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Parvenir à l’indépendance en matière de vaccination

par Helen Saxenian(1) et Paul Wilson(2)

WASHINGTON, DC – Les premières années de ce siècle ont été grisantes au plan de la santé mondiale. Les donateurs internationaux – que ce soit les gouvernements nationaux, dont les États-Unis avec le programme PEPFAR, ou de nouvelles initiatives internationales de financement, dont le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et Gavi, l’Alliance du Vaccin – ont investi des milliards de dollars dans les systèmes de santé et les programmes nationaux de lutte contre les maladies, sauvant des millions de vie.

Mais certains des pays ayant bénéficié de ces programmes sont aujourd’hui confrontés à un nouvel enjeu : consolider les résultats obtenus après la fin du soutien externe. En fin de compte, c’est sur la réussite de cette transition que seront jugées les initiatives des donateurs, et l’ensemble de l’aide sanitaire mondiale.

Prenons le cas de Gavi, l’Alliance du Vaccin. Fondée en 2000 dans le cadre d’un partenariat public-privé de donateurs importants, d’agences internationales et de représentants de l’industrie pharmaceutique, Gavi a pour objectif d’aider les pays les plus pauvres à avoir accès à de nouveaux vaccins qui sauvent des vies et à renforcer leurs programmes de vaccination. Mais lorsque le revenu annuel par habitant d’un pays dépasse un certain seuil – 1580 dollars à l’heure actuelle – il n’a plus droit au soutien financier de Gavi.

Bien entendu, Gavi ne met un terme à son financement du jour au lendemain, mais progressivement, sur plusieurs années. Durant cette période de transition, les pays doivent rapidement accroître les contributions financières à leurs programmes de vaccination et se préparer à les assumer entièrement.

Cette approche, qui permet à Gavi de con-sacrer ses ressources aux pays qui en ont le plus grand besoin, a été adoptée depuis 2010. Mais elle est aujourd’hui confrontée à une étape cruciale : un tiers des 73 pays ayant bénéficié du soutien de Gavi sont en période de transition ou viennent de l’achever. Ce groupe comprend des pays très différents les uns des autres, comme l’Arménie, le Bhoutan, le Honduras et le Vietnam, ainsi que l’Inde et le Nigeria, qui ont les plus importantes cohortes de naissance.

Le modèle de Gavi fait aujourd’hui l’objet d’un examen attentif : les pays bénéficiaires seront-ils en mesure de continuer à acheter et à inoculer les vaccins introduits grâce au financement de Gavi ?

Tout aussi important, l’engagement des pays se maintiendra-t-il dans la durée ? Si des coupes sont opérées dans les budgets nationaux, les programmes de vaccination seront-ils préservés, aux côtés d’autres services de santé essentiels ? Les pays seront-ils capables d’introduire de nouveaux vaccins au fur et à mesure de leur mise sur le marché ? Maintiendront-ils et renforceront-ils la surveillance des maladies de façon à détecter rapidement une épidémie et la juguler ? Ou les contraintes budgétaires entraîneront-elles, dans certains pays, une pénurie de vaccins, au déclin de la couverture vaccinale, ou dans le pire des cas, à l’abandon pur et simple de la vaccination dans les programmes nationaux, réduisant ainsi à néant les gains durement acquis au cours des dernières années ?

Les réponses à ces questions ne sont pas seulement importantes pour les pays concernés, mais également pour les pays voisins qui pourraient être affectés par un recul de la vaccination, étant donné que les maladies infectieuses ne se cantonnent pas aux frontières nationales. La récente épidémie de fièvre jaune en Angola s’est par exemple rapidement propagée à la République démocratique du Congo, un pays bien plus pauvre. Les expériences des pays qui se sont « émancipés » de l’aide de Gavi comportent également des enseignements importants pour d’autres programmes de santé internationaux et leurs bénéficiaires.

Compte tenu de l’am-pleur des enjeux, les agences internationales doivent faire tout leur possible pour préparer les pays à « une vie après Gavi ». Pour certains d’entre eux, en particulier ceux qui ont adopté de nombreux nouveaux vaccins, obtenir un financement adéquat et durable est l’une des difficultés majeures de la période de transition. Même si les programmes de vaccination ne représentent qu’une proportion relativement modeste des budgets nationaux des soins de santé et qu’ils se traduisent par des rendements économiques extrêmement élevés, il est nécessaire de planifier soigneusement le financement nécessaire.

Un nouveau guide peut aider les pays à relever ce défi : Immunization Financing: A Resource Guide for Advocates, Policymakers, and Program Managers (Financement de la vaccination : guide pratique à l’attention des défenseurs de la vaccination, des législateurs et des gestionnaires de programmes) fournit des informations sur les coûts estimés des vaccinations, évalue les avantages et les inconvénients de diverses sources de financement et les stratégies d’achat et fournit des éclaircissements sur les différents processus politiques. Il ne propose pas une approche unique, mais des informations pertinentes et des analyses de spécialistes. Les pays peuvent ensuite évaluer les options en fonction de leurs circonstances particulières et les défenseurs de la vaccination poser les bonnes questions.

Grâce à l’aide de Gavi, près de 580 millions d’enfants ont été vaccinés depuis 2000 et plus de 8 millions de décès évités, des gains impressionnants qui méritent d’être salués. Mais ce n’est qu’en parvenant à négocier avec succès la période de transition que les pays auront l’assurance de voir les générations futures bénéficier d’une protection analogue.

1- Chercheuse principale de l’organisation non lucrative Results for Development et consultante auprès d’organisations non gouvernementales et internationales
2- Chercheur principal de l’organisation non lucrative Results for Development, est professeur adjoint à l’École de santé publique Mailman de l’université de Columbia