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Session criminelle: Trois ans avec sursis pour faux en écriture publique

par M. Nadir

Pour son premier procès dans sa nouvelle configuration (quatre jurés et un juré assesseur siégeant aux côtés du président, ses deux assesseurs et un 4ème magistrat de réserve) le tribunal criminel près la cour d'Oran -qui siège désormais dans les locaux de l'ancien pôle pénal spécialisé- a examiné une affaire de faux en écriture publique ou authentique et faux et usage de faux.

En l'absence de l'un des deux accusés, en l'occurrence T. Mohamed -Algérien résidant en France qui n'aurait pas pu se déplacer en raison de problèmes de santé- seul M. Khalil, expert architecte de 52 ans, a été jugé pour avoir, selon l'accusation, établi un plan de situation au profit de T. Mohamed et au détriment des cousins de celui-ci, véritables héritiers d'une propriété de 555m², située à Hassiane Toual, commune de Benfréha. Les faits remontent à 2013, lorsque l'un des cousins de la famille T., Azzeddine, a été saisi par un ordre d'expulsion de la propriété en question qu'il disait occuper depuis les années 1980 avec l'accord des héritiers. La surprise de Azzeddine a été d'autant plus forte que la famille disposait d'un titre de propriété appartenant au défunt grand-père, Lakhdar, qui avait acquis le bien auprès d'un colon français en 1921. Les héritiers s'enquièrent de la situation auprès des instances concernées et découvrent que leur cousin Mohamed, établi à Nice, s'était «indûment» attribué la propriété en 1997 «grâce à diverses complicités». Les héritiers décident de porter plainte contre leur cousin et d'éventuels complices qui l'ont aidé à faire main basse sur la propriété familiale. L'enquête, et plus tard l'instruction, détermineront que les héritiers T. ont effectivement été victimes d'une tentative d'expropriation de la part de Mohamed, coupable de faux et usage de faux, avec la complicité notable de l'expert architecte, M. Khalil, qui aurait établi le plan de situation en son nom et sans se déplacer sur les lieux : «Sinon, il aurait constaté que la maison était habitée et qu'elle n'appartenait pas à Mohamed», a notamment accusé T. Azzeddine.

Lors du procès où il comparaissait libre, M. Khalil s'est défendu de toute intention criminelle : «Je ne connaissais même pas ce T. Mohamed. Nous nous sommes effectivement déplacés sur les lieux pour établir le plan de situation que nous avons remis au notaire (décédé en 2012, Ndr). Nous ne pouvons pas être responsables de l'utilisation ultérieure du plan par des parties tierces», a-t-il notamment déclaré en reconnaissant avoir fait des déclarations contradictoires à l'instruction : «C'est la première fois que j'étais ainsi poursuivi et l'affaire remontait déjà à 15 ans, je ne m'en souvenais plus tellement», a-t-il encore expliqué.

Pour le ministère public, la culpabilité des deux accusés était établie et les faits contenus dans le dossier d'accusation étaient clairs : «L'architecte a établi le plan de situation sans se déplacer sur les lieux et ses propos contradictoires démontrent sa culpabilité», a-t-il notamment affirmé en requérant 10 ans de réclusion assortis d'une amende et 1 millions de DA contre les deux accusés. Comme il réclamera la séparation des procédures criminelles entre les deux prévenus et l'émission d'un mandat d'arrêt contre T. Mohamed.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défense déplorera l'absence de la partie civile et la volonté de l'accusation de «faire porter le chapeau» à son client seul : «S'il y a eu fraude, d'autres parties sont forcément impliquées mais où sont-elles ?», s'est-il demandé en faisant allusion aux services de l'APC de Benfréha. Déclarant que le rôle de son mandant est «technique», il soutiendra qu'il n'est pas dans les attributions d'un bureau d'architecture de vérifier l'identité des propriétaires, mission que d'autres parties sont chargées de remplir. Il finira par demander l'acquittement pur et simple de son client.

Après délibérations, le tribunal criminel déclarera l'accusé coupable des faits reprochés et le condamnera à trois années avec sursis et une amende de 100.000 DA. T. Mohamed, lui, écopera de 10 ans de réclusion par contumace, assortis d'une amende d'un million de dinars.