendresse dans la voix, que s'il créait des problèmes à la maison, il en était autrement à l'extérieur : «Jamais personne n'est venu se plaindre de lui.» Le témoin confirmera que depuis que Rabah a été emprisonné, il lui rend souvent visite.

Le parquet requiert la perpétuité

Dans son réquisitoire, le substitut du procureur général commencera par indiquer que, la nuit du drame, l'accusé était effectivement ivre et que la police avait attendu qu'il dessaoule avant de pouvoir l'interroger. Affirmant que c'est la charge du noctambule à problèmes qui a conduit au décès de la victime, il réclamera la réclusion à perpétuité contre O. Rabah.

De son côté, les avocats de la défense plaideront l'acquittement en se basant sur le fait qu'il n'est pas établi que c'est leur client qui a poussé sa grand-mère, et pas davantage qu'il l'ait fait avec l'intention de donner la mort : «La vérité est que les deux hommes se sont empoignés, que Rabah s'est dégagé de l'étreinte de son oncle et que sous la poussée de son neveu, Adda a bousculé sa mère qui se trouvait derrière lui. C'est une mort accidentelle». D'ailleurs, continuera la défense, le grand-père ne s'est pas porté partie civile et s'est fréquemment rendu à la prison pour s'enquérir de l'état de son petit-fils.

Après délibérations, le tribunal criminel considérera que la mort de la malheureuse était accidentelle, et prononcera l'acquittement de O. Rabah.