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Assassinat à St-Hubert: Cinq ans de prison pour l'auteur du crime

par M. Nadir

Le vendredi 09 septembre 2016, veille de Aïd el Adha, le quartier haï Salam, anciennement St-Hubert, réputé pour son calme et sa quiétude, est secoué par la nouvelle de l'assassinat de L. Hmida Wassim, 26 ans, commis par un de ses amis, D. Belhadj, 24 ans. Selon les informations qui seront récoltées ultérieurement par les enquêteurs, il est apparu que Belhadj a donné deux coups de couteau à Hmida qui a été transféré aux urgences du CHU d'Oran où il est demeuré en réanimation pendant quatre heures avant de rendre l'âme des suites d'une hémorragie massive.

Interpellé, le suspect Belhadj fait des aveux mais donne sa version des faits : «La veille, Hmida, avec lequel j'avais l'habitude de consommer du kif, m'avait agressé, roué de coups et fracturé mon bras gauche. Après m'être fait soigner et plâtrer le bras, je me suis rendu à la sûreté de wilaya pour déposer une plainte mais l'on m'a enjoint de me rendre au commissariat du 15ème arrondissement. Comme il faisait nuit et que j'ai été pris de vertige, j'ai préféré rentrer chez moi.» Le lendemain, ajoutera-t-il, il a acheté un couteau qu'il a glissé dans sa poche pour se protéger d'éventuelles représailles de son agresseur qui aura sans doute appris qu'il comptait se plaindre aux autorités. Dans l'après-midi, les deux jeunes gens se croisent dans le quartier, une altercation éclate et Belhadj sort le couteau qu'il enfonce dans le thorax et l'abdomen de son adversaire. Les témoins, des voisins qui étaient en compagnie de Hmida affirmeront que sans leur intervention, le suspect aurait pu asséner d'autres coups à la victime.

Fort des aveux de Belhadj et des témoignages à charge, le magistrat instructeur inculpera le suspect pour homicide volontaire après préméditation selon les articles 254 et 263 du code pénal.

Humiliations au quotidien

A la barre, lors de son procès jeudi 11 janvier 2018 au tribunal criminel d'Oran, D. Belhadj, aux allures de jeune premier candide et inoffensif, réitère ses aveux : «Oui, je l'ai frappé mais sans intention de tuer», déclarera-t-il en revenant sur la nature de la relation qui le liait à la victime : «Je souffre depuis mon enfance d'incontinence urinaire (trouble dû au spina bifida, anomalie de la colonne vertébrale apparaissant au cours du développement fœtal, Ndr), ce que la victime utilisait pour me rabaisser et m'humilier devant tout le quartier. De plus, il me rackettait, me volait des vêtements, de l'argent? A cause de lui, j'étais devenu la risée du voisinage. Dès qu'il me voyait, il me traitait de «pisseur» devant tout le monde sans se soucier de mon embarras. J'étais mortifié», relatera-t-il avec beaucoup de peine. Interrogé sur l'agression au couteau, il rapportera l'épisode de l'agression dont il avait été victime la veille avant d'affirmer qu'il avait pris le couteau chez lui : «Je n'ai pas acheté cette arme, je l'avais prise de la cuisine. J'ai eu peur qu'en disant la vérité aux policiers, ils iraient fouiller à la maison, ce qui aurait effrayé ma grand-mère malade. C'est pour cela que j'ai menti en disant avoir acheté le couteau.» Belhadj soutiendra qu'il avait l'intention d'oublier l'agression dont il avait été victime et de pardonner à celui qui restait son «ami» malgré tout : «Le jour du drame, je rentrais chez moi et je suis tombé nez à nez avec Hmida; je l'ai interpellé pour qu'il me justifie les raisons de son acte. Il m'a saisi par le devant de mes vêtements, j'ai vu qu'il n'avait pas l'intention de discuter, j'ai eu peur, sorti le couteau et frappé deux fois avant de m'enfuir pour éviter les pierres que ses amis me jetaient», terminera-t-il en jurant ne pas avoir voulu la mort de Hmida.

Dans son témoignage, le père de l'accusé affirmera ignorer tout de cette affaire : «Je voyais que certaines de ses affaires disparaissaient mais il me disait invariablement qu'il les avaient perdues. Je n'étais au courant de rien jusqu'au jour du drame», reconnaîtra-t-il en ajoutant que son fils avait dû quitter les bancs de l'école à l'âge de six ans en raison de sa maladie.

Le ministère public requiert la perpétuité

A la clôture des débats, la défense introduira un recours pour demander la requalification des faits du meurtre avec préméditation en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public martèlera que l'intention de tuer existait bel et bien chez l'accusé : «Quand on frappe au cœur, c'est comme si on tirait une balle dans la tête, c'est pour tuer. L'accusé ne peut pas venir aujourd'hui prétendre qu'il n'avait pas la volonté d'ôter la vie.» Estimant que l'accusation a apporté suffisamment de preuves sur l'intention criminelle de l'accusé, confortées par les déclarations des témoins (absents à l'audience, Ndr), le magistrat réclamera la réclusion à perpétuité à l'encontre de D. Belhadj.

Un crime horrible

L'avocat de la partie civile parlera, lui, de crime horrible commis par un jeune homme qui avait la volonté de donner la mort : «Il a acheté un couteau et s'est dirigé vers la victime avec l'intention manifeste de commettre l'irréparable.» Il mettra en doute la version de l'agression présentée par l'accusé en déclarant qu'aucune plainte n'avait été déposée et aucun certificat médical attestant de l'agression supposée ne se trouvait nulle part : «Les témoins ont parlé de confrontation verbale mais n'ont jamais évoqué une agression physique». Le défendeur terminera sa plaidoirie en rappelant les déclarations des témoins du meurtre qui ont affirmé qu'ils avaient empêché l'accusé de porter des coups supplémentaire à sa victime qui tentait de fuir.

Pas d'intention criminelle, selon la défense

Pour défendre leur client, les avocats de la défense appuieront sur la corde sensible de la maladie de Behadj : «Il a dû quitter l'école à cause de sa maladie et il est handicapé de la jambe gauche à plus de 80%», dira l'un d'eux en ajoutant que le père avait emmené son fils à l'étranger pour des soins mais que l'intervention chirurgicale n'avait finalement pas servi à grand-chose. La défense déplorera également que la permanence de la sûreté de wilaya n'ait pas daigné enregistrer la plainte de leur client, «ce qui aurait peut-être évité que l'on arrive à ce gâchis». Sur les circonstances du meurtre, les avocats évoqueront la configuration du quartier qui ne permettait pas à leur client de rentrer chez lui sans passer par l'allée où se trouvait justement la victime : «Belhadj n'avait que cet accès pour rentrer chez lui, il ne cherchait donc pas la victime. La rencontre était fortuite», ont-ils soutenu en présentant un dossier de photographies représentant le quartier pour étayer leur argument. Ils finiront par mettre en évidence la nature pacifique de leur client, non-violent, qui a longtemps été la tête de turc de la victime. Ils demanderont la prise en considération du recours déposé avant l'ouverture des plaidoiries et réclameront la mansuétude du tribunal et les circonstances atténuantes pour l'accusé.

En revenant de la salle des délibérations, le tribunal criminel annoncera le rejet du recours concernant la requalification des faits de meurtre avec préméditation en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En revanche, la cour fera preuve de clémence à l'égard de l'accusé en lui accordant les plus larges circonstances atténuantes : reconnu coupable de meurtre avec préméditation, il écopera de cinq ans de prison ferme.

Verdict qui provoquera un remous dans la salle où les parents de la victime s'en prendront aux membres du tribunal : «Cinq ans, c'est tout ? Vous croyez qu'il a tué un oiseau ?», s'insurgera un proche alors que la grand-mère et la mère du défunt (qui avaient versé des larmes lors du réquisitoire et la plaidoirie de l'avocat de la partie civile) hurleront à l'injustice et la hogra. Ils continueront de crier leur colère dans la rue lorsque les agents de sécurité les auront forcés à quitter les locaux du tribunal criminel.